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QUÉBEC — S’il y avait un équivalent de l’œnologie dans l’industrie du sirop d’érable, Stéphane Guay serait certainement un spécialiste en la matière.
« Si tu as mis un injecteur d’air, je vais le savoir. Si c’est un sirop par osmose inversée, un sirop fabriqué à l’électricité, un sirop qui a été trop concentré, je suis en mesure de le trouver », lance le biologiste qui trimballe toujours avec lui des échantillons pour faire passer des tests à ceux qui veulent relever le défi.
Bien connu pour sa participation à l’émission Un chef à la cabane avec Martin Picard, Stéphane Guay se démarque autant par sa passion à parler du sirop d’érable que par la rigueur de la démarche scientifique de ses recherches.
« Pas mal de monde est d’accord pour dire qu’on a perdu beaucoup de saveur. Avec les nouvelles technologies, les gens font moins d’évaporation. Et puis, avec le principe du paiement à la couleur qui récompense le sirop extraclair, les manufacturiers ont mis en marché de l’équipement pour faire du sirop de plus en plus pâle. Actuellement, il n’y a pas d’incitatif à faire du sirop savoureux », déplore Stéphane Guay.
La saveur avant la couleur
La saveur? Parlons-en. C’est la principale préoccupation du biologiste, qui l’habite plus que jamais. « On passe des heures et des heures à installer le système de récolte. Puis, au moment où on doit développer la saveur, on brûle des étapes », tranche-t-il.
Au fil des dégustations auxquelles il se livre aux quatre coins du Québec, Stéphane Guay constate que les gens sont plus connaisseurs qu’il n’y paraît. « J’avais quatre sirops provenant de la même sève d’érable, mais produits
selon quatre modes différents de cuisson. Il y avait une gradation de la saveur et 80 % des gens qui se disaient experts ont choisi la même séquence que moi. » C’est le sirop avec le goût d’érable qui a obtenu la cote, suivi d’un autre qui avait cuit un peu plus longtemps afin de développer des accents de caramel et de confiserie.
Pour le biologiste, il est plus que temps de mettre l’accent sur la saveur plutôt que sur la couleur. « La saveur, c’est très complexe comme phénomène », explique-t-il. Tout d’abord, la sève de l’érable n’est pas la même au début de la saison qu’au milieu ou à la fin de celle-ci. Et puis, il y a le type d’évaporateur employé qui influe grandement sur le produit. « Donne-moi 10 évaporateurs et je vais te faire 10 sirops différents. »
Les pastilles à la rescousse
Avec le concours de la Commanderie de l’érable, un organisme sans but lucratif voué à la promotion des produits de l’érable, Stéphane Guay travaille à l’élaboration d’un système de pastilles de goût inspiré de celui de la SAQ. Une démarche également appuyée par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec.
« Idéalement, il y en aurait beaucoup plus, mais si on pouvait démarrer avec quatre pastilles, ça serait intéressant dans un premier temps », indique-t-il. Au sommet, on retrouverait LA pastille, celle du sirop d’érable pur, celui produit au plus fort de la saison. Il y aurait ensuite le sirop léger, aux accents de vanille, caractéristiques du début de saison lorsque l’arbre ne produit pas d’azote, un ingrédient indispensable à la production de la saveur à l’étape de la cuisson.
Puis, Stéphane Guay créerait deux autres catégories de saveurs secondaires : confiserie, qui développe des arômes de sucre d’orge et de cassonade blonde, puis végétal, à l’arrière-goût de bois et de bourgeons, typique du sirop de fin de saison. « C’est celui que j’utilise pour ma recette de fèves au lard », confie le biologiste.
C’est une question de temps avant d’en arriver là. « On n’a pas le choix de prioriser la saveur et comme toujours, c’est le consommateur qui l’exigera et l’industrie devra répondre à la demande », prévoit Stéphane Guay. C’est pourquoi, en parallèle au système de pastilles, il développe un cahier des charges qui tient compte des différents modes de production et qui permettra aux acériculteurs de fabriquer du sirop en fonction de la saveur plutôt que de la couleur, comme ils ont toujours été incités à le faire jusqu’à présent.
Pour en savoir plus sur Stéphane Guay, consultez son site Internet erable-chalumeaux.ca, qui a généré plus de 700 000 pages vues depuis sa mise en ligne au début de 2018. Le biologiste y produit une capsule vidéo par semaine développée à partir des questions soumises par les visiteurs.
Bernard Lepage, journaliste.