Ma famille agricole 11 octobre 2023

L’élevage bovin à l’ancienne, sans compromis

SAINT-HERMÉNÉGILDE Tout a commencé en 2004 par une entente verbale avec Philippe Ogez, propriétaire d’origine du Ranch St-Hubert, à Saint-Herménégilde, en Estrie. « Ne me paie pas. Ce sera un cash down », lui a proposé son ouvrier, Sébastien Desgagnés. Philippe a accepté, assurant du coup la pérennité de sa ferme.

À la suite du décès de l’ancien propriétaire, Philippe Ogez, en 2008, Sébastien Desgagnés et sa nouvelle conjointe, Dominic Ager, ont acheté la ferme.

« J’aurais pu me faire avoir, mais il a tenu parole », dit Sébastien en parlant de son ancien patron. Le petit éleveur de race bovine Blanc Bleu Belge originaire du plat pays avait vu en son ouvrier la relève qu’il n’avait pas. « J’étais à la bonne place au bon moment. »

Dominic peut en dire autant. En 2007, elle s’est vu confier les soins d’un cheval en pension au ranch et en a profité pour montrer à ses deux fils à monter. « C’est comme ça qu’on s’est connus », raconte-t-elle. 

Trois ans plus tard, en 2010, l’entrepreneur en construction de Coaticook a pris pour épouse la technicienne en santé animale de Sherbrooke. Dans l’intervalle, leur fille Alexandra a vu le jour, en 2009.

Les chevaux sont la passion d’Alexandra, qui s’intéresse aussi aux autres activités de la ferme. Photo : Nathalie Villeneuve

Relève en vue

À 14 ans, la jeune fille est maintenant consciente de sa chance. « Il y a des jeunes qui veulent une ferme et c’est difficile d’en avoir une. Autant en profiter », dit-elle. Les chevaux sont sa passion, mais des études en production animale ou en mécanique agricole la tentent. Ses deux demi-frères, Antoine, 22 ans et Mathieu, 26 ans, ont pris des chemins différents. Le champ est donc libre pour qu’elle prenne la relève, si tel est son choix.

« Sinon, on vend tout », lance Sébastien. De préférence à quelqu’un « qui voudrait continuer ce qu’on a monté », nuance Dominic. Le couple a, en effet, mis tout son cœur à développer une entreprise à l’image de ses valeurs, sans compromis. « On a commencé par les cours d’équitation et 12 vaches et un taureau de race Blonde d’Aquitaine », relate Dominic. 

Le troupeau qui compte maintenant 140 bêtes nourries majoritairement à l’herbe ne grossira pas davantage. « On a atteint le nombre parfait pour nos grands pâturages », affirme la copropriétaire.

Le couple a fait le choix d’opter pour un élevage à l’ancienne, plutôt que pour le parc d’engraissement, et de préférer une race développée en France, la Blonde d’Aquitaine, qui donne une viande maigre et tendre. Il laisse la viande vieillir avant la découpe chez le boucher, malgré la perte. « Notre choix, c’est de produire quelque chose de qualité à l’ancienne, à petite échelle, explique Sébastien. C’est un marché de créneau. »

La ferme ne serait pas viable si elle se limitait à l’élevage bovin, que les propriétaires ont choisi de faire à l’ancienne. Photo : Nathalie Villeneuve

Un revenu externe crucial

« On travaille beaucoup pour la paie au bout de la semaine », souligne Sébastien. Le salaire vient cependant de son ­entreprise en construction, et non de la ferme. 

Idem pour le capital d’investissement qui a permis le développement du volet agrotouristique de l’entreprise, avec le gîte, notamment.

« [Sans la construction], j’aurais fait faillite depuis longtemps! » s’exclame Sébastien, qui ne voit pas d’un mauvais œil le transfert de fonds entre les deux entreprises. « Ça nous a permis de croître et de nous diversifier. Juste avec le bœuf, on n’aurait pas été loin. »

Malgré les banques qui ont souvent prédit la débâcle, malgré l’incertitude du moment liée à la flambée des prix des intrants et des taux d’intérêt, les propriétaires ne regrettent rien et entendent maintenir le cap. « On m’a déjà dit : ‘‘Vous devriez vendre, vous feriez un coup d’argent’’ », dit Dominic. Il n’en est toutefois pas question. Les marges sont minces, mais la fierté de voir le résultat et de récolter les commentaires positifs constitue une rémunération à ses yeux. « On travaille fort; c’est un choix de vie, convient l’agricultrice. On s’est serré la ceinture, mais ç’a valu la peine! »  

Fait maison

Pour tirer profit au maximum de chaque carcasse, foies, cœurs et poumons déshydratés servent à préparer des récompenses pour chiens et chats. « Ces parties qui ne sont pas très populaires seraient perdues », note Dominic. La production se fait à petite échelle et selon les critères élevés de la consommation humaine. « Je vends aux cliniques ­vétérinaires et à notre boutique. Je n’en fais pas en grande quantité. Sinon, je devrais acheter de la viande ailleurs. » Quelques peaux tannées sont également offertes à la boutique. « C’est un élément de luxe que des gens recherchent », constate Dominic. 

L’entreprise prépare des récompenses pour chiens et chats avec les foies, les cœurs et les poumons déshydratés. Photo : Nathalie Villeneuve

Le bon coup de l’entreprise

La diversification des activités grâce à la vente directe et à l’agrotourisme a marqué un tournant pour l’entreprise. L’aventure agrotouristique a commencé en 2010, avec l’achat et la transformation en gîte de la maison de l’ex-­propriétaire de la ferme, qui surplombe la propriété.

Le gîte, la vente directe à la ferme et au marché de Compton ainsi que les activités équestres (cours et camps de jour) ont permis à la ferme de se positionner avantageusement quand Foresta Lumina, le parcours nocturne du Parc de la Gorge de Coaticook, a été lancé en 2014.

« Il n’y avait pas tant de monde qui voulait venir ici de Montréal. Foresta Lumina est une activité de nuit. Les gens doivent dormir quelque part, explique Dominic. Au début, les gens venaient pour Foresta Lumina. Les gens viennent maintenant nous voir pour ce qu’on est. » L’offre en hébergement a été bonifiée en 2020, avec un chalet en location. « On accueille les gens sur place, c’est notre façon de se faire connaître », dit Dominic. 

Différentes coupes de viande et d’autres produits transformés sont en vente à la boutique de la ferme. Photo : Nathalie Villeneuve
Fiche technique 🍁🐂
Nom de la ferme :

Ranch St-Hubert

Spécialités :

Production bovine, acériculture et agrotourisme

Noms des propriétaires :

Dominic Ager et Sébastien Desgagnés

Année de fondation :

1978

Superficie en culture :

Superficie totale de la propriété : 105 ha, culture du foin sur 70 ha (en propriété et en location)

Cheptel :

140 têtes, de races Blonde d’Aquitaine et Parthenaise


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