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Le marché du bois d’œuvre résineux en Amérique du Nord traverse une phase de déprime qui contraste largement avec celle d’euphorie ayant caractérisé la période pandémique. La crise inflationniste ayant été en grande partie maîtrisée, les banques centrales envisagent dorénavant des baisses de taux directeurs qui pourraient stimuler le marché immobilier et incidemment, la demande de matériaux de construction en bois. Or, bien que quelques signes de reprise soient observés depuis peu, notamment en ce qui a trait à la demande et aux prix, le marché reste globalement fragile, comme en témoignent les nombreuses fermetures de scieries.
L’inflation continue de ralentir. Au Canada, après un rebond inattendu en mai, l’inflation a modéré cet été, pour atteindre 2 % en août. Ce ralentissement incite la Banque du Canada à desserrer les freins, elle qui a abaissé par trois fois son taux directeur, qui se situe maintenant à 4,25 %.
Aux États-Unis, après une baisse en juin, l’inflation s’est stabilisée à 3 % en juillet. Le président de la Réserve fédérale a récemment affirmé que l’économie américaine montrait des signes de ralentissement, et que des taux d’intérêt prolongés à des niveaux élevés pourraient affaiblir davantage l’activité économique et l’emploi. Déjà, le taux de chômage est passé de 3,7 % au début de l’année à 4,2 % en août. En réponse à ces préoccupations, la Réserve fédérale a réduit son taux directeur d’un demi-point de pourcentage, ramenant la fourchette à 4,75-5 %.
Ces baisses de taux directeurs sont essentielles pour insuffler un peu de dynamisme à l’économie en atténuant les coûts d’emprunt pour les entreprises et les ménages. Cette perspective baissière pourrait apporter un soulagement durable au marché de la construction et à d’autres secteurs dépendants, tels que les matériaux de construction en bois. Une reprise est-elle possible en 2025?
Pour l’instant, malgré les baisses, les taux d’intérêt continuent de peser sur le marché immobilier nord-américain. Aux États-Unis, le secteur de la construction résidentielle est confronté à une demande atone en raison de taux hypothécaires élevés, mais aussi de la valeur des maisons qui poursuit sa croissance. Entre janvier 2022 et mars 2024, la valeur médiane d’une maison a augmenté de façon marquée, avec un taux de croissance annuel de 8,1 %. Cela réduit considérablement l’accessibilité pour de nombreux ménages.
Au cours des six premiers mois de 2024, la construction résidentielle américaine a enregistré un recul de 3,8 % par rapport à l’année précédente. Ce recul est principalement attribué à une baisse de 39 % des mises en chantier de logements multifamiliaux, qui s’établissent à un rythme de 339 000 unités par an. En revanche, les mises en chantier de maisons unifamiliales ont augmenté de 17 % à 1,03 million d’unités annualisées. La propension pour les unifamiliales aura finalement bénéficié au marché du bois d’œuvre, comme nous l’observerons plus tard. Les prévisionnistes tablent sur une baisse de 4 % des mises en chantier en 2024, avec un rebond prévu en 2025 (+3,6 %), puis en 2026 (+3,4 %), au fur et à mesure que les baisses de taux directeurs diminuent le coût d’emprunt hypothécaire pour les ménages et stimulent la demande d’unités résidentielles.
Au Canada, les mises en chantier ont augmenté de 6,9 % au cours du premier semestre 2024 par rapport à la même période en 2023. Ce rebond pourrait être lié aux mesures gouvernementales annoncées depuis l’été 2023, visant à ajouter un million de nouveaux logements d’ici 2031. Cependant, cet objectif semble ambitieux, compte tenu des contraintes actuelles en matière de main-d’œuvre et de matériaux. Néanmoins, ces initiatives devraient dynamiser le secteur de la construction et orienter celui-ci dans la bonne direction pour les prochaines années.
Cette année, la demande globale de bois d’œuvre aux États-Unis semble se redresser, avec une hausse de 3,4 % par rapport à 2023. Cette augmentation est principalement soutenue par la forte demande dans la construction résidentielle, stimulée par un regain dans la mise en chantier d’unifamiliales. Le secteur de la construction non résidentielle a aussi contribué à la hausse de la demande. En revanche, le secteur de la construction multifamiliale connaît un ralentissement important.
De même, en Amérique du Nord, la production de bois d’œuvre résineux est restée stable au premier semestre 2024 par rapport à 2023 (+0,1 %). Cette stagnation s’explique principalement par la baisse de la production aux États-Unis
(-3,2 %), tandis que la production canadienne a connu une hausse de 6,3 %. Le Québec se démarque particulièrement avec une augmentation de 13 % de sa production, en partie parce que l’année précédente, la province avait été gravement touchée par de violents feux de forêt, mettant temporairement à l’arrêt l’industrie forestière. En parallèle, les volumes mis en marché en forêt privée sont aussi supérieurs cette année, témoignant d’une activité plus soutenue du côté des producteurs privés. Toutefois, de nombreuses fermetures de scieries assombriront le portrait du deuxième semestre, et il ne faudrait pas se surprendre si une baisse de production survenait d’ici la fin de 2024.
Demande insuffisante et coûts trop élevés
En effet, la demande reste insuffisante et les coûts trop élevés pour que la majorité des usines puissent maintenir leur seuil de rentabilité. À cet effet, le conflit du bois d’œuvre continue d’envenimer cette situation précaire. Depuis le 16 août 2024, les droits compensateurs et antidumping pour le bois d’œuvre canadien exporté aux États-Unis sont passés de 7,99 % à 14,54 %. Par conséquent, depuis l’été, les arrêts d’opérations se multiplient, et de nombreuses scieries ont dû fermer temporairement. Au Québec, Chantier Chibougamau a fermé sa scierie de Béarn, Arbec celle de L’Ascension, et la scierie Boisaco a cessé ses opérations à Sacré-Cœur. Produits forestiers Résolu a mis un terme aux activités de ses usines à Maniwaki et à Comtois. En décembre, il suspendra également les activités de son usine Produits Forestiers Mauricie, située à la Tuque. Interfor envisage aussi de suspendre les opérations à ses scieries de Matagami et Val-d’Or, tandis que la scierie de Produits forestiers Petit Paris a cessé définitivement ses activités en octobre.
Ce début d’année 2024, le prix du bois d’œuvre a été très volatil. Au premier trimestre, la production de bois d’œuvre avait dépassé les commandes, les scieries ayant anticipé une augmentation saisonnière des achats qui ne s’est pas concrétisée. Cela a entraîné une chute de 20 % du prix entre mars et juillet, pour atteindre 612 $/MPMP. On comprend mieux alors pourquoi plusieurs scieries ont fermé. Toutefois, les prix semblent dorénavant repartir à la hausse, bien qu’ils demeurent toujours en deçà de leur moyenne historique de la dernière décennie.
Pour la fin de l’année, les prévisionnistes demeurent optimistes et prévoient une augmentation graduelle des prix de 7,8 % en 2024. Si cette tendance se poursuit, les prix pourraient même progresser de 8,1 % en 2025. Cette hausse serait principalement alimentée par une augmentation de la demande, en raison d’une baisse des taux d’intérêt qui devrait dynamiser le marché de la construction. Espérons alors que ces nouveaux paramètres permettront aux scieries de sortir de leurs fermetures prolongées… et aux producteurs de poursuivre leur récolte.