Ma famille agricole 2 octobre 2022

Un morceau de Suisse dans les assiettes de l’Abitibi-Témiscamingue

RÉMIGNY et ROUYN-NORANDA – Tout a commencé par la volonté d’acquérir une terre agricole, puis un petit troupeau, et ensuite l’abattoir et la boucherie qui permettent aujourd’hui à la Ferme et à la Boucherie des Praz d’être la seule entreprise bovine de l’Abitibi-Témiscamingue à pouvoir contrôler la commercialisation de sa viande de A à Z.

On mange un éléphant une bouchée à la fois. C’est une façon de dire qu’avec passion et acharnement, on peut arriver à toucher ses rêves. C’est ce qu’ont fait Christel Groux et Sylvain Fleurant en faisant le pari du Témiscamingue pour mettre sur pied leur rêve agricole.

Fondée en 2012, la Ferme des Praz est née de la volonté de Sylvain Fleurant de faire l’acquisition d’un fonds de terre. « C’est ça qui m’a amené en région. En sortant de l’Institut de technologie agroalimentaire, j’avais le goût d’avoir ma propre terre et je m’étais fait dire qu’en Abitibi, les terres n’étaient pas chères. »

Il a trouvé un emploi dans une coopérative agricole, à Ville-Marie, au Témiscamingue, pour financer l’achat de sa première terre. « J’ai eu une évolution [rapide], ce que je n’aurais probablement pas été capable de faire dans le sud du Québec, évalue-t-il. Oui, il y en a qui partent dans le sud du Québec, mais je pense que, côté monétaire, c’est plus facile en région. »

Trouver la Suisse au Témiscamingue

C’est aussi au Témiscamingue qu’il a rencontré Christel Groux, originaire de la Suisse. Les parents de celle-ci avaient quitté l’Estrie pour s’établir en Abitibi-Témiscamingue il y a plus de 20 ans pour faire la culture de céréales. À leurs débuts, Christel Groux et Sylvain Fleurant ont loué une partie des terres familiales pour le démarrage de la Ferme des Praz. Aujourd’hui, le couple a fait l’acquisition d’une partie de ces terres.

« Je suis arrivée au Canada à neuf mois, donc je n’ai pas de souvenirs de mon enfance en Suisse. Mais, ces racines-là sont profondément importantes », raconte Christel Groux, dont la famille faisait paître les animaux dans les praz, qui signifie « pré » en langue arpitane et qui rappelle le surnom du chalet d’été familial à la montagne.

Une croissance par la commercialisation

« Quand on a démarré la ferme, on avait, Sylvain et moi, la passion de l’agriculture, la passion des vaches, des animaux. Mais on voulait commercialiser la viande. Et sans avoir l’infrastructure d’abattage, c’était vraiment difficile », poursuit Christel Groux.

À l’époque, Donald Gélinas, propriétaire de la seule boucherie titulaire d’un permis d’abattage de proximité en Abitibi-Témiscamingue, songeait à la retraite. Il a trouvé en Christel Groux et Sylvain Fleurant une relève taillée sur mesure.

« Au niveau de la boucherie, quand on a commencé [en 2017], je dirais qu’on avait un chiffre d’affaires autour de 300 000 $. Et cette année, je finis avec 1,4 million de dollars, illustre Mme Groux. Ce n’est quand même pas si pire! »

Vitrine pour les produits locaux

En plus de pouvoir commercialiser sa propre viande, la boucherie permet aussi à la Ferme des Praz de donner un coup de main aux autres producteurs de la région. Il s’agit de la seule solution d’abattage de proximité du coin puisque tous les abattoirs sous inspection provinciale sont situés à plusieurs centaines de kilomètres de l’Abitibi-Témiscamingue.

Christel Groux estime qu’environ 55 % de son chiffre d’affaires à la boucherie est attribuable à son propre cheptel. Le reste concerne la viande sauvage (15 %), principalement lors de la chasse à l’orignal, ainsi que l’abattage à forfait pour d’autres producteurs locaux. C’est cependant la boutique qui a pignon sur la 19e Rue, à Rouyn-Noranda, qui permet tant à des Praz qu’aux autres producteurs de proximité d’avoir un certain rayonnement.

« Juste de la viande, c’est poche! lance Christel Groux. Notre philosophie a toujours été de mettre en valeur les produits de la région. Et s’il y avait quelque chose qui n’était pas disponible dans la région, c’était d’aller le chercher le plus près possible »,
poursuit-elle, citant par exemple la Rose des vents, un producteur de poulet sans hormones et sans antibiotiques de Mont-Laurier, qui lui permet de combler ce trou dans l’offre de l’Abitibi-Témiscamingue, où il n’y a aucun producteur de volaille.

Implication familiale

Et si vous y faites un arrêt, vous risquez d’y croiser Maggie, l’aînée de la famille âgée de 18 ans. « Les deux plus jeunes sont, disons, plus agricoles. Elles ont chacune leur veau. Béatrice (8 ans) et Élizabeth (11 ans), elles, nous suivent partout, on a des sièges dans les tracteurs et elles nous suivent », indique Christel Groux.

« Elles sont mordues de l’élevage, elles ont leurs petits veaux, leurs tâches. Elles commencent à conduire les tracteurs aussi. Tu ne leur montres pas ça à 35 ans. Elles peuvent l’apprendre, mais c’est plus facile à 11-12 ans! » conclut Sylvain Fleurant, sur un ton optimiste pour la relève.

Le bon coup de l’entreprise

Christel Groux est catégorique : le bon coup de l’entreprise est de s’être rapidement dotée des infrastructures pour faciliter la commercialisation de la viande. « Acheter un abattoir, ce n’est pas la façon la plus simple pour commercialiser sa viande. Mais je pense que c’est ce dont on avait besoin et c’est ce qui nous permet d’avoir pris de l’expansion, d’avoir bâti l’étable, et ainsi de suite. »

La viande de la Ferme des Praz est transformée à la boucherie, puis vendue à la boutique, qui a pignon sur rue  à Rouyn-Noranda. Photo : Émilie Parent-Bouchard
La viande de la Ferme des Praz est transformée à la boucherie, puis vendue à la boutique, qui a pignon sur rue à Rouyn-Noranda. Photo : Émilie Parent-Bouchard


Constamment à l’affût

« Quand on a démarré la ferme, on avait, Sylvain et moi, la passion de l’agriculture, la passion des vaches, des animaux. Mais on voulait commercialiser la viande », raconte Christel Groux. Photo : Émilie Parent-Bouchard
« Quand on a démarré la ferme, on avait, Sylvain et moi, la passion de l’agriculture, la passion des vaches, des animaux. Mais on voulait commercialiser la viande », raconte Christel Groux. Photo : Émilie Parent-Bouchard

Christel Groux passe de nombreuses heures derrière son clavier pour demeurer à l’affût de ce que les clients recherchent.

« C’est pour ça que j’aime aller travailler au magasin. Des fois, je fais juste m’asseoir dans mon bureau, je scroll mon Facebook et [je lis] ce que les gens disent. Je pense que c’est peut-être ça, le meilleur conseil : d’être vraiment à l’écoute de notre client. Parfois, quand on est producteur agricole, on ne se rend pas compte que notre client est celui qui mange notre produit. Le fait d’avoir aujourd’hui pignon sur rue à Rouyn-Noranda permet d’entretenir ce lien et de simplement proposer ce que le client cherche : nouvelles recettes de saucisses, nouvelles coupes de viande, vente d’articles pour le fumoir, promotion d’autres produits locaux. Je regarde les chefs, j’ai beaucoup de livres de recettes, je regarde toutes ces affaires-là pour proposer des nouveaux trucs, être à l’avant, voir venir ce qui s’en vient. » 

Émilie Parent-Bouchard, collaboration spéciale

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