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Dans la production bovine, les besoins en eau, tant en termes de quantité que de qualité, demeurent souvent sous-estimés. Pourtant, cet élément vital joue un rôle crucial dans la santé, la productivité et le bien-être des animaux.
« On ne s’en préoccupe pas assez, surtout pour ce qui est de la qualité, observe Bernard Doré, agronome et conseiller membre du groupe Bovi-Expert. On recommande de tester son eau minimalement une fois par année, ce que ne font pas tous les producteurs. Or, la qualité de l’eau peut se dégrader d’une année à l’autre ou même au cours d’une saison. »
Une eau contaminée par des agents pathogènes, des minéraux en excès ou des substances chimiques peut être source de problèmes de santé majeurs. Selon le Beef Cattle Research Council (BCRC), les bactéries comme E. coli, les nitrates ou encore les concentrations élevées de sulfates peuvent provoquer des troubles digestifs et des diarrhées chroniques, et entraîner des retards de croissance. Une vache mal hydratée ou souffrant de troubles digestifs produit moins de lait, prend moins de poids et devient plus vulnérable aux maladies, ce qui fait augmenter les frais de vétérinaire.
Quantité et accessibilité : des facteurs essentiels
La quantité d’eau mise à la disposition des animaux peut aussi poser problème. Ce n’est pas tant en raison d’une négligence des producteurs, mais plutôt d’une méconnaissance des besoins réels en eau, affirme René Boisvert, conseiller spécialisé chez Sollio & Vivaco.
« En production laitière, les zones d’abreuvement constituent souvent le point faible des installations. Les producteurs sont très attentifs aux dimensions recommandées des logettes pour assurer le confort des animaux, mais se questionnent moins sur la capacité des abreuvoirs. Comme les vaches ont accès à de l’eau, ils croient que tout va bien. » Il s’agit d’une réalité également observable en production de bovins de boucherie.
Une consommation insuffisante d’eau entraîne des conséquences directes : diminution de l’ingestion de matière sèche, perte de poids, baisse de la production laitière et dégradation de la santé globale des animaux.
Des besoins variables selon le contexte
Les besoins en eau sont importants et ils varient considérablement selon la saison, le type d’élevage et le stade de développement de l’animal. En été, par exemple, ils augmentent de façon significative. Pour un taureau, ils vont du simple au triple, passant de 53 litres par jour en hiver à plus de 150 en été, selon une publication du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Même chose pour un bovin en croissance (de 180 à 360 kg) : de 30 litres par jour en hiver, sa consommation peut passer à 90 litres en été. Une vache allaitante peut quant à elle consommer jusqu’à 132 litres par jour durant la saison chaude, contre environ 49 litres en hiver.
Chez les vaches laitières, la consommation d’eau est directement liée à la production de lait, rappelle René Boisvert.
Dans les exploitations où les vaches sont en stabulation libre, le conseiller constate souvent qu’il manque d’abreuvoirs. « Il est recommandé que 10 % à 15 % des vaches du même groupe puissent boire en même temps, souligne le conseiller. Par exemple, pour 20 vaches, il faut prévoir 1,2 mètre d’abreuvoir. Lorsque le troupeau augmente, c’est important d’ajuster le nombre d’abreuvoirs, ce qui n’est pas toujours fait. »
Spécificités pour les animaux en pâturage
Pour protéger les cours d’eau, les bovins ne peuvent plus s’abreuver directement dans les rivières ou les étangs au Québec. Il est donc essentiel d’installer des abreuvoirs, idéalement à moins de 250 mètres de la zone de pâturage.
Pour ces troupeaux en liberté, il faut aussi que le volume d’eau et le débit d’approvisionnement soient adéquats, recommande Jessica Guay-Jolicœur, agronome chez Sollio Agriculture et OptiBœuf. « Les bovins se déplacent en groupe. Mais si le débit d’eau n’est pas suffisant pour remplir l’abreuvoir au fur et à mesure que les vaches boivent, les dernières risquent de repartir avec le troupeau sans avoir bu », explique-t-elle.
Maintenance et entretien : des aspects cruciaux
Un approvisionnement en eau fiable nécessite un entretien rigoureux des systèmes. C’est toutefois un autre aspect où il y a place à amélioration. « La plupart du temps, quand on intervient, c’est qu’il y a un manque de débit aux abreuvoirs ou des problèmes de santé liés à une qualité de l’eau altérée », explique Nicolas Milette, propriétaire et conseiller technique chez Agrisum, spécialisé dans le nettoyage de conduites d’eau dans les bâtiments d’élevage.
Un réseau de distribution mal entretenu ou sous-dimensionné peut nuire aux performances des animaux. Pour éviter ce genre de situation, procéder à une analyse de l’eau constitue la première étape d’intervention. « Il faut connaître sa composition, à la fois bactériologique et physico-chimique. Ça permet de déterminer le bon traitement : adoucisseur, filtration ou désinfection », précise-t-il.
Cependant, il déplore que peu de producteurs fassent ces analyses de manière préventive. « Ils se conforment à la réglementation pour l’analyse bactériologique une fois par année, mais ils négligent l’aspect physico-chimique. C’est dommage, car un simple test annuel pourrait éviter bien des problèmes. »
Bien que certaines interventions nécessitent des investissements plus importants – de 2 000 $ à 40 000 $ selon l’ampleur des travaux –, les bénéfices sont rapides. Nicolas Millette se souvient d’un producteur surpris par l’effet immédiat d’un traitement : « Quelques heures après avoir procédé à un nettoyage qui a amélioré le débit d’eau, il m’a texté pour dire qu’il n’avait jamais vu ses vaches boire autant. Elles étaient clairement déshydratées sans qu’il s’en rende compte. »
Pour optimiser la gestion de l’eau, l’approche d’Agrisum repose sur une collaboration étroite avec les acteurs de la ferme : nutritionnistes, vétérinaires et producteurs. « On travaille tous ensemble pour trouver des solutions les mieux adaptées », souligne Nicolas Milette.