Productions 19 août 2024

De l’orge brassicole désirée entre les rangs de maïs et de soya

La Montérégie, une région de grande production de maïs et de soya, a été ciblée par l’organisme sans but lucratif Terre à table pour déployer le projet collaboratif « Veiller au grain pour un avenir durable ». Ce dernier vise à convaincre davantage de producteurs de grains d’adopter des pratiques régénératrices, notamment en diversifiant leurs cultures.

« On sait que toute troisième culture entre en compétition avec le maïs ou le soya, donc, on s’est demandé ce qui pourrait être au moins aussi profitable sur le plan économique pour le producteur, mais en tenant aussi compte de l’avantage qu’une troisième culture peut apporter pour la santé des sols et la résilience de l’entreprise face aux changements climatiques », explique Beth Hunter, fondatrice de l’organisme Terre à table.

Dans la première phase du projet, son équipe a entre autres travaillé avec des producteurs, des agronomes et des compagnies de transformation agroalimentaires comme Farinart pour bien cibler les besoins du marché et connaître l’intérêt à s’approvisionner localement. Trois cultures ont par la suite été identifiées comme étant celles avec le plus de potentiel pour les producteurs sur les plans économique, agronomique et environnemental, soit le tournesol, le seigle et l’orge brassicole. 

C’est avec l’orge que la deuxième phase du projet pilote devrait s’amorcer dans les champs, le printemps prochain. Le marché pour ce produit est déjà bien établi et la demande est grande, contrairement au tournesol et au seigle, « où il reste du travail de recherche à faire pour développer les marchés lucratifs », signale Mme Hunter.

La catégorie brassicole comme cible

Le producteur de grains Yvan Lussier, propriétaire de la Ferme du Coin-Rond, à Saint-Marc-sur-Richelieu, fait partie des producteurs qui souhaitent participer à la première cohorte du projet pilote. Il souhaite notamment obtenir des conseils pour réussir à classer son orge dans la catégorie brassicole, ce qu’il n’est pas encore parvenu à faire.  L’orge de cette classe se vend à meilleur prix, soit environ 100 $ de plus la tonne que l’orge conventionnelle.

Vu que je n’ai pas une grande superficie en orge, la prime qui vient avec le classement, c’est significatif.

Yvan Lussier

L’équipe de Terre à table a d’ailleurs consulté des fermes « modèles », c’est-à-dire celles qui arrivent régulièrement à classer leur orge dans cette catégorie, pour mieux comprendre la recette de leur succès et la partager avec l’ensemble des producteurs qui participeront au projet. 

Ce qui fait aussi l’affaire d’un brasseur comme Innomalt, qui prend part au projet et dont les besoins d’approvisionnement en orge brassicole québécois sont en croissance continue. « On a des producteurs qui s’essaient et qui ne réussissent pas [à se classer], mais on en a d’autres qui réussissent 19 fois sur 20. Donc, il y a vraiment quelque chose dans les méthodes et dans les champs sélectionnés qui expliquent le succès », précise Raphaël Sansregret, président d’Innomalt. 

Pour se classer dans la catégorie brassicole, l’orge doit être de grande qualité, avec un grain relativement gros, qui n’a pas de champignons et qui n’a pas commencé la germination, énumère M. Sansregret.

« Il ne faut pas que le grain germe, donc on récolte quand il est prêt à 95 %, car après ça, ils ne sont plus capables de faire le maltage, qui est une germination provoquée pour la production de bière », précise Jean Asnong, copropriétaire de la Ferme Asnong, à Pike River, en Montérégie. Celui qui cultive de l’orge en régie biologique depuis 15 ans a servi de ressource pour le projet puisque sa production d’orge se classe, année après année, dans la catégorie brassicole. 

Un champ d’orge biologique de la Ferme Asnong, à Pike River, en Montérégie. Photo : Gracieuseté de la Ferme Asnong

Il spécifie que les stratégies d’entreposage jouent aussi un grand rôle, puisque pour éviter la germination du grain, l’orge doit être ventilée pour atteindre un taux d’humidité en bas de 14 %.

Le projet « Veiller au grain pour un avenir durable » a obtenu un financement de 200 000 $ du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, par l’intermédiaire de la Stratégie bioalimentaire Montérégie.