Acériculture 1 octobre 2024

Gestes à poser (ou non) pour éviter le dépérissement d’une érablière

Pour prévenir le dépérissement d’une érablière, la retenue est souvent de mise, estime l’ingénieur forestier et chercheur sur les écosystèmes et l’environnement au ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF), Louis Duchesne.

«  Au moins 10  % de la superficie terrière devrait être préservé en espèces compagnes.  » – Louis Duchesne

Une série de gestes est en fait à éviter, selon lui. À commencer par les nettoyages trop intensifs. Il n’y a pas de règle absolue, dit M. Duchesne, mais au moins 10 % de la superficie terrière devrait être préservé en espèces compagnes (bouleaux jaunes, hêtres, etc.). 

« Si on élimine tout ce qui est espèces compagnes, l’érablière sera plus vulnérable aux dommages causés par les insectes et les maladies, explique celui qui œuvre à la Direction de la recherche forestière. La monoculture va la rendre plus sensible aux événements perturbateurs, spécifiques à une culture donnée. » 

Il faut en outre prendre garde à ne pas trop éclaircir le peuplement. Cela pourrait entraîner une modification importante du microclimat (radiation solaire, modification de la température et de l’humidité du sol, etc.), explique Louis Duchesne.  

Également à surveiller : les dommages mécaniques et physiologiques qui pourraient notamment être causés par le passage répété de la machinerie ou par des travaux d’excavation (construction de chemins, enfouissement de tubulures, etc.). Le surentaillage des érables pour la production de sirop d’érable est en outre à éviter.

De façon générale, il est recommandé de préserver les arbres les plus vigoureux dans les aménagements forestiers. Ils sauront résister davantage aux agents biotiques (insectes et maladies) et abiotiques (événements climatiques extrêmes).

Illustration parfaite d’une érablière en santé avec des signes de régénérescence. Photo : Gracieuseté du MRNF

Les yeux sur la cime

Le dépérissement d’une érablière n’est pas une maladie, tient à souligner Louis Duchesne. Il s’agit plutôt d’un syndrome qui se manifeste par le déclin graduel et prématuré de la vigueur d’un ou de plusieurs arbres. Les symptômes peuvent se développer lentement et subtilement, dit-il. 

Les signes de dépérissement les plus évidents d’un érable à sucre sont souvent observés à sa cime, relève l’ingénieur forestier et chercheur. Parmi ceux-ci : une décoloration du feuillage, une diminution du nombre et de la taille des feuilles, de même qu’une chute prématurée des feuilles à la fin de l’été. 

Une personne qui se tient au pied d’un érable et qui lève les yeux vers la cime ne devrait pas apercevoir le ciel. Dans le cas contraire, cela pourrait signifier que l’arbre n’est pas pleinement vigoureux. « C’est un truc que je suggère aux producteurs », affirme Louis Duchesne.  

La mortalité en cime s’accompagne entre autres d’une baisse de croissance en diamètre et en hauteur de l’arbre, ainsi que d’une cicatrisation lente des entailles pour l’exploitation acéricole.

Le dépérissement d’une érablière peut être le fruit d’une combinaison de facteurs : épidémie d’insectes, événements météo extrêmes, modification de l’environnement.

Fertilisation

Le dépérissement d’une érablière peut par ailleurs être également le fruit d’une combinaison de facteurs : épidémie d’insectes, événements météo, modification de l’environnement. 

Les signes de dépérissement les plus évidents d’un érable à sucre sont souvent observés à sa cime, relève l’ingénieur forestier et chercheur au MRNF, Louis Duchesne. Photos : Gracieuseté de Rock Ouimet – MRNF

La réalisation d’analyses de sol peut, dans certains cas, être une option à envisager, estime pour sa part le président de l’Association des propriétaires de boisés de la Beauce, Michaël Cliche. « En ­Chaudière-Appalaches, il manque souvent de calcium et une opération de chaulage est nécessaire », dit-il. 

Il est toutefois déconseillé de fertiliser le sol de l’érablière au moyen du chaulage si aucune prescription en ce sens n’a été signifiée. « Il n’y a aucune plus-value à chauler s’il n’y a pas de carence », dit M. Cliche. 

Conséquences de la pollution atmosphérique, les pluies acides ont été identifiées parmi les facteurs qui ont contribué à l’apparition du phénomène de dépérissement des érablières au début des années 1980, précise Louis Duchesne. Sous leurs effets, les sols des érablières se sont acidifiés. 

« Ça a eu des répercussions majeures, dit-il, mais il y a une certaine récupération et on voit que les sols s’appauvrissent de moins en moins vite. » 

Espèces exotiques envahissantes

Michaël Cliche conseille aux producteurs de se rendre dans leur érablière en toutes saisons et d’être attentifs, par exemple à la présence de la livrée des forêts, cette chenille vorace qui peut défolier un érable en quelques semaines. 

Certaines plantes exotiques envahissantes, comme le nerprun bourdaine et la renouée du Japon, se font par ailleurs de plus en plus problématiques. « Les producteurs peuvent se former en identification de plantes, dit M. Cliche. Ou s’ils voient que des plantes envahissent le sous-bois, ils peuvent rapidement contacter un professionnel pour identification et éradication. »  

« Les plantes et les insectes exotiques sont devenus un défi, laisse tomber le président de l’Association des propriétaires de boisés de la Beauce. Ça nous prend des yeux en forêt. Et les producteurs sont les premiers yeux. »