Madeleine et Jean-Marie Zumstein ont repris la ferme de leurs parents en 2009. Ils cultivent aujourd’hui 35 hectares de terre. Photo : André Laroche
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SHERRINGTON — Dans leur jeunesse, Madeleine et Jean-Marie Zumstein caressaient de grands projets pour la ferme maraîchère fondée par leurs parents dans les années 1980 à Sherrington. Aujourd’hui à la tête d’une entreprise de 70 employés, ils expédient leurs récoltes d’oignons verts et de coriandre un peu partout au Québec et en Nouvelle-Angleterre.
C’est le dernier jour de récolte de la saison. L’été fut long et éprouvant, mais aucune fatigue ne se lit sur le visage des ouvriers agricoles. Ils travaillent avec entrain et précision pour nettoyer, couper et empaqueter une cargaison en partance pour Boston.
Jean-Marie Zumstein observe la chorégraphie parfaite des hommes qui s’activent autour du convoyeur et des différentes machines qu’il a lui-même conçus. Soigneusement inspectée, chaque botte d’oignons qui atterrit dans les bacs est identique à la précédente.
« Toutes coupées de la même grandeur, sans pointes jaunies. C’est ce que le consommateur veut voir au supermarché », souligne le copropriétaire de La Production Barry.
De son côté, Madeleine Zumstein discute couramment en espagnol avec un employé latino-américain de longue date. « Communiquer avec eux dans leur langue est une question de respect mutuel », glisse l’agricultrice, très fière de son faible roulement de personnel.
À l’évidence, le frère et la sœur forment une équipe soudée et efficace. Depuis toujours, dans un parcours complètement atypique, ils marchent côte à côte dans l’atteinte de leurs objectifs personnels et professionnels, ce qui leur a d’ailleurs valu de remporter la catégorie argent au concours de l’Ordre national du mérite agricole, dont les résultats ont été dévoilés le 2 novembre 2023.
Enfants d’immigrants
Attirés par les terres noires de la Montérégie-Ouest, Isidor et Margrith Zumstein ont quitté leur Suisse natale au début des années 1980 pour cultiver des légumes à Sherrington. Jean-Marie et Madeleine sont nés rapidement après leur arrivée, à 13 mois d’intervalle.
Les deux enfants ont littéralement passé toute leur jeunesse à la ferme. « Nos parents ont demandé de nous faire l’école à la maison, avec la promesse de faire les examens du ministère. Nous sommes cependant passés entre deux chaises, et nous n’avons jamais passé ces examens », raconte Madeleine.
Résultat : les enfants Zumstein n’avaient aucun diplôme à leur actif au début de leur vie adulte. « Ce fut un choc pour nous quand nous avons voulu acheter la ferme. Nous n’avions aucune compétence reconnue à inscrire dans notre demande à La Financière agricole », poursuit l’agricultrice.
Sans se laisser décourager, le frère et la sœur se sont inscrits tous les deux à l’éducation aux adultes. Patiemment, pendant cinq ans, ils ont passé l’hiver sur les bancs d’école avec l’objectif commun de combler leur retard scolaire, mais surtout de satisfaire leur insatiable curiosité.
« Je ne me fatigue jamais d’apprendre », reconnaît Madeleine.
Quand nous étions petits, notre père nous demandait de trouver des plantes dans la ferme et de trouver leur nom latin. Sa bible, c’était La flore laurentienne, de Marie-Victorin. Le soir, nous nous installions derrière la maison et nous apprenions le nom des étoiles et des constellations.
Cette curiosité cultivée constitue aujourd’hui un atout, reconnaissent le frère et la sœur. « Nous avons développé un bon sens de l’observation, ainsi qu’une bonne aptitude à apprendre par nous-mêmes. Cela dit, il est primordial de faire des études », tient à préciser Jean-Marie.
Voir grand
Forts de leur complicité et de leur ténacité commune, le frère et la sœur ont mûri ensemble des projets pour la ferme familiale. En 2009, ils ont convaincu leurs parents de leur laisser le champ libre pour réaliser leurs ambitions.
« Mon père est demeuré impliqué dans les opérations de la ferme jusqu’en 2009, mais nous avions des visions différentes pour l’avenir. Il a accepté de nous laisser nous épanouir et d’atteindre nos buts », confie Madeleine.
Les efforts du duo se sont rapidement fait sentir. La production a doublé avec la mise en place de techniques de pointe, d’une gestion plus serrée, ainsi que l’acquisition de terres.
Symbole de leur réussite, la première médaille de bronze du Mérite agricole 2015 est accrochée bien en vue dans le bureau. Pas question, par contre, de se reposer sur ces lauriers. « L’agriculture est un défi sans fin. Cela nous convient parfaitement », conclut la productrice.
Le bon coup de l’entreprise
« L’introduction de la mouche rose stérile en 2019 », répondent en chœur Madeleine et Jean-Marie Zumstein, questionnés sur une bonne décision qui a fait une différence notable dans leurs activités, ces dernières années. « Cette mouche parvient à remplacer un insecticide pas tellement efficace, qui coûte cher, et qui se retrouve dans les cours d’eau après qu’une pluie ait lessivé les terres. Il est rare qu’une solution naturelle soit plus efficace et moins coûteuse qu’un produit chimique, tout en étant meilleure pour l’environnement. C’est l’exploit réussi par la mouche rose stérile », résume l’agriculteur.
3 conseils pour réussir à prendre la relève de ses parents
Honnêteté envers soi-même
Avant toute chose, les enfants d’agriculteurs doivent trouver la réponse à une question essentielle. « Pourquoi je me lance là-dedans ? » dit Madeleine Zumstein. Son frère renchérit : « En agriculture, la rentabilité est faible et la marge de manœuvre est mince pour les erreurs de parcours. Il faut être honnête envers soi-même. »
Empathie pour ses parents
La différence de mentalité entre les générations peut faire naître des inquiétudes et des conflits, fait remarquer Madeleine. « Il faut faire preuve de compréhension envers nos parents qui ont mis leur vie à bâtir leur entreprise. Cela prend de la patience et de la recherche pour les convaincre de la solidité de notre plan. Et quand ils acceptent ce changement, il faut savoir livrer la marchandise. »
Persévérance sans entêtement
La persévérance est une clé essentielle à la réussite, affirme Jean-Marie. « La persévérance est cependant différente de l’entêtement. Il faut parfois reconnaître qu’on fait fausse route et ne pas se juger sévèrement pour ses erreurs. Il faut apprendre à se juger par ses succès, ce que l’on tient trop souvent pour acquis. »
| Fiche technique | |
|---|---|
| Nom de la ferme : | La Production Barry |
| Spécialités : | Coriandre et oignons verts |
| Année de fondation : | 1981 |
| Noms des propriétaires : | Madeleine et Jean-Marie Zumstein |
| Nombre de générations : | 2 |
| Superficie en culture : | 35 hectares |
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