Une bergerie qui a montré la voie

SAINT-AMBROISE-DE-KILDARE – La Bergerie des Neiges est née dans les années 1980 du projet de vie d’un jeune couple urbain qui souhaitait se consacrer à l’agriculture. À force de travail et de persévérance, il a non seulement réalisé son rêve, mais il a aussi ouvert la voie à d’autres producteurs ovins québécois.

Rien ne prédisposait Desneiges Pepin et Pierre Juillet à l’élevage de brebis et d’agneaux. Elle avait étudié le droit pour devenir avocate, et lui, l’enseignement de la musique. Tous les deux avaient grandi en ville. 

« Mais, depuis mon enfance, je voulais devenir agricultrice. Je voulais avoir des chevaux à mon adolescence. J’ai étudié le droit pour plaire à mon père, mais je n’ai jamais pratiqué la profession d’avocate », raconte Desneiges.

Dès sa sortie d’université en 1982, Pierre a accepté un contrat d’enseignement dans la région de Lanaudière. Sitôt installé, le couple s’est mis à la recherche d’une ferme. « C’était notre projet de vie pour notre famille. Je voulais voir grandir mes enfants », explique la mère de trois garçons.

Les débuts ont été modestes. Après l’achat et la remise en état d’une ferme abandonnée à Saint-Ambroise-de-Kildare, le couple Pepin-Juillet s’est procuré ses 11 premières brebis. « Mais nous savions qu’il nous en fallait 400 pour avoir une réelle production », reconnaît Desneiges.

Des brebis plus prolifiques

Sous la recommandation de la station de recherche de Lennoxville, les deux jeunes éleveurs ont importé de France un bélier de race Romanov. « Le premier au Canada », souligne Pierre. L’objectif ? Produire des brebis hybrides Suffolk-Romanov plus prolifiques qui, à leur tour, produisent des agneaux plus résistants et plus lourds. « Aujourd’hui, c’est une pratique répandue. Mais, à l’époque, mes parents étaient des précurseurs », mentionne Ludovic Juillet, copropriétaire de la bergerie.

Autre signe d’avant-gardisme : la bergerie construite en 1991 a été dessinée selon les principes de la ventilation naturelle. « Ce fut l’une des premières du genre au Québec », confirme le fils du couple.   

La bergerie construite en 1991 a été dessinée selon les principes de la ventilation naturelle.

Pionniers

À bien des égards, Desneiges Pepin et Pierre Juillet ont défriché le chemin pour la production ovine au Québec. « Tout était à faire à l’époque », rappelle celle qui a présidé la Fédération des producteurs d’agneaux du Québec de 1992 à 1999. « Je fus la première femme membre de l’exécutif de l’histoire de l’UPA », ajoute-t-elle.

Durant son mandat, l’agricultrice s’est efforcée de faire reconnaître le titre de producteur ovin. « Je me suis battue pour les petits producteurs. C’était mon cheval de bataille. La production ovine était alors considérée comme un élevage secondaire, pas comme un élevage dont nous pouvions vivre », affirme-t-elle. « Ma formation d’avocate m’a bien servie à ce moment-là. »

Sous l’impulsion de Desneiges Pepin, le Centre d’expertise en production ovine du Québec a été créé en 1997 à La Pocatière. Une mise en marché collective a aussi été déployée à la grandeur de la province. 

« Mes parents étaient des commerçants. Il fallait trouver une façon de faire connaître nos produits et de fidéliser nos clients », explique la productrice, qui s’est lancée très tôt dans la vente directe à la ferme et dans l’agrotourisme. « Nous avons longtemps tenu une table champêtre et un gîte du passant. »

Pour s’assurer d’un contrôle de qualité ­complet, le couple a construit sa propre boucherie au sous-sol de sa maison. « La viande d’agneau est dispendieuse et fragile. Puisqu’une pièce mal découpée perd beaucoup de valeur, nous préférons nous en occuper nous-mêmes », fait valoir Ludovic.

Nous produisons une belle qualité d’agneau au rythme naturel de l’animal.

Ludovic Juillet

Nouveau chapitre

Ce dernier a grandi à la ferme. « Je dis toujours que je suis né entre deux brebis. Je me suis toujours impliqué dans la bergerie », explique ce diplômé en administration, devenu l’associé de ses parents en 2012. Il supervise la production d’un millier d’animaux par année. 

« J’ai saisi l’occasion de faire ce que je voulais dans la vie. Je suis conscient de ma chance de profiter de tout ce que mes parents ont consacré leur vie à bâtir. Sans eux, je ne pourrais pas vivre de l’agriculture comme je le fais aujourd’hui. »

« Ludovic est un bon gestionnaire », souligne sa mère. « Avec lui, la bergerie est entre bonnes mains. »  

Ludovic se considère chanceux de pouvoir profiter de ce que ses parents ont consacré leur vie à bâtir.

Le bon coup de l’entreprise

« Nous sommes restés fidèles à la raison première de l’entreprise. Le cœur de la ferme, c’est l’élevage. Nous n’avons jamais trahi nos ambitions, malgré tous les contrecoups que nous avons subis », affirme Desneiges Pepin avant d’évoquer l’abattage, en 2001, du troupeau complet, victime de la tremblante du mouton. « Plusieurs nous ont conseillé de nous restreindre à l’agrotourisme, mais nous avons décidé de nous constituer un nouveau troupeau. » Résultat : la clientèle patiemment éduquée à la viande de qualité leur est restée fidèle. « Nous sommes rendus à la deuxième génération de clients. Les enfants de nos premiers clients viennent maintenant acheter chez nous », se réjouit la productrice. 

Après avoir été frappés de plein fouet par la tremblante du mouton, en 2001, les producteurs ont décidé de se retrousser les manches pour se constituer un nouveau troupeau.

3 conseils pour… faire prospérer son entreprise

S’impliquer

Donner de son temps aux organismes de sa région est un bon investissement, affirme Desneiges Pepin. Une implication dans les syndicats agricoles permet de veiller aux intérêts collectifs, mais aussi de s’informer des changements susceptibles d’affecter sa production. Une participation dans les organisations touristiques offre aussi de belles occasions de réseautage, ajoute cette bénévole de Tourisme Lanaudière.

S’entourer

Se constituer une équipe de bons conseillers demeure toujours un incontournable, rappelle Ludovic Juillet. Que ce soit pour la mécanique, la boucherie, les semences ou les finances, il ne faut pas hésiter à aller chercher toute l’expertise nécessaire à la réalisation des projets. « Nous avions même embauché des chefs pour créer les menus de notre table champêtre », ajoute sa mère. Il ne faut pas négliger non plus la force d’un bon réseau social. « Nous avons déjà fait des corvées avec 30 ou 40 de nos amis. Il faut entretenir ces relations très précieuses. »

S’amuser

Vivre de l’agriculture est un choix de vie, dit Desneiges Pepin. « Il faut s’amuser, car les journées sont longues et les bénéfices ne sont pas toujours au rendez-vous. Il faut qu’à la fin de la semaine, il reste au moins le plaisir. »

Les producteurs se réjouissent d’accueillir une deuxième génération de clients. « Les enfants de nos premiers clients viennent maintenant acheter chez nous », se réjouit Desneiges Pepin.
Fiche technique
Nom de la ferme :

Bergerie des Neiges

Spécialité :

Agneaux

Année de fondation :

1985

Noms des propriétaires :

Desneiges Pepin, Pierre et Ludovic Juillet

Nombre de générations :

2

Superficie en culture :

150 acres (60 hectares)

Cheptel :

500 brebis reproductrices

Avez-vous une famille à suggérer?
[email protected] | 1 877 679-7809


Ce portrait de famille est présenté par