Ma famille agricole 26 juillet 2024

Une ferme ovine qui en a eu assez des doutes

PALMAROLLE — De jeunes éleveurs ovins d’Abitibi-Ouest ont le vent dans les voiles. Non seulement la Ferme Abitibienne est sur la courte liste des meilleurs éleveurs d’agneaux lourds du Québec, mais elle offre désormais la possibilité aux consommateurs de sa région d’avoir accès à sa viande de qualité sur le marché local.

Depuis qu’ils ont pris les rênes de l’ancienne ferme laitière familiale, Bruno Lemieux et Émilie Mainville ont connu des hauts et des bas. Le couple a longtemps pensé utiliser la production ovine comme un tremplin vers la production laitière ou bovine. « Dans les dernières années, on s’est souvent questionnés sur ce qu’on allait faire. On se sentait tout seuls. Il y avait plus de monde qui partait de la production ovine que de monde qui arrivait, témoigne Bruno. Mais là, on a décidé que c’était assez les doutes : on est bons dans ce qu’on fait! » 

La Ferme Abitibienne figure effectivement, pour la deuxième année consécutive, parmi les trois finalistes des prix Élite de mise en marché de l’Agence de vente du Québec pour l’agneau lourd. « Ça nous remplit de fierté, poursuit le producteur. Et c’est pour ça qu’on a commencé à le vendre régionalement. On trouvait ça de valeur d’avoir ces mentions et que personne ne puisse en profiter. »

Bruno Lemieux essaie de minimiser le recours aux intrants provenant de l’extérieur de la ferme en faisant pousser l’orge et le foin qui servent à l’alimentation du troupeau. Photo : Émilie Parent-Bouchard

Des efforts constants pour s’améliorer

Mais la reconnaissance n’est pas arrivée du jour au lendemain. Depuis qu’il a officiellement acquis les infrastructures de la Ferme Abitibienne en 2010, le couple a multiplié les efforts pour améliorer sa performance à la ferme. Il a entre autres procédé à la construction d’une bergerie en 2016 pour pouvoir doubler le troupeau, puis a réorienté la production vers des brebis dites prolifiques, c’est-à-dire qui produisent des portées multiples, et a introduit la photopériode, une stratégie qui permet de reproduire les conditions de la saison de reproduction et donc d’avoir des agnelages toute l’année plutôt que seulement à l’automne. 

Le pouls de la mise en marché locale

Ces éleveurs sont donc enthousiastes d’avoir commencé à offrir leur agneau en vente à la ferme et à la Maison des viandes de Rouyn-Noranda, la boucherie qui a accepté de faire la découpe des carcasses congelées qui reviennent de l’abattoir de Montpak International, à Terrebonne. Il est encore tôt pour prendre la mesure de ce partenariat initié en novembre, mais le bouche-à-oreille commence à faire son œuvre. 

« Les agneaux qu’on met dans nos réfrigérateurs, ce sont les meilleurs, le top de nos agneaux. Ça fait de belles côtelettes! Ceux qui l’essaient pour la première fois trouvent ça très bon. Ça ne goûte pas la laine comme le monde dit; il faut ­s’enlever ça de la tête! » lance Émilie, qui participe à sa première saison de marchés publics, ajoutant que la « saison du barbecue » est tout indiquée pour apprendre à cuisiner cette viande.


Jasmine, l’aînée, a d’ailleurs créé le nouveau logo de l’entreprise, en hommage entre autres aux trois générations qui se sont succédé à sa gouverne.

Quant à la relève, les trois filles du couple donnent bien un coup de main à la ferme de temps en temps, en plus d’y travailler l’été et de ­participer à de petits projets ponctuels. Jasmine, l’aînée, a d’ailleurs créé le nouveau logo de l’entreprise, une tête de mouton entourée d’une gerbe de céréales et de trois épinettes en hommage à la vocation forestière développée au sein de la ferme par le père de Bruno Lemieux, mais aussi aux trois générations qui se sont succédé à sa gouverne et aux trois filles du couple. 

« Si [les trois filles] veulent venir travailler, je serais bien content, mais on n’insiste pas. Ça n’a pas l’air dans les intérêts des deux plus vieilles », constate leur père. « Peut-être la petite dernière un peu plus. Elle a vraiment une passion pour les animaux! » renchérit leur mère, ajoutant qu’à 6 ans, la benjamine ­manifeste déjà beaucoup d’intérêt pour jouer avec les agneaux. Et qui sait, peut-être que les enfants auront un intérêt pour la transformation que leurs parents veulent développer…

La Ferme Abitibienne a d’abord été une ferme laitière. Chaque génération a apporté sa pierre à l’édifice, ajoutant de nouveaux prolongements au bâtiment initial construit par le grand-père de Bruno Lemieux. Photo : Émilie Parent-Bouchard

La Ferme Abitibienne a d’abord été une ferme laitière. Chaque génération a apporté sa pierre à l’édifice, ajoutant de nouveaux prolongements au bâtiment initial construit par le grand-père de Bruno Lemieux. Photo : Émilie Parent-Bouchard

Un vaccin sur commande

On ne lésine pas sur le bien-être animal à la ferme, quitte à tenter des approches innovantes. Après avoir essuyé des pertes liées à des problèmes de pneumonie, les agriculteurs ont fait ­développer en laboratoire, à partir de cultures provenant de leurs animaux, un vaccin autogène qui cible directement les bactéries en cause. Les brebis transmettent ainsi les bons anticorps à leurs agneaux via le colostrum. 

« Beaucoup de vaccins existent sur la planète en production ovine, mais il y a beaucoup de ces vaccins auxquels on n’a pas accès au Canada, qui ne sont pas homologués. Avec notre vaccin, on a réussi à contrôler le problème. Ç’a pris un certain temps, mais on le contrôle », indique Bruno Lemieux, précisant que le taux de mortalité a ainsi été réduit de plus de la moitié.  

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Adopter la photopériode

Le recours à la photopériode a été salvateur pour la Ferme Abitibienne. Non seulement cette technique qui reproduit les conditions lumineuses de la saison de la reproduction est peu dispendieuse — de simples minuteurs pour contrôler les lumières et l’aménagement de superficies en jours courts et longs —, mais elle permet aussi d’étaler les ventes et de répartir la charge de travail sur toute l’année. « Ça donne de bons résultats. On vend 30 agneaux lourds par deux semaines à l’abattoir, en plus d’une vingtaine de légers qui prennent la route de l’encan », explique Bruno Lemieux, qui y voit aussi une occasion de faciliter la coordination du transport des bêtes. 

Avoir un troupeau de brebis prolifiques

Coupler la photopériode avec une race de brebis prolifique, c’est-à-dire qui a des portées multiples, comme la Rideau, avec laquelle travaille le couple Lemieux-Mainville, permet d’optimiser le rendement, même si les périodes d’agnelage sont exigeantes — 150 brebis sur 30 jours — et reviennent tous les deux mois. « Ce sont des brebis avec des portées de trois ou quatre agneaux, il faut s’en occuper. C’est très pognant, mais tout ça, c’est dans le but de produire un maximum de kilos par brebis », calcule le producteur.

Persévérer

Bruno Lemieux est convaincu que le fait d’être « dans le rouage de l’agneau lourd depuis longtemps » permet aujourd’hui à la Ferme Abitibienne d’être en bonne posture. S’il a fallu être persévérant en raison de soucis de santé au sein du troupeau, les agriculteurs ont réussi à respecter leur contrat d’approvisionnement de 30 agneaux lourds toutes les deux semaines. « Ça va aller en augmentant. Cette année, je m’attends à ce qu’on prenne un peu plus notre cadence », anticipe-t-il.

Fiche technique
Nom de la ferme

Ferme Abitibienne

Spécialité

Production ovine

Année de fondation

1960

Noms des propriétaires

Bruno Lemieux et Émilie Mainville

Nombre de générations

3

Superficie en culture

550 acres (220 hectares), dont un peu moins de la moitié en location

Cheptel

1 400 têtes, dont 600 brebis reproductrices

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