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PLAISANCE — On traverse le parc national de Plaisance et un petit pont pour se rendre sur l’île baignée par la rivière des Outaouais. Jusqu’à la ferme, de la beauté partout, de celles qui forgent les âmes d’artistes comme Annie Chartrand, qui a pourtant choisi son cher troupeau plutôt que l’art et la ville.
« J’aime l’art, la décoration, faire des toiles », explique Annie Chartrand, qui a obtenu, en 2008, son diplôme d’études collégiales (DEC) en design de présentation au cégep du Vieux Montréal. « Je voulais juste vivre autre chose. Je suis une personne réservée, et là, je devais foncer, présenter mon portfolio, me vendre. Ça m’a aidée à devenir qui je suis aujourd’hui. »
Avant même de terminer son DEC, elle s’est inscrite en technologie des productions animales à l’Institut de technologie agroalimentaire, à Saint-Hyacinthe. Elle est retournée à Plaisance en 2011 et est devenue, en 2015, copropriétaire de la Ferme Outaouais avec ses parents.
« Je ne me voyais pas reprendre ça seule », dit Annie, qui croyait faire tandem avec son frère Mathieu, copropriétaire à l’époque, mais maintenant à l’emploi du Centre d’insémination artificielle du Québec. Sa soeur cadette Josée ayant d’autres intérêts, Annie est devenue la seule en lice pour reprendre le flambeau. « J’avais une crainte : une femme, seule à la ferme, ça se peut, mais il faut être bien entourée. C’est beaucoup de travail. Tu ne peux pas caller malade et c’est rough pour le corps, surtout avec un enfant », admet la maman de William, 18 mois.
Son père, Yvon Chartrand, laisse entendre que le métier est dur pour tout le monde. « Tout seul, je ne l’aurais pas fait. J’ai acheté la ferme de mes parents avec 23 kg de quota et aujourd’hui, on en a 65. Avec trois enfants, on ne sortait pas beaucoup! »
Pas vraiment seule
Autour d’Annie gravite un cercle solide. Son conjoint a du temps pour effectuer divers travaux « très physiques », son père s’occupe des champs, sa mère fait la comptabilité et garde son petit-fils, un vacher travaille à temps partiel et sa sœur offre une aide ponctuelle. Tous forment un garde-fou, en cas de pépin, comme la césarienne imprévue à la naissance de William. Jonathan Charlebois, le conjoint d’Annie, a alors prolongé son congé parental pour travailler à la ferme pendant un an.
Yvon prépare progressivement sa retraite et la vente de ses parts de l’entreprise, mais il ne la quittera pas du jour au lendemain, prévoit Annie. « Mon père, c’est sa vie, la ferme. »
Une éleveuse passionnée
La présence d’Yvon aux champs permet à Annie de se concentrer sur le troupeau, dont elle a la responsabilité depuis 2012.
« Ma vision, c’est de garder mes animaux longtemps, pour élever moins d’animaux de remplacement, qui me coûtent cher et qui ne génèrent aucun revenu.
Ça me permet de garder mes vieilles vaches, qui ont déjà ‘‘payé’’ leur élevage, en me rapportant de l’argent après la deuxième ou troisième lactation. Une vache excellente qui te donne une bonne progéniture… Pourquoi ne pas la garder? »
La doyenne de l’étable a 14 ans et n’est pas la seule à avoir une longue vie à la Ferme Outaouais. La sélection à la saillie fait partie de la stratégie de l’éleveuse, qui mise ainsi sur ses meilleures vaches et leur longévité.
« Elle est sérieuse dans sa démarche. Je pense qu’elle est bien partie pour avoir une deuxième plaque », dit Yvon au sujet des talents d’éleveuse de sa fille. En 2017, la ferme a décroché le titre de Maître-éleveur Holstein Canada, la marque de reconnaissance la plus prestigieuse pour un éleveur Holstein au pays.
Sur les murs de la laiterie, plusieurs plaques et cadres témoignent des honneurs récoltés par l’entreprise. « J’aime ça quand je fais de bonnes classifications. Et j’aime prendre le temps d’expliquer le travail que je fais aux touristes [nombreux au parc de Plaisance] qui viennent voir la ferme. Je suis fière. »
Le bon coup de l’entreprise
L’entreprise prépare un bon coup depuis un moment : la construction d’un troisième silo d’ensilage, qui se réalisera enfin en 2023. « On a les champs, le robot d’alimentation et la fourragère. Le silo amène le lieu d’entreposage. On va avoir toute la chaîne jusqu’aux vaches », explique Annie Chartrand. Exit les balles humides à forfait et le plastique. Le silo devait d’abord être livré en septembre 2022. Trois jours avant la livraison, des déficiences majeures décelées sur le pont Martin, seul lien routier vers la ferme, ont forcé la réduction de la charge maximale permise et le report du projet.
3 conseils pour une bonne régie de troupeau
Élever moins de génisses
En misant sur la génétique pour obtenir des vaches qui restent plus longtemps productives, Annie Chartrand réduit le nombre de sujets de remplacement qui coûtent cher à élever avant de générer des revenus.
Favoriser le confort
« Si la vache n’est pas confortable une fois couchée, n’a pas assez d’espace, elle a plus de chances de se blesser et elle va faire moins de lait », fait valoir Annie. Les matelas d’eau ajoutés lors de la rénovation des stalles, en 2015, par exemple, ont fait une différence. « Deux ou trois mois après leur installation, on observait que du duvet repoussait sur le jarret des vaches. Les classificateurs me le disent : ‘‘Tu as de belles pattes!’’ » Par ailleurs, les vaches taries de la Ferme Outaouais vont dehors. « Elles font de l’exercice. Tout ça contribue au confort et à la longévité », souligne la productrice.
Choisir le bon taureau
Les pieds, les membres et le système mammaire sont les critères importants lorsque vient le temps de choisir le bon taureau, simplifie Annie, qui s’intéresse de près à la question complexe de la génétique. « C’est une bonne garantie pour une bonne lignée et une bonne longévité. »
Fiche technique 🌾🐮 | |
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Nom de la ferme : | Ferme Outaouais |
Spécialités : | Production laitière et grandes cultures |
Noms des propriétaires : | Annie et Yvon Chartrand ainsi que Suzanne Leduc |
Année de fondation : | 1888 |
Nombre de générations : | 5 |
Superficie en culture : | 180 acres (73 ha) en propriété et 110 (45 ha) en location |
Cheptel : | 90 vaches pur-sang Holsteins, dont 50 en lactation |
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