Ma famille agricole 16 janvier 2024

Les premiers producteurs de lait bio en Abitibi-Témiscamingue

LORRAINVILLE — Du lait, il y en a toujours eu sur la table des Gauthier de Lorrainville au Témiscamingue. Et depuis quatre générations, on sait qu’il est d’une qualité exceptionnelle. Tellement que la relève a décidé de pousser l’aventure de la ferme familiale plus loin en obtenant la certification biologique, la première de toute l’Abitibi-Témiscamingue.

Jacquelin Gauthier a toujours mis de l’avant une « agriculture raisonnée », c’est-à-dire sans engrais chimique ni pesticides. Sa fille Annick a cherché à mettre en valeur cette pratique déjà bien implantée en obtenant la certification biologique pour la Ferme JMA Gauthier, qui, en plus du lait, produit du bœuf de boucherie et des céréales pour la consommation humaine. 

« On savait déjà qu’on était pas mal bons parce qu’on était déjà dans les médailles d’argent au régional », souligne le patriarche, fier de sa relève. Il fait ainsi référence à l’obtention, en février dernier, de la distinction Or Lait’Xcellent Bio remis par les Producteurs de lait du Québec, soit un peu plus d’un an après l’obtention de la certification biologique, en août 2021. « Ça donne une bonne tape dans le dos ! »

Il y a eu un sentiment d’étonnement parce qu’on était seuls dans notre secteur, on n’avait pas vraiment d’idée des résultats des voisins. En conventionnel, on était très bons, on était toujours dans le top 3, top 5 de la région. Quand les résultats sont rentrés au bio, j’ai fait le saut! Je me disais : ‘‘Tabarouette, on est bons!’’ Ça nous a donné envie de nous relever le lendemain matin et de continuer à faire ce qu’on fait parce qu’on le fait bien.

Annick Gauthier

Une passion transmise de génération en génération

Actionnaire de la ferme depuis 2017, cette mère de quatre enfants, tous aussi passionnés d’agriculture, mentionne que c’est le détachement de la ferme familiale, pendant ses années d’études, d’abord en administration à Rouyn-Noranda puis en production laitière à Sherbrooke, qui a confirmé sa volonté de revenir sur le grand « terrain de jeu » familial.

« Je ne m’ennuyais pas tant des parents, mais plus du quotidien, de la liberté sur la terre. Et quand tu grandis, tu t’aperçois que tu peux avoir une incidence sur des décisions différentes parce que tu as de nouvelles connaissances à apporter. Et on faisait une bonne équipe, illustre celle qui travaille aussi avec son frère Maxime. C’est un challenge, le familial et le travail. On n’est pas juste trois, on est trois familles. C’est beaucoup de ­compromis, mais c’est l’fun parce qu’on voit nos familles grandir et on s’épanouit là-dedans. »

La preuve : le jeune Alec, 8 ans, qui a prétexté un mal de ventre pour revenir à la ferme avant la fin des classes. Il mène pourtant avec beaucoup d’entrain la visite des ports libres aménagés pour répondre aux exigences de la production laitière biologique. Même dans ses temps libres, dit-il, il joue à gérer sa propre entreprise agricole sur sa console de jeux PS4. « Sais-tu ce que j’ai acheté? Un tracteur Massey-Ferguson! » « Ah! Le beau rouge? » « Oui, il est pas mal obligé d’être rouge, c’est un Massey-Ferguson! » lâche-t-il, tout sourire, en essayant de faire croire à son interlocutrice que la petite Jersey brune produit du lait au chocolat. 

Une petite Jersey brune pour produire du lait au chocolat? « Ça y croit jusqu’à l’âge de 5 ans, après ils comprennent que ce n’est pas vrai! » dit Annick Gauthier, le sourire aux lèvres. Il s’agit d’un filon que son amie fromagère pourrait peut-être exploiter, suggère-t-elle. Photo : Émilie Parent-Bouchard

Jacquelin Gauthier confirme que, malgré son ton rieur, son petit-fils est très vaillant, à l’image de ses propres enfants. Il affirme ne jamais avoir douté de voir sa descendance prendre la relève de la petite exploitation familiale. « Je sais depuis qu’ils sont tout petits qu’ils ne veulent pas partir! Un peu comme mon petit-fils. C’est lui qui poussait les animaux et les barrières tantôt. Ç’a toujours été ça : rester assez petit et d’en vivre, c’est tout. On a toujours bien vécu. J’ai trois enfants, dix petits-enfants… De la relève, il y en a en masse, en masse! »  

Le lait entier biologique de la Ferme JMA Gauthier est distribué par Fromage au Village dans quelques points de vente de l’Abitibi-Témiscamingue depuis l’automne 2023. Photo : Émilie Parent-Bouchard

Le lait entier biologique de la Ferme JMA Gauthier est distribué par Fromage au Village dans quelques points de vente de l’Abitibi-Témiscamingue depuis l’automne 2023. Photo : Émilie Parent-Bouchard

Le bon coup de l’entreprise

Être la première et la seule ferme laitière biologique de l’Abitibi-Témiscamingue comporte certainement son lot de défis en ce qui a trait, par exemple, à la gestion de la génétique du troupeau, puisque les distances sont longues pour pouvoir accéder à d’autres animaux. Mais le jeu en vaut la chandelle, assurent les Gauthier, car la ferme peut ainsi développer des produits qui se démarquent, grâce entre autres à la proximité de Fromage au Village, une fromagerie bien implantée à Lorrainville. Celle-ci a adapté ses installations afin de pouvoir produire des fromages bios, mais aussi pour embouteiller le lait entier biologique. « Tout a commencé après un match de ­hockey avec Anne [sa coéquipière qui est propriétaire de la fromagerie]. On se challengeait pour le fun, les deux ayant une entreprise à gérer. Et elle m’a dit : ‘‘Ça serait drôle de faire des affaires ensemble. Tu devrais partir bio; je pourrais vendre du lait et du fromage bio!’’  » résume Annick Gauthier. 

3 conseils pour… réussir sa transition biologique

Partir sur de bonnes bases et gérer serré

« Quand je suis venue reprendre les rênes avec mon père, il y avait déjà une réflexion d’agriculture très raisonnée. Buvant son lait lui-même, il ne voulait pas boire des antibiotiques d’une vache qui a été traitée. Partout, quand il circulait dans ses champs, il ne voulait pas respirer les pesticides. C’était important pour sa santé personnelle. Il m’avait inculqué ça. Pour moi, c’était normal de consommer les produits du jardin où il n’y avait pas eu de pesticides. Quand on s’est mis à produire à un peu plus grande échelle, on s’est aperçus qu’on pouvait produire peut-être pas en aussi grande quantité, mais que si on calculait les coûts, on faisait autant d’argent », raconte Annick Gauthier.

Bien s’outiller

Avec le recul, la productrice soutient que sa formation en administration lui sert beaucoup plus qu’elle ne l’envisageait, notamment pour le respect du cahier de charge biologique très strict, mais aussi pour la reddition de comptes. « Même si on dit que l’agriculture est vraiment manuelle, je suis assise dans mon bureau trois jours par semaine », illustre-t-elle.

Y aller une étape à la fois

Même si tout est en régie biologique à la Ferme JMA Gauthier, la certification ne couvre pas l’élevage bovin pour le moment. « Je n’ai pas trouvé le créneau pour le vendre bio. Donc, je n’ai pas le goût de payer la certification et de ne pas être reconnue. Mais c’est quelque chose qui va se développer; je suis à peu près sûre. Mais étant donné qu’il vit sur le même site de la ferme, il est traité biologiquement comme le reste des animaux », dit-elle.

Les meilleures candidates Holstein de la Ferme JMA Gauthier sont inséminées avec des semences sexées pour assurer la relève du troupeau. Les autres sont croisées avec du Angus pour la boucherie. Photo : Émilie Parent-Bouchard
Fiche technique
Nom de la ferme :

Ferme JMA Gauthier

Spécialités :

Lait bio et vaches-veaux de boucherie

Année de fondation :

2017 (intégration de la relève à l’actionnariat)

Noms des propriétaires :

Jacquelin et Annick Gauthier

Nombre de générations :

4

Superficie en culture :

300 acres (121 hectares)

Cheptel :

26 vaches en lactation + une trentaine de vaches-veaux en boucherie

Avez-vous une famille à suggérer?

[email protected] | 1 877 679-7809


Ce portrait de famille est présenté par