Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
La nouvelle convention de mise en marché du sirop d’érable offre 11 cents de plus la livre pour du sirop doré comparativement du sirop foncé, ce qui incite des producteurs à prioriser une méthode d’évaporation plus rapide favorisant la création d’un sirop plus clair, plutôt que des techniques de cuisson plus lentes favorisant généralement la création de saveur.
C’est le cas de l’acériculteur Carl Laprise, dans le Centre-du-Québec, qui ajuste son évaporateur électrique spécifiquement pour produire un sirop doré. « Je vois que la fédération paie plus cher pour le clair, alors je fais du clair. Je pourrais le travailler plus, en concentrant moins fort, en bouillant plus épais [avec un niveau d’eau d’érable plus élevé dans l’évaporateur], ça développerait plus la saveur d’érable, mais je perdrais de l’argent et je me coucherais plus tard, car ça demande plus de temps », partage-t-il. L’acériculteur précise que sur une production de 150 000 livres de sirop, la différence de rémunération associée à chaque classe a une incidence. Supposons qu’il vend toute sa production comme du doré, il ferait 4 cents de plus la livre, soit 6 000 $ de plus en vendant du doré plutôt que de l’ambré et 11 cents de plus la livre, soit 16 500 $, avec du doré plutôt qu’avec du foncé.
La couleur prime
Joël Boutin, conseiller au Club d’encadrement technique acéricole des Appalaches, confirme que pour l’instant, c’est la couleur qui prime pour la production de sirop en baril. « Je regarde la convention, et le signal, c’est qu’ils veulent du sirop pâle et sans défaut. S’ils avaient voulu du sirop plus goûteux, ils auraient modifié la convention en conséquence. De grandes érablières investissent donc dans des évaporateurs qui vont donner des sirops plus pâles. » Il ajoute qu’en vente directe, certains acériculteurs s’attardent à développer les saveurs. « Ils ont le plaisir que leurs clients repartent en disant qu’il s’agit du meilleur sirop au monde, » rapporte M. Boutin en ajoutant qu’il existe encore une clientèle qui désire le sirop le plus clair possible, même en vente directe.
Le spécialiste en caractérisation des sirops d’exception Stéphane Guay affirme lui aussi que la nouvelle convention, comme les autres auparavant, incite les producteurs à s’orienter vers la couleur et non la saveur. « C’est spécial, car tu peux avoir un sirop qui goûte l’érable et il sera moins payé qu’un sirop clair qui ne goûte pratiquement pas l’érable. Pourtant, on appelle ça du sirop d’érable et non du sirop de couleur! » lance-t-il avec un brin d’humour.
M. Guay dit avoir fait de nombreuses expérimentations et être arrivé à la conclusion que de développer une saveur maximale d’érable s’obtient par un plus long temps de cuisson, peu importe la façon de recueillir l’eau ou de la concentrer ou non. « J’ai déjà enlevé 85 % de l’eau par osmose, mais en bouillant pendant 1 h 30, j’ai développé des saveurs similaires à du sirop fait à la chaudière, sans concentrateur. Même chose avec du sirop produit rapidement avec un évaporateur électrique. Ce sirop était très clair, mais présentait très peu le goût de l’érable. Je l’ai fait cuire pendant 1 h 30 et il est devenu l’un des meilleurs sirops que j’ai goûtés. » Il fait remarquer que règle générale, en augmentant le temps de cuisson, le sirop a tendance à devenir un peu plus foncé. Stéphane Guay indique toutefois qu’un sirop foncé n’est pas automatiquement gage de meilleur goût. « Il y a des sirops plus foncés qui n’ont pas non plus développé la saveur d’érable. Ils goûtent plutôt le caramélisé ou le brûlé », décrit-il.
Pour mélanger
Les Producteurs et productrices acéricoles du Québec, par l’entremise de leur directeur des communications, Joël Vaudeville, indiquent que le sirop plus clair a depuis longtemps une valeur plus importante que le sirop plus foncé, en raison de la demande à l’international pour ce type de sirop et de la rareté de celui-ci dans les volumes de production. « Un sirop doré est aussi très apprécié par les nouveaux consommateurs en raison de son goût léger », précise-t-il. Par ailleurs, le porte-parole fait remarquer que le sirop clair permet aussi aux transformateurs de le mélanger à des sirops très foncés pour en faire un sirop ambré.