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SAINT-LOUIS-DE-GONZAGUE — Exproprié en 1929 par la construction du canal de Beauharnois, Siméon Brault s’est installé quelques kilomètres plus loin, à Saint-Louis-de-Gonzague. Près d’un siècle plus tard, sa ferme laitière se distingue non seulement par ses pratiques avant-gardistes, mais aussi par la préparation minutieuse de sa relève.
Lorsque Gilles Brault a acheté la ferme familiale avec son frère Robert, en 1969, l’étable abritait un troupeau inhabituel pour l’époque. Déjà, cette entreprise avait deux coups d’avance sur son temps.
« À ce moment-là, les fermes comptaient entre 30 et 50 vaches. Nous, nous avions 70 vaches dans l’étable », raconte l’agriculteur de 77 ans en saluant l’esprit visionnaire de son père, Léo. « Avec un tel troupeau, il avait préparé la ferme à faire vivre deux familles. »
Ce talent d’administrateur ne s’est pas dilué au fil des générations. À son tour, après avoir racheté les parts de son frère, en 1990, M. Brault a géré l’expansion de la ferme dans un même esprit de continuité pour ses deux fils, Sylvain et Christian. Au fil des ans, l’étable a été agrandie, des quotas de lait ont été achetés, deux silos ont été ajoutés, une fosse à fumier a été creusée et un hangar à machinerie a été construit.
Devenus propriétaires à part entière en 2010, les deux frères n’ont pas dérogé des traditions. Avec la même application, ils ont investi, en 2017, dans une étable équipée de robots de haute technologie avec l’objectif de faire grandir leur ferme au rythme de la famille.
Résultat : trois de leurs enfants (Jean-Philippe, Caroline et Guillaume) peuvent aujourd’hui construire leur avenir sur les bases posées par leur arrière-arrière-grand-père.
Hors des sentiers battus
Ce n’est pas d’hier que la famille Brault se tient à l’affût du changement.
Ce dernier, avec son frère Robert, fut lui aussi un précurseur en optant pour la stabulation libre des animaux dès 1971. Et, à leur tour, ses fils Sylvain et Christian sont aussi reconnus dans l’industrie pour leur curiosité naturelle pour la technologie et les idées nouvelles. « On reste toujours à l’affût des meilleures pratiques », reconnaît le premier. « Mais j’avoue qu’on se donne bien de l’ouvrage. »
« Nous prenons le risque d’essayer des choses pendant que d’autres préféreront attendre de voir ce que ça va donner », ajoute le second. « Par exemple, nous avons essayé le semis direct dès 1997. Nous nous sommes plantés parce que nous n’avions pas de voisins pour aller voir comment ils avaient fait. »
Ce goût pour le risque et cette ouverture aux changements procurent des résultats positifs. Un succès parmi tant d’autres : leur gestion avancée des sols a permis une augmentation de leur matière organique, alors qu’on assiste à un déclin généralisé partout ailleurs, souligne Christian Brault, avec fierté.
Une approche novatrice
« Nous n’avons jamais forcé nos enfants à suivre nos pas, mais nous sommes fiers de voir les enfants prendre la relève », confie Christian, père de Jean-Philippe et de Guillaume.
Ces derniers, ainsi que leur cousine Caroline, s’apprêtent en effet à prendre les rênes de l’entreprise presque centenaire. Une opération qui peut devenir explosive quand chacun est à la fois un membre de la famille, un partenaire d’affaires et un voisin.
Fidèles à leur esprit novateur, les Brault ont recruté une équipe de coachs pour les guider dans ce processus. Chacun s’est soumis avec enthousiasme à des rencontres, à des tests de personnalité et à des tests psychométriques pour aider chacun à définir son rôle dans l’équipe. « Avec l’aide des coachs, la pensée de l’entreprise a beaucoup évolué depuis deux ans. On remarque une meilleure synergie entre nous », souligne Sylvain Brault.
« De cette façon, chacun peut faire sa marque, même si on suit les traces de nos pères », conclut sa fille Caroline.
Le bon coup de l’entreprise
La famille Brault a profité de la construction de l’étable, en 2017, pour aménager une salle de réunion, équipée d’une cuisinette. Chaque lundi midi, tout le monde se réunit autour de la grande table pour échanger de l’information, faire le point sur quelques enjeux et prendre des décisions d’équipe, tout en partageant un repas. « Toute la semaine, chacun est occupé à ses tâches. On pourrait très bien travailler sans jamais se croiser », fait remarquer Jean-Philippe Brault. Son oncle Sylvain renchérit : « Le nerf de la guerre, c’est la communication. Cette salle de réunion est le meilleur investissement que nous puissions faire. »
3 conseils pour… une transition harmonieuse
1. Aller chercher de l’aide
Un agriculteur n’hésite pas à faire appel à un agronome pour le conseiller dans la gestion de ses cultures. La même logique s’applique aux relations humaines, indique Christian Brault. « C’est nécessaire d’avoir un coach disponible en cas de conflit ou de frustration. Il sait poser les bonnes questions, ce qui permet souvent de relativiser des situations. » Sa nièce Caroline ajoute : « Pour une femme, c’est important, car je provoque des situations inédites, comme une grossesse et une période de maternité. »
2. Prendre son temps
Un transfert d’entreprise ne se fait pas du jour au lendemain. Les enfants doivent s’impliquer pendant des années, autant dans la gestion quotidienne que dans les décisions stratégiques, pour être bien préparés à assumer un jour la direction de la ferme. « Nos enfants ne sont pas nos employés. Nous les considérons comme des partenaires d’affaires », indique Sylvain Brault.
3. Faire de l’espace
La relève ne s’enracinera pas si on ne lui laisse pas l’espace nécessaire, croient Sylvain et Christian Brault. Ils estiment qu’il est nécessaire de « les impliquer dans les décisions et discuter à livre ouvert ».
Fiche technique | |
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Nom de la ferme | Ferme Brault et Frères |
Spécialité | Lait |
Année de fondation | 1929 |
Noms des propriétaires | Sylvain et Christian Brault |
Nombre de générations | 5 |
Superficie en culture | 600 acres (243 hectares) |
Cheptel | 400 vaches |
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