Agroenvironnement : quand l’agriculture et l’environnement se conjuguent au présent

L’environnement est notre ressource la plus précieuse. Les éléments qui la constituent sont sans conteste ce qu’il y a de plus important pour les agriculteurs, peu importe leur type de production. Sans sol, sans air, ni eau, il n’y aurait pas d’agriculture. Pourtant, notre rapport à tout ce qui touche l’environnement a radicalement changé depuis 100 ans; aujourd’hui, les agriculteurs font tout pour protéger l’ensemble de ces ressources inestimables.

Question de société

Il y a une centaine d’années, quand l’agriculture vivrière a fait place à une agriculture de production pour répondre aux demandes liées à l’effervescence d’une société en croissance, personne ne pensait qu’il pourrait y avoir de conséquences. L’industrialisation, l’urbanisation et les guerres mondiales avaient fait bondir les besoins en nourriture et en produits non alimentaires de base provenant de l’agriculture (savon, laine, tabac, etc.). Il fallait produire beaucoup et à tout prix, même si déjà, le passage vers une agriculture plus productive n’était pas une mince affaire en soi.

Croître ou disparaître!

La crise économique de la fin des années 1920, le passage à un système capitaliste (une nouveauté pour plusieurs) et au productivisme agricole imposé par les gouvernements ont été ardus pour les agriculteurs en manque de ressources financières. Si plusieurs agriculteurs font le choix de déménager en ville afin d’y trouver un emploi stable dans une usine, ceux qui poursuivent leurs activités agricoles se retrouvent dans un cycle de croissance constante, trop souvent difficile à ralentir, car ils doivent produire davantage pour répondre aux demandes du marché, mais surtout pour financer les investissements requis, souvent plus importants que les revenus générés. Pour répondre à la nouvelle économie agricole, les fermes doivent dorénavant opter pour la spécialisation des productions les plus adéquates et rentables. 

Signe des temps

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tous les secteurs d’activités connaissent un essor important. Les industries chimiques, pétrolières et pharmaceutiques développent des molécules qui seront associées à de nouvelles applications phytosanitaires; on découvre les vertus des algicides, des fongicides, des insecticides, des engrais, et autres amendements de synthèse destinés notamment à améliorer les rendements dans les productions végétales et animales et à diminuer les maladies. D’innombrables avancées permettent de bonifier les variétés par la sélection des profils les plus forts et les plus performants. De telles connaissances seraient-elles la clé pour dire adieu aux problèmes de famine dans le monde? C’est ce qu’ont pensé de nombreux pays en implantant des politiques de « révolution verte », c’est-à-dire avec l’emploi d’une combinaison de variétés optimales (de semences pour le côté végétal ou de profils génétiques pour le volet animal) dites de haut rendement et l’apport bien dosé d’intrants et d’irrigation. Cette révolution verte (qui a aussi été appelée la troisième révolution agricole) a commencé au Mexique en 1943 et a rapidement été reprise par d’autres pays, notamment l’Inde, les Philippines et le Vietnam. Pendant plusieurs années, partout sur la planète, les productions se sont multipliées sans qu’on puisse imaginer que cela puisse avoir des conséquences comme l’usure ou l’épuisement des ressources. 

Premiers constats

Parmi les premières réflexions portant sur l’épuisement des ressources qui ont été publiées, citons le rapport Meadows commandé par le Club de Rome en 1970. Ce rapport, mis à jour plusieurs fois depuis sa parution, était le premier à parler des limites de la croissance en termes économiques, démographiques et sur le plan de la préservation des ressources. Puis, l’Organisation des Nations Unies s’intéressera aussi aux questions environnementales. Ce n’est qu’en 1987 qu’on nommera explicitement le développement durable avec le dépôt du rapport Brundtland, qui sera aussi prélude à la création du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Ce groupe qui rassemble des scientifiques du monde entier a mis en évidence l’existence d’un réchauffement climatique attribuable à l’activité humaine. Le GIEC publiera à compter de 1992 ses recommandations pour en réduire les effets.

Archives UPA

L’UPA agit

L’agriculture habite le territoire et a donc toujours cohabité avec son milieu et son environnement immédiat. Dès 1994, face aux constats scientifiques et soucieuse d’outiller ses membres avec des connaissances actuelles, l’UPA se dote d’une première stratégie agroenvironnementale. En réponse aux pressions sociales et au resserrement de la réglementation environnementale, cette stratégie vise à établir de solides partenariats afin d’acquérir une expertise technique pour sensibiliser les producteurs et les aider à effectuer un virage tout en respectant la rentabilité des entreprises agricoles. Un premier portrait agroenvironnemental est d’ailleurs réalisé en 1997 auprès de 18 000 fermes d’élevage, permettant d’identifier des actions à entreprendre et à suivre. Ce portrait sera mis à jour en 2003 et en 2007. En 2003, les Éleveurs de porcs du Québec adoptent leur plan agroenvironnemental. 

Au cours des dix années suivantes, l’UPA contribue directement à la création de 75 clubs-conseils en agroenvironnement et travaille avec plusieurs partenaires tels la Fondation de la faune et l’Institut de recherche en développement de l’agriculture. Elle publie des guides de bonnes pratiques ciblant notamment les secteurs porcin, bovin et les grandes cultures; et participe à de nombreux comités pour représenter le monde agricole. L’Union sait que les producteurs agricoles ont surtout besoin d’un plan d’action spécifique applicable à leur entreprise avec des objectifs précis, les moyens pour y arriver et un échéancier de réalisation plutôt que de se faire imposer des règles à suivre. 

En 2007, un premier plan d’action concerté sur l’agroenvironnement et la cohabitation harmonieuse est mis en place conjointement et avec un financement du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Cinq chantiers seront alors mis de l’avant : 

  • Qualité de l’eau;
  • Réduction de l’usage des pesticides;
  • Biodiversité;
  • Changements climatiques et efficacité énergétique;
  • Cohabitation harmonieuse et valorisation de l’effort agroenvironnemental.

Des actions sur le terrain sont effectuées dans toutes les régions. Cependant, le projet n’est pas renouvelé, car le MAPAQ planche sur autre chose. 

Les projets agroenvironnementaux se succèdent à l’UPA, intégrant toujours les connaissances scientifiques les plus à jour. Des capsules vidéo et webséries sont produites, des programmes de formation et d’accompagnement voient le jour pour outiller les entreprises désireuses de réduire le recours aux pesticides et mettre en valeur la biodiversité des cours d’eau en milieu agricole. Pendant plus de cinq ans, la websérie VosAgriculteurs.tv présente des entreprises agricoles dont plusieurs ont intégré de nouvelles pratiques, notamment avec les thématiques Spécial environnement et Spécial Agrobonsens – Agriculture durable

Des projets qui se multiplient

Depuis ses premiers pas en agroenvironnement, l’Union a porté de nombreux projets permettant d’outiller, de former et d’accompagner les entreprises agricoles dans l’adoption de bonnes pratiques environnementales et dans l’implantation de techniques spécifiques adaptées aux différentes formes de production. L’Union a également été un partenaire important pour soutenir diverses initiatives, adapter des connaissances et réaliser des projets pilotes (certains ayant déjà mené à de nouveaux projets). 

Agriclimat : un outil diagnostique éclairant 

Dès 2017, près d’une quarantaine de fermes participent à Agriclimat, un projet financé par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec (MELCCFP) en étroite collaboration avec l’UPA, des chercheurs du consortium Ouranos, du MAPAQ, d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, d’universités ainsi que de centres de recherche. Aujourd’hui, une centaine de fermes ont réalisé le diagnostic de lutte contre les changements climatiques et d’autres s’ajouteront sous peu. 

Le projet Agriclimat, c’est la science au service de la ferme. En développant un outil diagnostique de lutte aux changements climatiques à l’échelle de la ferme, ce projet permet aux producteurs de cibler les actions pour mieux s’adapter et pour améliorer leur bilan. L’initiative déployée dans toutes les régions du Québec vise la mobilisation de toute la communauté agricole pour lutter individuellement et collectivement contre les changements climatiques en misant sur le partage des connaissances. Elle permet de répondre à la question : « On dit souvent que chaque petit geste compte, mais quelle est la valeur de chaque geste quand on parle de GES? »

Laboratoires vivants : une approche innovante

De 2018 à 2023, l’Initiative des laboratoires vivants de l’UPA financée par Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a permis à des producteurs d’être au cœur du processus de recherche normalement réservé aux scientifiques des laboratoires. Ensemble, chercheurs, producteurs et autres spécialistes ont codéveloppé différents projets dont plusieurs ont fait l’objet de publications scientifiques. 

Deux nouveaux projets de Laboratoire vivant – Québec ont été annoncés en 2023 par Agriculture et Agroalimentaire Canada pour une durée de cinq ans. L’un d’eux sera porté par l’UPA et le diagnostic Agriclimat sera mis à contribution dans les actions entreprises. Encore une fois, l’expertise des producteurs agricoles sera au cœur de l’action et permettra de codévelopper des projets de recherche directement
à la ferme. 

Agrisolutions climat

Agrisolutions climat est un autre projet porté par l’Union et financé par le Fonds d’action à la ferme pour le climat d’AAC. Depuis son lancement en 2022, ce projet veut soutenir l’adoption de pratiques de gestion bénéfiques afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le projet invite les entreprises agricoles à choisir parmi trois volets : la gestion de l’azote, l’implantation de cultures de couverture ou les changements climatiques. 

Les fédérations régionales en rajoutent!

L’agroenvironnement n’est pas le travail seul de la Confédération. Plusieurs fédérations régionales et groupes spécialisés ont mis ou mettent en œuvre des projets spécifiques pour lesquels ils ont des équipes entièrement dédiées à leur réalisation. Pensons notamment aux nombreux projets liés au PAD (le Plan d’agriculture durable financé par le MAPAQ), aux projets ALUS qui viennent améliorer la biodiversité en Montérégie, en Outaouais-Laurentides et en Chaudière-Appalaches, aux projets régionaux s’intéressant à la santé des sols, à l’implantation de haies brise-vent et à l’aménagement de bandes riveraines, sans oublier les nombreux projets effectués en collaboration avec les organismes de bassins versants, les municipalités et les MRC. 

L’expertise de l’Union est maintenant reconnue et dépasse les frontières. En 2022, les organisateurs de la COP 15 ont invité l’UPA à présenter lors d’un panel les résultats obtenus avec le premier projet de laboratoire vivant tenu entre 2018 et 2023. L’expérience a été reprise, en 2023, lors de la 7e édition du colloque international Adaptation Futures où les participants ont même pu constater les résultats en visitant une entreprise agricole participant au projet de Laboratoire vivant – Québec. 

Visiblement, à l’UPA, la Terre fait beaucoup plus qu’alimenter les discussions! C’est un terreau fertile en innovation, en recherche et en projets porteurs d’espoir pour l’avenir.