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SHERBROOKE — Sur l’autoroute 410, en direction de Lennoxville, un champ de fleurs aux coloris multicolores attire le regard des automobilistes. Sur un peu moins d’un acre de superficie, des pivoines, des lis, des dahlias, des glaïeuls et des tournesols sont cultivés par Claire Blouin, Luc Forget et leur fille Anne. Bienvenue à la Ferme Sainte-Catherine!
Fiche technique Nom de la ferme : Spécialités : Année de fondation : Noms des propriétaires : Nombre de générations : Superficie en culture : |
En ce samedi ensoleillé de septembre, les clients défilent sans interruption au kiosque de la Ferme Sainte-Catherine. C’est le temps des dahlias et des glaïeuls. Plusieurs amateurs de fleurs en profitent pour repartir avec de généreux bouquets. « Pour les dahlias, ça a été une année exceptionnelle », souligne Luc Forget, copropriétaire de la ferme avec sa conjointe, Claire Blouin, et leur fille, Anne Forget.
La famille d’agriculteurs ne profitera cependant qu’en partie de cette récolte d’exception. « C’est pire que d’habitude pour la main-d’œuvre, cette année », observe Anne, qui prend quelques minutes de pause entre deux clients. Avec le manque de travailleurs, des fleurs resteront au champ. « On ne sortira pas la moitié des fleurs de la récolte », estime Luc.
Près de 40 ans dans les fleurs
Le couple Forget-Blouin cultive des fleurs depuis 1983. « On avait des amis qui en cultivaient. Des gens de Saint-Damase, près de Saint-Hyacinthe. Ça nous a donné envie d’essayer », raconte l’ancien fonctionnaire de l’Agence du revenu du Canada.
Des pommiers sont également plantés dès le départ et la culture de légumes s’ajoute sur la quarantaine d’hectares de terre, essentiellement occupés par des boisés. « À un moment donné, quand on a vu que ça pouvait être rentable, j’ai laissé mon travail au fédéral. Quelques années plus tard, ma femme, qui dirigeait un CPE, est venue me retrouver », se rappelle l’homme de 86 ans, actif comme au premier jour. « On est à temps plein depuis 1989, la même année où l’on a construit le kiosque », précise le producteur.
Une terre amputée
Si la proximité de la ferme avec Sherbrooke, Magog et North Hatley sert bien l’entreprise, le développement économique du secteur a aussi joué les trouble-fêtes pour la famille d’agriculteurs. Le prolongement de l’autoroute 410 a amputé la ferme d’une partie de ses terres, en 2010. « On a perdu six hectares avec l’expropriation », indique Luc Forget.
L’amputation des terres a marqué la fin de la production de légumes, mais c’est le verger qui a tout particulièrement écopé. « Il occupait quatre hectares. Il nous en reste un, dit-il. On avait 74 rangées de pommiers et cinquante variétés de fruits. Il nous en reste 32, avec 25 ou 29 variétés de pommes. »
Claire Blouin mentionne avoir pensé à fermer à l’époque des problèmes avec le ministère des Transports. Le couple a trouvé décourageant de se faire couper plus de la moitié de son verger. C’était cependant sans compter l’affection que la clientèle portait à la famille de producteurs. « Un de nos clients a demandé des audiences du BAPE [Bureau d’audiences publiques sur l’environnement] sur le prolongement de l’autoroute. Des gens ont même organisé une pétition. Ça nous a encouragés à continuer », raconte la femme de 81 ans, originaire d’Amqui, dans la vallée de la Matapédia. « Ça fait plus de dix ans qu’on a été expropriés et des clients viennent et nous demandent encore : “Est-ce que ça a donné quelque chose, la pétition?” », souligne la dame, visiblement émue.
L’envie de continuer vient peut-être aussi de leur fille Anne. L’agronome diplômée de l’Université Laval s’implique à la ferme depuis la fin de ses études, en 2000. Elle est devenue copropriétaire de l’entreprise il y a une dizaine d’années. Ce petit verger, ce champ de fleurs et la culture du boisé font partie de sa vie, à elle aussi. « C’est ce que j’aime », affirme-t-elle en s’assurant du coin de l’œil que les clients ne manquent de rien.
Fait maison Imaginez une sorte de petite charrue dotée d’un plan de travail en métal sur lequel sont déposés les bulbes de fleurs. Un tracteur tire l’outil qui trace deux sillons, pendant qu’une personne, assise sur la charrue, s’assure que les bulbes glissent dans deux tuyaux de sécheuse pour être mis en terre. Il s’agit là d’un équipement bricolé par l’équipe de la Ferme Sainte-Catherine pour se faciliter la vie. « On a une personne qui apporte les bulbes, une autre qui sème avec la machine et une personne qui conduit le tracteur », explique Claire Blouin. « Au lieu de prendre les deux journées de la fin de semaine avec quinze jeunes et trois adultes, on fait le travail à trois, en deux heures, avec la machine », poursuit-elle. La semeuse a été conçue avec l’aide d’un voisin producteur de pommes de terre. « C’était un ingénieur dans l’âme [M. Paquet]. Pour lui, tout était facile dans les machines agricoles », mentionne Luc Forget, qui précise que la base de la semeuse a été construite avec un outil presque centenaire. « Il n’y a que le siège qui est récent », souligne l’agriculteur avant d’éclater de rire. |
Conseils pour de jeunes agriculteurs
L’idée de donner des conseils sourit peu à Luc Forget. « Je ne suis pas porté à donner des conseils », reconnaît le producteur. « J’aime mieux en prendre qu’en donner », dit-il avant d’éclater de rire.
Sa conjointe, Claire Blouin, s’y risque cependant. « Il faut garder les pieds sur terre », dit-elle. « On aime ça, la nature. On aime ça quand c’est vert, mais l’agriculture, c’est plus que ça. C’est plus que les papillons et les petits oiseaux qui chantent », souligne l’agricultrice. « On vit de grands bonheurs, en agriculture », reconnaît celle qui rappelle néanmoins les défis qui attendent ceux qui se lancent dans l’aventure : la charge de travail, bien entendu, mais aussi la météo, la réglementation gouvernementale et, depuis deux ans, la rareté accrue du personnel. « S’ils veulent aller en agriculture, il faut qu’ils soient prêts à affronter l’agriculture », conclut Claire.
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Claude Fortin, collaboration spéciale
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