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SAINT-SYLVESTRE — La générosité de la nature fait plaisir à Pascal Jacques, maintenant aux commandes de l’érablière familiale de 32 hectares. Ce boisé qu’il cultive est celui que possédaient son père et son grand-père avant lui. Lorsqu’il a acheté ce morceau de patrimoine en Beauce avec sa conjointe Renée Thibodeau en 2017, l’érablière comptait 4 000 entailles. Les deux entrepreneurs en ont immédiatement ajouté 3 000.
Fiche technique Nom de l’entreprise Spécialité Noms des propriétaires Nombre de générations Superficie en culture Nombre d’entailles Production par entaille |
Les érables ont fini de couler à la terre de Renée Thibodeau et de Pascal Jacques. La saison a été exceptionnelle chez eux, « mais ne le dites surtout pas trop fort », demandent les deux producteurs dans un éclat de rire. À 6,5 livres à l’entaille, pour une érablière plutôt habituée à 5 ou 5,5 livres, les résultats sont tels que le couple craint d’être traité de menteur si la chose s’ébruite.
« On a développé les entailles non exploitées de l’érablière », explique l’acériculteur. « Mon père, à l’époque, produisait une trentaine de barils. Nous sommes arrivés à 75-76 barils dès notre première année d’opération. »
Le transfert de la deuxième à la troisième génération ne s’est cependant pas fait au hasard, signale Renée Thibodeau. « Ça a été beaucoup de réflexion, des deuils à faire aussi », dit-elle. « On était loin de tout voir en rose dans un monde de Calinours », soutient pour sa part Pascal Jacques. « On savait que des défis nous attendaient. Il fallait bien réfléchir, d’abord parce qu’acheter une érablière coûte beaucoup de sous. Aussi parce qu’il fallait dire adieu à un autre mode de vie », reconnaît la copropriétaire d’Une troisième coulée, qui a rapidement décidé de s’investir à temps complet dans l’entreprise. « J’ai quitté mon emploi d’éducatrice à la petite enfance pour faire le grand saut », raconte la femme aux origines urbaines.
Cette seule décision portait en soi sa part d’insécurité. Quitter son emploi implique de renoncer à une rémunération stable pour une autre possiblement incertaine. Pour une fois, cependant, la rareté de la main-d’œuvre semble avoir eu des effets heureux. « Trois facteurs nous sécurisaient dans le changement que ma conjointe ambitionnait », souligne Pascal Jacques. « Le premier, c’est notre difficulté à recruter de la main-d’œuvre en forêt. C’était un défi permanent de reformer des étudiants, année après année, des jeunes qui n’avaient jamais mis de raquettes de leur vie, qui n’avaient jamais rien fait du travail en érablière », explique l’acériculteur.
« L’autre élément, c’est que je voyais très bien que Renée avait la passion de l’acériculture et du travail en forêt, en plus de vouloir transformer les produits de l’érable », ajoute le producteur, qui voyait aussi dans l’implication de sa conjointe la possibilité d’augmenter sa production, même si elle se faisait hors quota et que le sirop ne serait payé que des années plus tard. « Ça nous a permis de jouer un peu dans notre colonne dépenses parce qu’on n’était pas obligés d’embaucher des gens avec tous les avantages sociaux qui viennent avec », dit Pascal Jacques.
Relève droit devant!
Tout indique que le passage à la quatrième génération sera plus aisé à l’érablière de Saint-Sylvestre. « Notre fille de 21 ans est vraiment intéressée à reprendre la relève à un moment donné », affirme Renée Thibodeau, enthousiaste. « Elle passe toutes ses journées de congé et ses vacances avec nous dans le bois. Elle est maniaque! Je pense qu’elle est pire que moi encore », lance l’entrepreneure, qui profite aussi de la présence de son fils Joël à des moments cruciaux du cycle de production. « C’est lui qui supervise les nouveaux qui viennent travailler avec nous pour tenter d’avoir une période d’entaillage la plus courte possible », précise Pascal Jacques, qui voit l’implication des enfants comme un incitatif à développer les installations. « C’est plus motivant au niveau du développement de l’entreprise pour nous aussi », signale-t-il.
Fait maison
Le succès d’un acériculteur tient en grande partie à la nature et à la géographie, estime Pascal Jacques. Le reste repose sur une foule de petites choses, dit-il. « Lorsqu’on a acheté, on s’est dit : on va essayer de faire avec ce qu’on a et on va mettre un peu de sous pour bonifier nos équipements », explique l’entrepreneur. C’est dans cette logique qu’une réserve de vide et un inverseur de coulée ont été installée. C’est aussi pour suivre cette ligne de conduite qu’une quatrième membrane a été installés à l’évaporateur 4-14 pour réduire l’effet de la hausse du prix du mazout. « J’étais autour de 85 $ et là, je suis à peu près à 65 $ de coût de production pour un baril, pour un prix du mazout constant », indique, non sans un brin de fierté, Pascal Jacques.
Le bon coup de l’entreprise
Pascal Jacques n’hésite pas un seul instant quand on lui demande d’identifier son meilleur coup : se joindre à un club de producteurs acéricoles. « Pour le développement de l’entreprise, ça a été une très bonne décision », soutient le producteur. « Le monde acéricole, c’est comme un grand laboratoire », illustre l’entrepreneur. « On a trois, quatre grandes entreprises qui font des équipements pour nous et c’est souvent lancé sur le marché sans trop avoir été essayé », soutient-il. « Ce sont des investissements importants pour l’entreprise et ça vaut la peine de ne pas seulement être conseillé par le vendeur, mais par quelqu’un d’indépendant qui regarde le produit de façon plus globale et, surtout, de profiter de l’expérience des autres producteurs acéricoles ». Lorsqu’on lui demande des exemples de problèmes que l’appartenance à un club lui a permis de régler, Pascal Jacques se lance immédiatement dans une énumération. « Quel est le meilleur chalumeau plastique qui va tolérer le martelage de débutants? Lequel sera le plus étanche lorsque nous mettrons nos machines en système sous vide? Quel produit ne blessera pas l’arbre lorsqu’on va retirer le chalumeau? », dit l’acériculteur, visiblement convaincu.
Claude Fortin, collaboration spéciale