Ma famille agricole 10 octobre 2021

Fonceurs un jour, fonceurs toujours

Saint-Barnabé-Nord – Le portrait de la Ferme Gémini de Saint-Barnabé-Nord a changé radicalement au cours des quatre dernières années avec la construction d’une nouvelle étable ultra-moderne, la rénovation de l’ancienne et l’achat d’une ferme avicole voisine. Le producteur laitier Michel Gélinas ne s’en plaint pas, lui qui prépare le terrain pour la génération suivante, la septième.

Michel Gélinas a des étincelles dans les yeux lorsqu’il commente sa situation. « J’ai la chance de travailler avec mes trois enfants, ce n’est pas rien », dit-il.

Fiche technique

Nom de la ferme
Ferme Gémini 1 et 2

Spécialité
Production laitière, de veaux
de grain et de poulet

Année de fondation
1876

Noms des propriétaires
Michel Gélinas et sa mère Gisèle, Émile et William

Nombre de générations
7

Cheptel
Gemini 1 : 155 vaches Holstein en lactation, environ 75 veaux
Gemeni 2 : 2 poulaillers pouvant accueillir respectivement 12 000 et 25 000 volailles
(13 élevages sur 24 mois)

Il y a déjà quatre ans que le producteur laitier vit sa passion avec sa famille; sa fille Camille, notamment en charge de la comptabilité, et ses fils William et Émile, sur le plancher des vaches avec lui et avec qui il partagera bientôt la propriété de la ferme. Et le moins qu’on puisse dire est que ces dernières années ont été riches en rebondissements.

Il y a d’abord eu l’achat de la ferme avicole voisine, alors propriété d’un cousin de Michel. « Pour nous, c’était une belle occasion, raconte Émile. On sortait de l’école et on avait la chance de se lancer. »

Les trois hommes n’ont pas hésité et ont acquis ensemble l’entreprise qui produit 500 000 kilos de poulet par année et qui est devenue la Ferme Gémini 2.

Puis, il y a deux ans, le projet de construction d’une nouvelle étable pour le troupeau de 155 vaches laitières a démarré. Les animaux ont pris possession de leurs nouveaux quartiers quelques semaines avant la pandémie.

« On a construit pour la prochaine génération », dit Michel Gélinas, fier de faire visiter ses installations qui pourront accueillir jusqu’à 220 vaches en stabulation libre sur litière de fumier recyclé. Il tient d’ailleurs à préciser que l’entreprise familiale figure parmi les pionnières dans ce mode d’élevage.

« Je ne me souviens pas d’avoir vu un animal attaché dans l’étable, précise-t-il. Mon grand-père et mon père étaient déjà préoccupés par le bien-être animal. Ils étaient assez avant-gardistes », poursuit Michel Gélinas.

La Ferme Gémini dispose d’un quota de 180 kilos et on devine que les propriétaires souhaitent le faire augmenter.

« On a ce qui faut pour le doubler », lance William.

Il faut tout de même avouer que père et fils ont eu de longues réflexions et discussions avant de se lancer dans l’aventure de l’expansion.

« À ce moment-là, on était en plein dans les négociations de l’accord de libre-échange et on ne savait pas trop ce qui allait advenir de notre système de gestion de l’offre, explique Émile. Finalement, on a décidé de regarder en avant, vers l’avenir, et de foncer. »

Dans le passé, Michel a lui aussi traversé des périodes d’incertitude, comme lorsqu’est venu le temps d’agrandir l’étable dans les années 1970 durant les négociations de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) ou d’investir dans de nouveaux équipements en pleine crise de la vache folle. Et il ajoute une citation empruntée à son grand-père un brin philosophe. « Il me disait : ‘‘Quand il y a des nuages, il faut attendre, car ils vont finir par passer.’’ »

Les deux générations de Gélinas aux commandes de la Ferme Gémini : William et Émile avec leur père Michel. Camille est impliquée dans les tâches administratives de l’entreprise.
Les deux générations de Gélinas aux commandes de la Ferme Gémini : William et Émile avec leur père Michel. Camille est impliquée dans les tâches administratives de l’entreprise.

L’attention du trio père-fils se tourne maintenant du côté de la vieille étable, celle qui a été agrandie il y a 50 ans, et qui subit actuellement une cure de rajeunissement. Pas question de faire disparaître ce vieux bâtiment dont certains éléments de la structure proviennent de la première étable de…1876.

Michel Gélinas ne cache pas sa fierté de pouvoir travailler avec ses trois enfants.
Michel Gélinas ne cache pas sa fierté de pouvoir travailler avec ses trois enfants.

Il reste quelques améliorations à apporter aux installations pour l’élevage de veaux de grain qui continue de croître, avec une soixantaine d’animaux par année. C’est aussi là une source de fierté pour Michel qui souligne que la ferme est l’une des pionnières, et des plus petites, dans cette production.

Vers l’avenir… dans le respect du passé

De toute évidence, William et Émile partagent la fierté de leur père.

« On est la septième génération de Gélinas sur cette terre, ce n’est pas rien et on en est fiers », lance William.

Pour les deux frères dans la jeune vingtaine, poursuivre l’exploitation de la ferme familiale allait de soi.

« Aussi loin que je regarde derrière, j’ai toujours voulu travailler ici », avoue William. L’agriculteur préfèrerait sans doute que nous passions sous silence ses jeux d’enfants avec la mini-ferme sur le tapis du salon. Il dispose maintenant d’un terrain de jeux beaucoup plus vaste, avec 515 hectares à cultiver en maïs-grain et ensilage,en soya, en blé et en fourrage, dont 315 sont la propriété de l’entreprise. 

De toute évidence, l’agriculture sur la terre des Gélinas n’a rien d’un long fleuve tranquille. 

L’une des réalisations « maison » d’Émile : le chariot pour le transport des petits veaux.
L’une des réalisations « maison » d’Émile : le chariot pour le transport des petits veaux.

Fait maison

Au sein du trio Gélinas, c’est Émile qui a la réputation d’être le créatif, celui qui va imaginer l’équipement, l’appareil, la « patente » qui va être utile. Prenez par exemple l’une de ses dernières réalisations : un chariot pour le transport des veaux entièrement « fait maison ».

« On ne peut plus intervenir comme on veut dans les équipements sophistiqués et les logiciels, mais ça ne nous empêche pas d’imaginer des moyens d’améliorer notre travail », dit-il.

C’est une préoccupation que partagent les trois hommes, qui viennent de collaborer à la mise au point d’un convoyeur aérien pour l’épandage de fumier recyclé utilisé comme litière. C’est encore le prototype, développé par un fabriquant reconnu d’équipements agricoles, qui est utilisé dans la nouvelle étable de la Ferme Gémini. 

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Se donner le temps de bien assimiler les tâches

Avec l’achat de la ferme avicole voisine, les deux frères Gélinas ont dû rapidement assimiler les principes de l’élevage de la volaille. Même si les impératifs de la production demeurent, il faut prendre le temps de bien assimiler les rouages, les particularités et les différences des nouvelles productions, selon eux.

Bien définir les tâches de chacun

Étape essentielle pour que les employés (trois permanents et trois à temps partiel, en plus des membres de la famille) sachent à qui s’adresser. À la Ferme Gémini, Émile est en charge de l’entretien mécanique, des bâtiments et de l’opération de la machinerie, William est responsable de la régie du troupeau (alimentation et reproduction), de la gestion de la production aux poulaillers et des plans de culture. Michel participe à toutes les activités de l’entreprise.

Demeurer polyvalent

« Ça reste essentiel  », préviennent en chœur les membres du trio Gélinas.

C’est l’une des clés pour assurer le maintien des activités même lorsque l’un des membres est absent. Ainsi, Émile, William et Michel, même s’ils ont des responsabilités précises, peuvent aisément se remplacer à toutes les tâches du côté laitier comme avicole… sans compter l’entretien des équipements.

Aller chercher conseils et formations

Voilà qui permet de rester au fait des développements et des nouveautés susceptibles de faire progresser l’entreprise. Leur implication dans le Club Holstein et le Syndicat de la relève joue ce rôle. La participation des propriétaires dans le développement d’un distributeur sur rail aérien de fumier recyclé servant de litière est une autre façon de rester à l’affût des nouveautés.

Savoir se projeter vers l’avenir… tout en gardant les deux pieds dans le présent

Cela permet de bien saisir les occasions qui se présentent dans une vision à long terme du développement de l’entreprise. C’est ainsi que les deux frères ont sauté sur l’occasion d’acquérir la ferme avicole voisine, sans négliger le développement de l’entreprise laitière dans laquelle les propriétaires viennent d’investir 4 M$.