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Dans une industrie soucieuse de la qualité de son produit, les producteurs ont à cœur la santé et le bien-être de leur troupeau, surtout aux étapes charnières du processus. L’agronome Stéphane Beaudoin, consultant spécialisé en formation et en audits du bien-être animal, fournit de précieux repères sur ces questions.
Du caractère…
Pour manipuler de façon sécuritaire ces animaux imposants, il faut comprendre ce qui les fait réagir. « Les bovins sont grégaires et motivés par la nourriture et la peur. Ils aiment se déplacer en groupe », explique M. Beaudoin, spécialiste en santé animale et fondateur de Gestbeau, une entreprise dédiée à promouvoir le traitement humanitaire des animaux, la salubrité et la biosécurité à travers l’éducation.
« Leur vision monoculaire les rend réactifs aux mouvements rapides. Ils sont nerveux, sensibles aux changements et ils vivent dans le moment présent. Ils doivent voir et comprendre où aller », précise-t-il, ajoutant que la prise de pied, l’éclairage, l’odeur, le bruit, la présence d’humains ou d’autres animaux sont susceptibles d’affecter leur comportement.
Partant de ce constat, les intervenants doivent connaître ces caractéristiques, identifier les signes d’inconfort ou d’agressivité potentielle, et être formés aux techniques de manipulation en douceur. « Il faut prévoir ce qu’on veut faire, observer les animaux, s’adapter en fonction de leur réaction, et tout cela, dans le calme et la paix », résume celui qui décrit sa rencontre avec la Dre Temple Grandin, spécialiste du comportement animal et du traitement sans cruauté du bétail destiné à l’abattage, comme une influence déterminante dans son approche.
Comprendre la zone de fuite
Une technique développée par la Dre Grandin et préconisée par Stéphane Beaudoin consiste à maîtriser la « zone de fuite ». Cet espace qui s’étend à partir d’un point de balance situé entre les omoplates de l’animal influence sa perception et la direction qu’il va prendre selon la position d’un élément stresseur. « Les animaux ont besoin d’espace pour réagir, se tasser de nous ou se retourner. Cet espace leur sert à évaluer où les gens sont positionnés et s’ils représentent une menace ou non. C’est ce qui va induire le mouvement chez l’animal, et c’est pourquoi la position de l’intervenant est si importante. L’animal doit voir ce qui lui met de la pression pour pouvoir réagir, et il faut lui donner une direction où aller », insiste l’agronome, ajoutant qu’évaluer le parcours au préalable, faire transiter les animaux par petits groupes en gardant le rythme, mais à leur vitesse, et maintenir la pression sans surstimuler sont les règles d’or d’un déplacement fluide.
Des outils facilitants
En complément d’une technique adéquate, certains accessoires qui « allongent » la portée naturelle de l’intervenant viendront optimiser l’efficacité de l’action. Des stimulus auditifs et visuels, comme une palette ou une rame avec une bille ou un drapeau, agissent comme le prolongement du manipulateur. En revanche, les aiguillons électriques ne doivent être employés qu’en dernier recours, lorsque la sécurité des animaux ou des humains est menacée. « Si vous y avez recours, les animaux doivent avoir le chemin libre devant eux avant que l’instrument soit appliqué », rappelle M. Beaudoin. De plus, leur usage sur des parties sensibles est considéré comme un acte d’abus devant la loi.
Par ailleurs, pour cet agronome qui cumule plus de 715 audits en bien-être animal, la hausse d’incidents, par exemple des bovins qui chutent pendant la manipulation, vocalisent, trébuchent à la sortie du couloir de contention, ou qui nécessitent l’aiguillon pour avancer, signale que le niveau de bruit, l’éclairage, l’équipement ou les méthodes de manipulation sont à améliorer.
Les veaux : une approche tout en nuances
Chez le veau, la zone de fuite est plus rapprochée du corps que chez le bovin adulte. « Les veaux apprennent de chaque interaction avec l’humain, et ils ont une aversion aux cris. Il est donc important de créer un environnement calme. N’ajoutez pas d’énergie à leur énergie! » souligne M. Beaudoin, qui offre l’exemple d’une méthode efficace. « Au moment d’entrer dans le parc, j’ouvre la porte, et je leur laisse un espace où sortir avant de commencer à les manipuler. Je leur laisse ensuite le temps de se regrouper et de me regarder, de façon à ce qu’ils puissent voir où je suis et évaluer si je me trouve devant ou derrière leur point de balance, et ce que je vais faire. Quand le premier veau commence à sortir, je me déplace tranquillement, à leur rythme, vers l’arrière de la cohorte, pour me positionner derrière la zone de fuite, ce qui va instaurer un mouvement dans la direction où je veux les amener. » Ici, un long bâton muni d’un stimulus visuel facilitera le processus.
Les exigences du transport
Au Canada, différentes lois d’ordre fédéral et provincial régissent le transport du bétail. Toutes les personnes qui participent aux décisions entourant le transport des animaux sont imputables devant la loi par rapport au bien-être animal et à la réglementation. Il incombe à tous de prévoir la durée et les conditions du transport et de surveiller la condition des animaux à des fréquences appropriées. Les intervenants ont aussi l’obligation d’évaluer la capacité des animaux à endurer le confinement, afin d’éviter des souffrances inutiles et la mort. Chaque animal doit être évalué avant d’être transporté. Ici, les décideurs disposent d’outils pour éclairer leurs procédés. Ainsi, un animal peut être jugé « apte au transport », « fragilisé » (transportable sous certaines précautions seulement), ou « inapte » (qui ne peut être transporté que pour recevoir des soins vétérinaires).
Parmi les facteurs de risque :
- L’état de l’animal, une maladie ou une blessure;
- L’espace requis et la compatibilité avec d’autres animaux;
- La durée de la privation de nourriture, d’eau ou de repos;
- Toutes les conditions susceptibles d’affecter le transport.
« Les erreurs les plus courantes consistent à manipuler les animaux avec rudesse, à trop les aiguillonner et à les entasser », observe M. Beaudoin. Le communicateur chevronné cite ici le devoir de respect prôné par la Dre Grandin, qui reste au cœur de l’industrie. « Nous devons donner aux animaux d’élevage une vie décente et une mort indolore. Pour ce faire, on se doit de respecter les limites de chaque catégorie d’animaux en fonction de leur âge, leurs limites physiologiques et psychologiques, et leur niveau d’expérience avec l’homme et ses activités, tout en tenant compte de l’environnement et des conditions dans lesquelles nous leur imposons d’interagir. »
Prévoir, observer, agir avec compétence et s’adapter C’est le fondement de tous les gestes de l’intervenant appelé à manipuler des bovins. Les consignes à retenir :
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Références : Extraits, Formation transporteurs et encans, Gestbeau, 2021
Loi et Règlement sur la santé des animaux, Loi et Règlement sur la salubrité des aliments, Code criminel, partie IX; Loi sur la santé et le bien-être animal, chap. B-3.1
Nathalie Laberge, collaboration spéciale