Acériculture 1 octobre 2024

Des producteurs acéricoles « orphelins du courant »

Des entreprises acéricoles manquent d’électricité. Le printemps dernier, la situation avait fait grand bruit. Cinq à six mois plus tard, le problème est toujours le même, de l’avis des producteurs acéricoles interviewés par La Terre de chez nous. Leurs récriminations auprès d’Hydro-Québec n’ont rien donné, déplorent-ils. « Il y a beaucoup d’orphelins du courant », se désole l’acériculteur Martin Pilette.

Normand Urbain

Selon le producteur de Notre-Dame-de-la-Merci, le dossier n’a pas évolué depuis une sortie publique qu’il a faite en mai avec deux collègues. « La fiabilité est de plus en plus variable », se plaint l’entrepreneur de la région de Lanaudière. Du même souffle, il précise que s’il va au front pour dénoncer la situation, il le fait davantage pour les acériculteurs qui font face à ce problème que pour lui-même, puisque sa situation a été réglée. « Ça a pris deux ans à avoir 320 ampères sur un poteau. »

Un frein au développement des érablières

Normand Urbain est l’un des trois acériculteurs qui, avec Martin Pilette, s’étaient plaints de la situation. « Je suis obligé d’avoir une génératrice parce que je n’ai pas assez de puissance électrique, déplore le propriétaire de l’Érablière Urbain de Repentigny. C’est un non-sens! Certaines érablières ont investi des millions de dollars et elles ne sont pas raccordées à l’électricité. Ce n’est pas normal d’attendre plus d’un an pour se faire brancher. »

Martin Pilette croit que la situation freine le développement des entreprises acéricoles.

On fait le montage financier et on va chercher l’argent, mais on n’a pas le courant. On investit des sommes importantes, tout l’équipement est installé et on attend qu’Hydro-Québec daigne venir nous brancher. On a 45 jours de production qui génèrent des milliards de dollars en retombées. On fait partie du PIB [produit intérieur brut] et on n’est pas reconnus.

Martin Pilette, producteur acéricole

M. Urbain corrobore. « On veut développer nos érablières, souligne le producteur de la région de Lanaudière. Si on double la surface, ça prend le double d’électricité. Mais on ne peut pas l’avoir! »

Par ailleurs, certains producteurs dont les produits sont certifiés biologiques doivent faire leur sirop en utilisant du diesel plutôt que l’électricité; une aberration, selon M. Pilette.

La croissance de l’industrie acéricole est freinée par des délais trop longs avant que des entreprises ne soient raccordées au réseau d’Hydro-Québec, déplorent certains producteurs.

Industries privilégiées?

Le problème d’interruption de courant et de puissance électrique insuffisante est appelé à s’exacerber avec la pénurie de main-d’œuvre qui pousse de plus en plus les acériculteurs vers l’automatisation.

Par ailleurs, Martin Pilette fait référence à un hôpital qui a dû s’alimenter en électricité pendant un an avec une génératrice. « Si Hydro-Québec fait attendre un hôpital, c’est sûr que je ne suis pas un joueur majeur », croit l’acériculteur qui possède 31 000 entailles. Selon lui, certaines industries sont privilégiées par la société d’État. Parmi elles, il cite ­Northvolt et Aluminerie Alouette. 

Régions mal desservies

Martin Pilette estime que les producteurs de sirop d’érable ne sont pas servis à la hauteur de ce que l’électricité leur coûte. Il croit également que ce sont les régions qui sont le plus mal desservies, même si son entreprise n’est qu’à 65 km de Montréal. « Je n’imagine même pas comment ça se passe au Bas-Saint-Laurent! Pourtant, ce sont les régions qui ont bâti le Québec. » 

Pour sa part, Normand Urbain résume la situation ainsi : « L’électricité, c’est le nerf de la guerre pour l’industrie acéricole. »