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VAL-ALAIN – Leur première récolte de fraises biologiques, en 2018, a été une catastrophe. Les Matteau ont alors perdu 85 % de leur production, endommagée par des gels printaniers tardifs. Rien toutefois pour décourager le clan, qui entame cette année sa sixième saison avec le vent dans les voiles.
Lorsque Dany Matteau avait 4 ans, il partait avec Mozart, son colley, traversait les pâturages et rejoignait son père, qui bûchait dans la forêt, se guidant au son de sa scie mécanique. Si la marche était trop longue, il faisait une sieste en chemin, au grand dam de sa mère et de ses sept sœurs, qui le cherchaient partout.
Maintenant âgé de 53 ans, Dany habite toujours à la ferme, un colley à ses côtés. Le chien s’appelle maintenant César – ou encore Touti, selon l’humeur des quatre garçons de Dany. Et le chien est occupé, car deux oies d’à peine trois semaines ont fait leur arrivée à la ferme. César les surveille.
Entraînées par Fanny, la bru de Dany, ces oies de race Toulouse sont arrivées à Val-Alain dans un but bien précis : prêter main-forte aux Matteau dans le désherbage des champs de fraises. Une tâche éreintante et nécessaire dans une culture biologique, que les oies font à longueur de journée sans se lasser, dédaignant les feuilles des fraisiers.
Plus renseigné que la moyenne
Cette volonté d’expérimenter, de faire des recherches ainsi que des essais et erreurs vient directement de Gilles, le père de Dany, aujourd’hui décédé. Dans le Mérite de défricheur, une publication du ministère de la Colonisation parue en 1959, on peut lire à son sujet : « Ce jeune homme, intelligent et travailleur, avide de connaissances, aime les méthodes progressives de culture. Plus renseigné que la moyenne, il recherche les conseils des techniciens agricoles. »
Gilles Matteau a acquis la terre en 1954. Il était le deuxième colon à s’y être établi non loin du cœur du village de Val-Alain, fondé en 1933. Avec son troupeau de vaches à bœuf, il a été l’un des premiers à tester le trèfle Ladino, un pâturage hautement protéiné.
Cinquante-cinq ans plus tard, son fils Dany teste maintenant des biopesticides dans ses champs de fraises. Aidé d’un agronome du Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+), il a ainsi introduit 750 000 insectes prédateurs pour venir à bout de la punaise terne. « Il faut aussi créer un habitat pour les garder, ces prédateurs-là », souligne le producteur en désignant une planche de trèfles où les prédateurs pourront se réfugier.
Il y a six ans, la famille Matteau a fait le choix de se tourner vers la fraise, malgré des avis contraires. « Le MAPAQ m’a dit : ‘‘Oublie ça, le biologique. Tu t’embarques dans toute une affaire.’’ Mais je savais qu’il y en avait qui le faisaient », se rappelle Dany. L’agriculteur a fait ses recherches et a contacté le CETAB+.
Il estime que le Québec compte seulement une dizaine de producteurs de fraises biologiques. Il s’agit, selon lui, d’une culture difficile, mais qui permet de se démarquer. Lors du passage de La Terre, le 14 juin, le kiosque n’était ouvert que depuis une journée, et déjà, les clients étaient au rendez-vous. « Ça vient d’un peu partout; c’est surprenant! » affirme Julie Duhaime, la conjointe de Dany.
Le clan amène des idées
La ferme se situe le long de l’autoroute 20, à Val-Alain. Il y vente toujours un peu. Une brise balaie les champs de fraises avant de s’évanouir dans la forêt. À l’endroit où se trouvait la maison de Gilles Matteau, les fondations de la nouvelle maison de Bastien, le deuxième fils de Dany, ont été érigées. Étienne aussi compte revenir habiter dans le coin. Depuis le mois de mai, il a d’ailleurs installé sa roulotte. « Ça me donne le temps d’économiser et d’avoir un pied sur la terre familiale », explique-t-il.
Chez les Matteau, pas question d’embaucher de travailleurs étrangers. Les quatre enfants, âgés de 12 à 26 ans, mettent la main à la pâte, tout comme leurs compagnes et les amis du clan. Et chacun donne son avis et ses idées.
Le projet d’offrir de la crème glacée a fait l’unanimité. Eliam, 12 ans, le plus jeune de la fratrie, souhaite quant à lui que la famille se lance aussi dans la culture de framboises. « On va d’abord se concentrer sur les fraises », tranche sa mère. Mais Eliam est optimiste. « Chaque fois qu’on a parlé de quelque chose, ç’a fini par se réaliser, alors… »
Fait maison
Afin de les aider dans le désherbage, une tâche qui occupe la majeure partie de leur temps aux champs, Étienne a procédé à quelques transformations sur la désherbeuse mécanique. Des palettes ajustables ont été soudées à la machine pour refaire la butte sur laquelle poussent les plants de fraises après le passage de l’engin. « La désherbeuse vient brasser la terre et détruit la butte », explique Étienne, qui a fait appel à un bon ami de Val-Alain pour apporter de telles modifications. « Jack Dupuis, c’est un inventeur et bricoleur. Il a remporté deux ans le championnat canadien de mécanique et une médaille d’argent en Russie… Il m’a beaucoup aidé », reconnaît-il.
Le bon coup de l’entreprise
Selon Dany Matteau, le fait d’avoir quitté un emploi à temps plein, à l’âge de 48 ans, pour se lancer dans la culture de fraises biologiques demeure la meilleure décision que la famille ait prise. « Je commençais à avoir une écoeurantite aiguë du travail d’usine », explique-t-il au sujet de son ancien emploi dans une usine de portes et fenêtres.
Même s’il en savait davantage sur le soin des bœufs que la culture des fraises, il voyait plus de rentabilité dans cette dernière production.
N’empêche, les pertes, lors de la première récolte, ont enseigné à la famille la prudence et la nécessité d’être créatif. « C’est quand ça va mal qu’on est le plus performants », analyse Julie.
Fiche technique | |
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Nom de la ferme | Ferme Matto-Val |
Spécialités | Fraises biologiques et production bovine |
Année de fondation | 1954 |
Noms des propriétaires | Dany Matteau et Julie Duhaime |
Nombre de générations | 2 |
Superficie en culture | 1 hectare de fraises et 40 hectares de foin et pâturage |
Cheptel | 24 bovins de race Charolaise |
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