Plus d’énergie dans les fourrages pour moins d’urée dans l’environnement

Plusieurs stratégies peuvent être adoptées par les producteurs laitiers pour obtenir un gain en énergie dans leurs fourrages, ont expliqué deux chercheurs dans le cadre du Colloque plantes fourragères 2024 organisé par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec, en février dernier. Ces stratégies sont aussi pertinentes pour la production bovine.

C’est bien connu, la luzerne est la principale protéine fourragère dans l’alimentation des vaches laitières au Québec. Or, son taux de protéines est tellement élevé que les microorganismes du rumen de la vache manquent d’énergie pour les utiliser, a rappelé Annie Claessens, chercheure à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Résultat : souvent plus de 50 % de ces protéines sont dégradées en ammoniac et excrétées sous forme d’urée dans l’environnement. 

De quels glucides parle-t-on?

Pour réduire ces pertes et améliorer les performances animales, notamment la production laitière, les chercheurs misent sur une augmentation de la concentration en glucides des fourrages. Pas seulement celle des glucides solubles à l’eau (GSE : glucose, fructose, saccharose, -raffinose, maltose et pinitol) ou des glucides non structuraux (GNS : GSE, amidon et acides organiques), mais de tous les glucides non fibreux (GNF : GSE, GNS et pectine), car la pectine est un élément rapidement fermentescible qui pourrait aider les microorganismes du rumen à utiliser de façon plus efficace l’azote contenu dans les fourrages.

Comment augmenter les GNF dans les champs existants?

Que ce soit avec la luzerne seule ou en mélange avec la fléole ou des fétuques (élevée ou des prés), on peut obtenir un gain de concentration en GNF lorsque la récolte est réalisée au stade « début bouton » des plantes plutôt qu’au début de leur floraison.
Le nombre de coupes ne semble pas avoir d’effet marqué sur la concentration en GNF de la luzerne.

Il faut cependant faire attention aux régies intensives, car les coupes fréquentes peuvent mener à l’épuisement des réserves des plantes et donc avoir une incidence sur la persistance de la prairie.

Philippe Seguin, professeur-chercheur au Campus Macdonald de l’Université McGill

Pour bénéficier d’une meilleure concentration en GNF, il est préférable que la coupe soit effectuée en fin d’après-midi, soit entre 16 h et 18 h, plutôt qu’en avant-midi. Toutes les méthodes susceptibles de réduire le temps de préfanage après la fauche, par exemple les andains larges (qui permettent un séchage plus rapide), vont aussi minimiser les pertes de GNF.

Et dans les futurs champs?

Comme la pectine est présente uniquement dans les légumineuses, celles-ci contiennent plus d’énergie rapidement disponible que les graminées. On ne doit pas éliminer pour autant les graminées, a tenu à souligner Philippe Seguin. Outre les GNF, plusieurs autres facteurs doivent être considérés dans le choix des espèces, par exemple la persistance, la productivité et l’adaptation des plantes. Cela dit, si l’on devait choisir parmi les -légumineuses, le trèfle rouge et le lotier corniculé renferment plus de GNF que la luzerne. 

Grâce aux travaux de sélection génétique que réalisent actuellement Annie Claessens et son équipe, des semences de luzerne améliorée pourraient être offertes en vente libre d’ici cinq ans, a laissé entendre la chercheure.


Schéma illustrant la digestion des nutriments et les pertes qui en découlent quand l’énergie de la ration est insuffisante. Schéma : Agriculture et Agroalimentaire Canada

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