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« Ça commence pour vrai », dit l’acériculteur Serge Valiquette à propos de la saison des sucres 2024. Ce qui est particulier, cette année, c’est qu’une grande majorité des producteurs démarrent leur évaporateur en même temps, et ce, peu importe où ils se trouvent au Québec. La raison est simple : l’hiver a été invisible presque partout, même dans les régions habituellement plus froides et plus enneigées. « J’ai 62 ans et je n’ai jamais vu ça, dit l’acériculteur Roberto Landry. C’est un hiver d’exception parmi les exceptions. On n’a pas eu de froid, et presque pas de neige. […] Ça peut être une année très ordinaire, tout comme ça peut être une année record », résume-t-il. Cette année encore, La Terre suivra cinq acériculteurs tout au long de la saison. Voici le premier suivi de la saison 2024.
Steve Paris, Mauricie
Nombre d’entailles : 25 000
Fin de l’entaillage : 27 février
Première évaporation : 13 février
Rendement en date du 27 février : 150 gallons de sirop
Objectif de rendement : 4,25 lb/entaille
Steve Paris venait tout juste de terminer d’entailler ses derniers arbres au moment de l’entrevue avec La Terre. « On est vraiment à la course, cette année. Habituellement, ici, avant le 15 mars, tu ne t’énerves pas, mais cette année, ç’a commencé à couler le 18 février. Le matin, il pouvait faire -20 °C, mais l’après-midi, avec le soleil, ça coulait. On n’en revenait pas! Les érables ne sont pas gelés; ils sont prêts à couler. Je n’ai jamais vu ça, un printemps si hâtif que ça », dit le propriétaire de l’Érablière Mont Sucre, à Lac-aux-Sables, en Mauricie. Celui qui possède des érables sur différents versants a déjà obtenu 8,15 livres à l’entaille dans son secteur exposé au sud, mais il vise cette année un rendement général, conservateur, de 4,25 lb/entaille. Il se donne encore le défi, cette année, d’améliorer sa technique pour accroître ses rendements, mais aussi le développement de saveur. « Je participe au concours de la Grande Sève et j’ai un marché de détail important, alors il y a des journées où je concentre moins l’eau d’érable et où je travaille différemment que quand je fais des barils pour les PPAQ [Producteurs et productrices acéricoles du Québec], car les PPAQ veulent un sirop qui n’a pas de défaut de saveur, tandis que mes consommateurs veulent le meilleur sirop », explique-t-il. Ses installations misent sur quatre stations de pompage, un concentrateur à 20 degrés Brix et un évaporateur de 5 pieds sur 16 pieds alimenté au bois.
Vincent Perron, Montérégie
Nombre d’entailles : 38 000
Fin de l’entaillage : 8 février
Première évaporation : 13 février
Rendement en date du 27 février : 0,5 lb/entaille
Objectif de rendement : 5 lb/entaille
Vincent Perron avait déjà produit l’équivalent de 0,5 livre de sirop à l’entaille lors de l’entrevue avec La Terre, le 27 février. Dans sa région, un tel début de saison est qualifié de hâtif, mais sans plus. « On a commencé à bouillir le 13 février. L’an passé, c’était le 17 février. Donc, oui, c’est un peu plus tôt, mais on fait presque toujours du sirop en février. La différence, cette année, c’est que je pense qu’on va en faire plus que d’habitude en février. On devrait atteindre 1 lb/entaille », souligne-t-il. Celui qui a commencé sa carrière en acériculture en 1990 avec 400 entailles à la chaudière possède aujourd’hui trois sites avec son frère, qui totalisent 38 000 entailles. Son site principal est situé à Saint-Dominique, en Montérégie, et mise sur un évaporateur de 6 pieds sur 16 pieds à l’huile. L’eau est concentrée à 20 degrés Brix avant d’être acheminée des autres sites. Les installations se démarquent par des retours d’eau enfouis dans le sol afin d’éviter que l’eau gèle la nuit et qu’elle surchauffe le jour. Vincent Perron a le plaisir de travailler aujourd’hui avec sa fille Victoria, qui aimerait prendre la relève. L’entreprise, qui a obtenu, l’an dernier, un rendement de 4 lb/entaille, aimerait revenir à sa moyenne d’environ 5 lb/entaille.
Roberto Landry, Bas-Saint-Laurent
Nombre d’entailles : 48 000
Fin de l’entaillage : 15 février
Première évaporation : 27 février
Objectif de rendement : 5 lb/entaille
C’était le branle-bas de combat chez Roberto Landry lorsque La Terre l’a contacté, le 27 février. L’acériculteur testait son tout nouvel évaporateur électrique. « De mémoire d’homme, c’est la troisième fois de ma vie qu’on fait du sirop en février », dit celui dont l’Érablière B.L.P est située à Biencourt, au Bas-Saint-Laurent.
Il n’a pas seulement changé l’évaporateur, mais aussi le concentrateur, qui atteint 30 degrés Brix. Et tant qu’à y être, il a acquis trois silos pouvant emmagasiner 82 000 litres chacun, deux récipients chauffants de 2 000 litres qui gardent le sirop chaud avant d’être pressé, puis comme cerise sur le gâteau, les activités d’évaporation sont maintenant entièrement automatisées. « Tout est informatisé. Quand les silos atteignent un certain niveau d’eau, le séparateur décolle automatiquement, et une fois qu’il y a tant de concentré dans le bassin, c’est l’évaporateur qui part tout seul pour bouillir ça. C’est une folie, un move que j’ai fait avant de prendre ma retraite. Le but, c’est de mettre ça plus agréable pour intéresser ma relève et, aussi, possiblement que ça me permettrait de continuer plus longtemps », croit-il. L’investissement frôle les trois quarts de million.
Émilie Blondeau, Estrie
Nombre d’entailles : 4 500
Fin de l’entaillage : 20 février
Première évaporation : 15 février
Objectif de rendement : 3,29 lb/entaille
« Cette année, c’est sûr que ce sera notre année record de sirop! » affirme d’entrée de jeu Émilie Blondeau. Si elle parle ainsi avec une telle assurance, c’est parce qu’elle ne peut faire autrement. « C’est notre première année de sucre à vie! » exprime avec un sourire dans la voix la jeune acéricultrice de 26 ans. Elle a acheté une terre à bois sans bâtiment avec sa mère, elle a aménagé la forêt et elle a construit la cabane à sucre avec son grand-père. Son conjoint lui donne aussi un valeureux coup de pouce, mais c’est elle qui s’occupe principalement de courir les fuites et de bouillir l’eau d’érable de ses 4 500 entailles. Le tout devrait passer à 9 000 entailles l’an prochain. Elle a magasiné, sur les médias sociaux, un concentrateur usagé, tout comme les pompes, le bassin, etc. Le seul achat neuf est son évaporateur à haute efficacité de 4 pieds sur 14 pieds alimenté au bois. Diplômée en agronomie, elle a appris l’abattage d’arbres avec son grand-père et a même réalisé plusieurs contrats comme bûcheronne chez différents clients. Aujourd’hui, le rêve de produire son sirop se concrétise. « C’est parti! C’est notre troisième coulée et on a fait notre premier baril! » exprime avec excitation la propriétaire de l’Érablière Shackham à Ham-Sud, en Estrie. Son objectif de 3,29 lb/entaille n’est pas très ambitieux, consent-elle. « Ça représente mon quota. C’est sûr que j’aimerais mieux un 5 lb/entaille, mais on verra! »
Serge Valiquette, Laurentides
Nombre d’entailles : 30 000
Fin de l’entaillage : 15 février
Première évaporation : 28 février
Objectif de rendement : 4 lb/entaille
À Kiamika, près de Mont-Laurier, dans les Laurentides, Serge Valiquette est soulagé d’avoir entaillé à temps pour cette saison des sucres très précoce pour son secteur. « Habituellement, ça ne coule jamais à ce temps-ci, et la température très clémente annonce que le mois de mars sera le gros de la saison, du jamais vu dans la région. On fait notre sirop en avril, normalement. Sauf qu’il y a bien du monde qui n’a pas fini d’entailler. Ils ne sont pas prêts ni rodés. Ils se dépêchent, mais ce n’est pas évident », dépeint l’acériculteur. Ce dernier venait de recueillir assez d’eau pour démarrer son évaporateur. « L’eau est sucrée, entre 1,8 et 2 degrés Brix. C’est très bon! » atteste le propriétaire de l’Érablière du chevreuil. Celle-ci est équipée de quatre stations de pompage, elle concentre l’eau à 20 degrés Brix et bouille avec un évaporateur de 4 pieds sur 16 pieds aux granules. Serge Valiquette, qui est également représentant commercial pour l’équipementier CDL, affirme que ce début de saison en bloc risque de causer de l’embourbement pour les pièces et le service. « C’est l’enfer pour les fournisseurs d’équipement, qui doivent répondre aux problèmes des producteurs partout en même temps dans la province au lieu de le faire en étapes », constate-t-il.