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Pour des abattoirs de petites et moyennes tailles, la revalorisation des peaux d’animaux est devenue un enjeu de rentabilité, puisqu’il n’existe quasiment plus de tanneries au Québec pouvant les récupérer. Alors qu’elles étaient auparavant une source de revenus, ces peaux sont devenues un fardeau pour certains, qui doivent payer pour les envoyer à l’équarrissage ou au dépotoir.
« C’est énorme, les coûts, pour une entreprise comme la nôtre, des pertes comme les peaux », souligne Manon Cambefort, directrice générale de l’abattoir de Luceville, dans le Bas-Saint-Laurent. Bien qu’elle réussisse encore à vendre les peaux de bovins à la Tannerie des Ruisseaux, l’une des dernières de la province, les coûts de main-d’œuvre nécessaires, pour préparer et saler ces peaux avant qu’elles ne soient récupérées ne lui permettent de dégager aucun profit, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années, indique-t-elle. « On a acheté l’abattoir il y a un an, mais j’ai vu les états financiers et je peux vous garantir qu’il y avait des profits tirés de la vente de ces peaux il n’y a pas si longtemps », révèle-t-elle.
De 60 $ à 12 $ la peau
Le propriétaire de la Tannerie des Ruisseaux, Éric Pelletier, confirme que le marché du cuir au Canada est moins lucratif qu’avant.
Cette situation désole Indira Moudi, présidente de l’Association des abattoirs inspectés du Québec et propriétaire de l’abattoir Lafrance, à Shawinigan. « Les peaux, avant, ça faisait partie des éléments qui nous aidaient à avoir des marges bénéficiaires. Le fait de ne plus avoir ces marges, ça nous fait encore des revenus de moins », déplore-t-elle en soulignant que les abattoirs doivent désormais payer pour envoyer ces peaux à l’enfouissement ou à l’équarrissage.
Mme Cambefort, de son côté, entend bien faire changer les choses. Elle veut s’attaquer, dans la prochaine année, à trouver des solutions pour tirer des profits du cinquième quartier, c’est-à-dire ce qui reste après la découpe de la carcasse. « Les abattoirs vivent plusieurs enjeux en ce qui concerne les déchets. Les peaux d’agneaux, par exemple, auraient un potentiel de transformation intéressant, mais pour l’instant, on paie entre 15 000 $ et 20 000 $ par année seulement pour les envoyer à l’enfouissement parce qu’il n’y a plus d’autres débouchés », regrette-t-elle.
Ces peaux d’ovins sont aussi un fardeau financier pour les plus gros abattoirs, comme Montpack International, aussi contraint de payer pour en disposer. Martin Croteau, président des opérations pour le transformateur ayant son siège social à Laval, indique néanmoins que les peaux de bovins générèrent encore des revenus intéressants pour l’entreprise, qui produit des volumes suffisants pour les expédier par conteneurs vers de gros acheteurs en Chine et en Italie, où elles sont transformées en cuir.
De son côté, le ministère de l’Environnement du Québec ne considère pas que les peaux représentent un enjeu environnemental important dans les lieux d’enfouissement où elles sont acceptées. Il estime par ailleurs que l’équarrissage demeure pour l’instant le meilleur mode de valorisation pour ces produits.
Pas d’effets directs sur les producteurs
Les éleveurs de bovins questionnés par La Terre ont indiqué ne pas sentir les effets des difficultés des abattoirs à revaloriser les peaux d’animaux. « Les peaux sont gérées dans le cinquième quartier, et ça n’a jamais été un argument par rapport aux prix qu’on reçoit pour nos bêtes », confie Philippe Alain, un producteur de bœufs de Saint-Basile, dans la région de Québec. Du côté des Producteurs de bovins du Québec, on souligne toutefois que les pertes enregistrées dans les abattoirs finissent ultimement par affecter les revenus de toute la filière.
Retrait de Sanimax du commerce du cuir
Il y a environ cinq ans, l’entreprise Sanimax, qui récupère entre autres des résidus animaux en provenance des fermes et des abattoirs du Québec, a pris la décision de se retirer du marché canadien de la revalorisation des peaux de bovin. L’équarrisseur explique sa décision par sa position de « joueur marginal de ce marché », comparativement aux autres grands joueurs, tels que Boston Hides, aux États-Unis. L’entreprise précise que depuis, ce sont les abattoirs qui assurent la gestion de cette matière s’ils souhaitent qu’elle soit transformée en cuir.
Des normes resserrées depuis 1980
Les normes environnementales entourant les rejets dans le réseau d’égout de chrome extractible, l’un des principaux polluants émanant des tanneries, ont été établies à 5 mg/l en 1980, puis resserrées à 3 mg/l en 2015, indique le ministère de l’Environnement du Québec.