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Une première au Québec : les acteurs de la recherche acéricole se sont tous réunis les 8 et 9 mai derniers au colloque « Les érablières dans un environnement en mutation » présenté dans le cadre du 90e Congrès de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (ACFAS). On retient de cet événement la nécessité de se réunir et de partager les connaissances afin de mieux faire face aux changements à venir.
Le sirop d’érable, c’est bien plus qu’un produit culinaire incontournable et une ressource économique considérable pour le Québec. Dès l’ouverture du congrès, le chef cuisinier et entrepreneur Martin Picard a fait valoir que le sirop d’érable est également une partie du patrimoine culturel québécois qui rayonne aussi bien ici qu’à l’international et dont il faut prendre soin.
L’érablière, un écosystème complexe
Malgré la croissance continue de la production acéricole, celle-ci est marquée par de grandes variations. Au fil des saisons, la production de sirop d’érable fluctue considérablement et bat des records aussi bien positifs que négatifs. Une meilleure compréhension de la forêt, soit l’origine du sirop d’érable, se révèle essentielle afin de mieux appréhender ces variations. En fait, une érablière est un écosystème complexe influencé par différents facteurs comme les changements climatiques.
Réunissant des chercheurs de différentes sphères du domaine acéricole, le colloque a permis de brosser un meilleur portrait de l’avenir acéricole, et ce, en partageant les connaissances sous cinq grandes thématiques :
– les pressions des changements globaux;
– les érables : l’arbre au cœur des changements;
– les érablières : un écosystème sous pression;
– les produits de l’érablière;
– les érablières comme solution nature.
Les changements climatiques et l’érable
Dans un premier temps, les experts invités ont abordé les effets potentiels des changements climatiques sur les érablières. La bonne nouvelle, c’est que l’érable croît lentement et réagit tranquillement aux perturbations. C’est donc une espèce résiliente face aux perturbations. En revanche, d’ici la fin du siècle, les conditions climatiques pourraient ne plus être favorables à sa croissance ni à la production acéricole. Déjà, de nouvelles variations dans les climats estivaux et hivernaux affectent la coulée des érables, phénomène qui risque de s’accentuer à l’avenir.
Approfondir nos connaissances sur la physiologie de l’arbre est nécessaire afin de comprendre la façon dont les changements climatiques affectent les érablières. Les chercheurs ont expliqué qu’à chacune des saisons, plusieurs mécanismes s’opèrent et jouent un rôle sur la synthèse, le stockage et l’utilisation des sucres pour la croissance et le bon développement de l’érable. En plus des conditions climatiques idéales, l’érable a besoin d’un sol adéquat pour croître. Cela rend ainsi la migration (assistée ou non) des érablières une option complexe et potentiellement peu viable pour faire face aux changements climatiques.
Les conférenciers ont également abordé la notion de diversité dans les érablières. Les êtres vivants qui côtoient les érables peuvent être souvent perçus comme des espèces indésirables. Pourtant, une érablière composée d’érables à divers stades de développement et d’une variété d’espèces compagnes se montrera beaucoup plus résistante face aux changements et aux envahisseurs. Par exemple, une érablière diversifiée et en santé s’avérera moins en péril lors d’une sécheresse, d’une arrivée massive d’insectes ou d’événements climatiques extrêmes. Cela est particulièrement important puisque les chercheurs s’entendent pour prédire que les perturbations, telles que les invasions d’insectes, s’annoncent de plus en plus fréquentes et intenses dans le futur.
De ces conférences, on retient que :
- l’érable est une espèce dotée d’une mémoire importante, la rendant généralement résiliente et capable de s’adapter aux changements;
- plus les érablières sont diversifiées, plus elles se montrent résistantes aux pressions extérieures;
- il est nécessaire de continuer d’étudier l’érable pour comprendre l’impact des changements climatiques sur la forêt et la production de sirop d’érable.
Le partage de connaissances pour une meilleure résilience
Ces deux journées de colloque se sont conclues avec un panel de discussion regroupant différents acteurs de l’industrie acéricole. D’une voix unanime, les panélistes ont marqué l’importance de s’être rassemblés et d’avoir couvert différents sujets qui touchent à l’acériculture, de la biologie moléculaire à l’écophysiologie forestière, pour brosser un portrait global de la recherche existante entourant l’érable à sucre. Le partage des connaissances et la cohésion entre les différents acteurs de la filière sont en effet essentiels pour s’outiller face aux perturbations à venir et assurer la pérennité de l’industrie acéricole. Un besoin criant de se rencontrer régulièrement et de tisser des liens entre les disciplines de recherche est ressorti lors des discussions, dans l’objectif de pouvoir s’allier et parler d’une voix commune.
Finalement, telle une érablière, le milieu acéricole possède la diversité nécessaire en termes de compétences pour réagir face aux changements climatiques. Maintenant, il s’agit de mettre en place les moyens nécessaires pour multiplier les interactions entre ces expertises afin de créer un écosystème en santé et d’assurer la résilience de l’industrie.
À l’année prochaine?
Ce texte est tiré de l’édition du 4 octobre 2023 du cahier spécial Les saveurs subtiles du sirop d’érable.