Acériculture 5 octobre 2023

Une fascination pour les saveurs et les couleurs du sirop

Récipiendaire de la médaille d’Or pour la région du Centre-du-Québec au Concours de la Grande Sève 2023 de la Commanderie de l’Érable, l’Érablière JO2 – Jolette et Johnson récolte printemps après printemps la sève de ses érables pour la transformer en sirop en s’en tenant à deux règles simples : bon et beau…

À Saint-Pierre-Baptiste, sur un versant des Appalaches, un couple de retraités chouchoute sa petite érablière de 3 000 entailles en prévision de la prochaine ­saison. ­Harley Johnson, un Américain originaire de l’Iowa, et Hélène Jolette, native du Témiscamingue, se sont ­établis dans la région en 2003 avant d’acquérir deux ans plus tard ce qui deviendra l’Érablière JO2, qui comptait alors 1 800 entailles. 

« Nous avons grandi chacun sur des fermes, mais n’avions jamais fait de sirop auparavant. Les deux premières années, ce sont nos voisins, Sylvio et Sylvie Fortier, qui nous ont introduits à l’acériculture. Ils nous ont aidés à changer la tubulure et venaient chaque jour nous montrer comment bouillir, à quelle température, etc. », raconte Harley dans un excellent français teinté d’un charmant accent. 

À 3 000 entailles, l’Érablière JO2 – Jolette et Johnson exploite le plein potentiel de son boisé. Situés sur un autre versant de la montagne, les autres érables disponibles sont difficilement accessibles. Photo : Gracieuseté de l’Érablière JO2 – Jolette et Johnson

Une approche méticuleuse

Priorisant la qualité à la quantité, leur approche de l’acériculture rappelle la méticulosité des vignerons au moment de transformer leurs raisins. « On porte vraiment attention à la saveur. C’est vraiment notre force. Nous goûtons à chacun de nos sirops. Nous le laissons refroidir un peu, comme la température d’un thé à 20 degrés, pour en découvrir toutes les saveurs. Et quand on tombe sur un coup de cœur, on le garde pour le mettre en conserve », confie Hélène. Les deux acériculteurs produisent environ 11 000 livres de sirop annuellement, dont environ 10 % sont réservés pour la vente au détail.

En 2023, Érablière JO2 participait pour la 5e fois au Concours de la Grande Sève. « Grâce à cette expérience, nous savions maintenant ce que le jury cherchait en termes de saveur. Et un jour ce printemps, on a goûté un sirop qui possédait tous les éléments demandés. C’était vraiment l’érable à l’état pur. On l’a même baptisé “Érable inoubliable” parce qu’il était rond en bouche. Tu en prenais une cuillérée et la saveur restait longtemps. C’était wow! » raconte l’acéricultrice, avant de préciser que ce savoir-faire a été acquis à force d’expérimentation et de formations. 

« Nous sommes membres de la Commanderie de l’Érable et de l’ACER. Nous suivons les formations données par les clubs d’encadrement. C’est vraiment important parce que ça nous permet d’améliorer continuellement nos connaissances », ajoute-t-elle. 

« Une chose dont nous sommes très fiers, c’est d’avoir amené nos clients à avoir aussi ce souci des saveurs. Au début, ils venaient pour acheter huit ou dix cannes, mais on leur demandait : “Mais de quelle saveur?” Aujourd’hui, ils demandent deux dorées, trois ambrées, deux foncées, une très foncée. Ils découvrent les différentes intensités du sirop dans la cuisine et sur la table et ça, c’est fascinant pour nous », s’enthousiasme Harley. 

Autant le couple s’émerveille devant les différentes palettes de goût, autant il est envoûté par les riches couleurs offertes par le sirop. « Je me suis toujours dit qu’il fallait trouver une façon de mettre en valeur ces belles couleurs. C’est là que j’ai développé un visuel sur des bouteilles translucides. Tout est peint à la main et c’est cuit au four. Ça met en valeur le sirop et c’est évidemment réutilisable », révèle Hélène à propos de ses créations d’un format de 500 ml, baptisées bijoux-­bouteilles, qui sont offertes à la clientèle. 

Des acériculteurs conscientisés

Puisque Hélène et Harley ont tous deux fait carrière au sein du milieu du développement international et de l’action humanitaire, il allait de soi que leur projet de retraite puisse continuer à être teinté par leur expérience professionnelle. 

Depuis deux ans, pour chaque conserve de sirop vendue, 25 ¢ sont versés à la campagne Manger local fait grandir le monde d’UPA Développement International, une organisation pour laquelle l’acéricultrice a travaillé près de 20 ans. « C’est une cause qui me tient à cœur parce que ça permet de donner plus d’information aux producteurs et productrices agricoles pour mieux s’organiser, mais aussi, pour mieux vivre l’agriculture et la sécurité alimentaire. »

En plus d’être certifié biologique, le sirop d’Érablière JO2 – Jolette et Johnson détient la certification carboneutre depuis trois ans. « Nous sommes parmi les premiers au Québec », souligne fièrement Harley. Chacun des coûts reliés à la consommation d’essence, de diesel, de bois et d’électricité nécessaire à la fabrication du sirop est soigneusement compilé, puis envoyé à Ecocert qui détermine le nombre de crédits carbone qui doivent être achetés pour compenser l’empreinte carbone consommée. 

« Nous avons choisi d’appuyer des organisations qui font de la transplantation d’arbres dans des pays en Amérique latine parce qu’on voit qu’avec les ­changements climatiques, ils ont des défis encore plus ­élevés que nous », mentionne Hélène Jolette. 

Le secret pour rester en forme? S’occuper d’une érablière! « On fait du “Sirop Fit” », lance Hélène Jolette. Photo : Gracieuseté de l’Érablière JO2 – Jolette et Johnson

Osmose et bouteilles…

À 76 ans et 61 ans respectivement, Harley et Hélène ne se voient pas arrêter en si bon chemin. « C’est l’effet sirop d’érable, je pense. Comme je dis souvent à ceux qui demandent comment on fait pour être en aussi bonne forme, on fait du “Sirop Fit” », lance en riant l’acéricultrice. 

Honoré par cette médaille d’or, mais toujours avide de pousser encore plus loin son expérience, le couple envisage déjà la prochaine saison avec plein de projets. « Je veux ajouter une deuxième membrane au système d’osmose pour avoir un Brix un tout petit peu plus élevé. Ça va demander de réorganiser la pièce où sont installés les systèmes d’osmose et de réservoir », souligne Harley Johnson, qui pourra ainsi consommer moins de bois de chauffage pour son évaporateur et donc, réduire son empreinte carbone. 

De son côté, Hélène Jolette veut donner plus d’envergure à son concept de bouteilles-bijoux peintes à la main. Elle verrait bien par exemple des entreprises préoccupées par les enjeux environnementaux les offrir en cadeau à leurs employés pour le temps des Fêtes. « Elles mettent tellement bien en valeur les belles ­couleurs et les belles saveurs du sirop d’érable », conclut-elle.


Ce texte est tiré de l’édition du 4 octobre 2023 du cahier spécial Les saveurs subtiles du sirop d’érable.