Ma famille agricole 3 juillet 2023

Un entrepreneur en série dans les champs du Pontiac

SHAWVILLE — Derrière la belle maison de Ralph Lang et Melanie Walls, une rangée ordonnée d’autobus jaunes s’étire dans la cour. Depuis l’incendie de son garage, en décembre 2022, l’entreprise d’autobus scolaires du coin fait l’entretien mécanique dans l’atelier de la ferme.
« Soutenir la communauté, c’est important », dit le producteur agricole.

Tout le monde au Pontiac connaît Les Fermes RM Lang. Fonceur, Ralph Lang sait que son audace lui vaut parfois l’étiquette de « crazy Ralph ». C’est naturellement vers lui qu’on se tourne quand un projet un peu fou se dessine.

« On me demande : ‘‘Pourquoi ce ne serait pas toi qui reconstruis l’atelier d’autobus?’’ Parfois, je me sens fatigué, mais je n’arrive pas à m’arrêter », dit Ralph, sourire en coin, devant sa conjointe qui roule des yeux.

Depuis qu’il a repris la ferme de ses parents en 2005, la vocation de l’entreprise a été façonnée au fil des occasions d’affaires. « On a commencé avec une ferme laitière et d’élevage bovin et 300 acres. J’avais 24 ans. Mon père a acheté une compagnie de taxi. Il ne voulait pas prendre sa retraite. » 

Aujourd’hui, Ralph et Melanie font de la grande culture sur 4 000 acres (1 600 hectares), du travail à forfait et gèrent les activités du seul élévateur à grains de la région, qu’ils ont construit en 2012. Les animaux et le quota ont été vendus il y a une dizaine d’années.

« En 2008, on a acheté une ferme en faillite de 650 acres, raconte Ralph. Nous avions cinq jours pour faire la transaction. La terre valait 1 000 $ l’acre, ce qui paraissait élevé à l’époque. Aujourd’hui, elle en vaut 5 000 $. C’est le meilleur investissement qu’on n’a jamais fait, et le plus stressant! » C’est aussi le début d’une série d’achats et d’occasions d’affaires saisies grâce au capital foncier accumulé.

À la même époque, l’arrivée de Melanie à la comptabilité et aux finances a été essentielle à la croissance de l’entreprise, souligne Ralph. Laisser sa carrière d’infirmière a été une décision déchirante, mais nécessaire, avec les horaires inadaptés à une jeune famille, se souvient-elle. 

Jamais sans Excel 

Diplômé du Collège MacDonald de l’Université McGill, Ralph est un passionné des tableaux Excel, qui sont la boussole guidant toutes ses décisions d’affaires à travers les aléas. 

Ralph arrive avec sa technologie, son application, ses fichiers Excel… Il est parfois très technique et ça peut être un peu épeurant. Mais il est un passionné d’agriculture.

Melanie Walls

La grande sécheresse de 2012 n’a pas épargné la ferme. « On a perdu beaucoup d’argent, mais ç’a fait de nous de meilleurs gestionnaires », estime le producteur dont l’offre de service s’est diversifiée pour ajouter entre autres l’épandage de biosolides (boues municipales).

Son nouveau dada : la location de terres au rendement. Armé de l’application de gestion agricole Trimble, il analyse les données des champs, vend les intrants, fait l’épandage de fertilisants et partage ensuite le bénéfice avec le propriétaire ­plutôt que de lui payer un simple loyer. Les revenus fluctuent, mais le risque est réparti d’une année à l’autre, estime Ralph.

L’entreprise fait de la location de terres au rendement. Armé de l’application de gestion agricole Trimble, Ralph Lang analyse les données des champs, vend les intrants, fait l’épandage de fertilisants et partage ensuite le bénéfice avec le propriétaire plutôt que de lui payer un simple loyer. Photo : Gracieuseté des Fermes RM Lang

Relève en vue

« Il y a tellement d’opportunités dans le Pontiac », dit Ralph, qui dit préférer l’action aux jérémiades du « café du coin ». Par exemple, les biosolides font jaser, bien que ce soit, à ses yeux, une solution au besoin en matières organiques, qui se raréfient en même temps que l’élevage. « On n’a rien à cacher, tout est légal et nous suivons les conseils de notre consultant en agroenvironnement. »

Ces réflexions douces-amères disparaissent quand on évoque la relève de la ferme. Kindal, 22 ans, diplômée en biotechnologie au Collège algonquin, s’intéresse à l’aspect agronomique de l’exploitation. Ryan, 19 ans, prend le relais des activités d’épandage de chaux, avec sa propre entreprise. Merissa est déjà, à 15 ans, entraîneuse à Patinage Canada.

Le transfert viendra plus tard, pour les plus vieux. « Ils ont besoin d’apprendre, de faire leurs erreurs », souligne leur mère.  

Le Bait Bin devrait bientôt apparaître dans d’autres commerces, à l’extérieur de Shawville. Photo : Nathalie Villeneuve

Fait maison

Le seul élévateur à grains de la région est une attraction locale. « On invite les gens sur le site, des écoles viennent le visiter », dit Melanie Walls. Pendant la pandémie, la demande de particuliers pour de petites quantités de grains a augmenté. Ralph Lang et son partenaire Scott Lemay ont concrétisé une solution, dans le stationnement du Tigre Géant de Shawville : le « Bait Bin », distributeur de maïs pendant la saison de la chasse et de graines de tournesol pour les oiseaux à d’autres moments de l’année. Les achats se font en libre-service, par carte de crédit. 

3 conseils pour s’offrir une qualité de vie à la ferme

Ne pas travailler les week-ends

Sans animaux, les propriétaires des Fermes RM Lang, nouveaux adeptes de l’autocaravane, peuvent se permettre de partir le vendredi, sauf exception. « [Nos employés] peuvent avoir une vie de famille, estime Ralph Lang. [Le week-end], personne n’a envie d’être là, tout le monde est de mauvaise humeur et le lundi, les employés sont déjà fatigués. »

Miser sur une main-d’œuvre dévouée

La ferme emploie 8 personnes l’hiver et 13 l’été. Avec la pénurie de main-d’œuvre, le dévouement et non la compétence est le critère numéro un du recrutement. « Le seul fait que quelqu’un vienne ici pour obtenir un emploi témoigne de la motivation de la personne. On va la former », affirme le producteur. Certains restent, d’autres partent, mais au fil du temps, une équipe de travailleurs dévoués se construit, assure-t-il.

Éviter la microgestion

La planification et la capacité à s’élever au-dessus des tâches sont la clé, selon Ralph. « Je reviens de mon week-end le dimanche et j’organise la semaine. On se réunit le lundi matin et les choses se mettent en place. »

Ralph a repris la ferme de ses parents en 2005 et quelques années plus tard, Melanie a quitté un emploi d’infirmière pour s’occuper de la comptabilité de l’entreprise. Photo : Nathalie Villeneuve
Fiche technique 🌾
Nom de la ferme :

Les Fermes RM Lang

Spécialité :

Grandes cultures

Année de fondation :

1954

Noms des propriétaires :

Ralph Lang et Melanie Walls

Nombre de générations :

3

Superficie en culture :

4 000 acres (1 600 hectares), dont 2 500 sont la propriété de la ferme


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