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Le secteur forestier pourrait sortir de son marasme si la forêt était gérée en partie par la communauté où elle se trouve et non seulement par de grandes entreprises éloignées.
Il s’agit là d’une vieille idée, mais le moment est sans doute plus approprié que jamais pour y donner vie.
C’est du moins le pari de plusieurs participants à la journée de réflexion sur la forêt de proximité organisée par Solidarité rurale du Québec le 17 novembre. Des élus municipaux, des représentants du ministère des Ressources naturelles, des chercheurs et des gestionnaires de projets de forêts de proximité étaient au rendez-vous. Il s’agissait de trouver une façon de mettre en place la possibilité contenue dans le nouveau régime forestier (loi 57) et qui est pour l’instant imprécis sur la proportion de forêts de proximité par rapport aux unités d’aménagement. Le détail doit être complété d’ici 2013.
« On a commencé à en parler [de la forêt communautaire] dans les années 30 », a déclaré Luc Bouthillier, professeur à l’Université Laval et un des grands spécialistes de la forêt au Québec. M. Bouthillier travaille depuis 30 ans à l’étude des forêts communautaires. Ce dernier cite Félix-Antoine Savard et son célèbre Menaud maître draveur qui faisait état, en 1937, de l’opposition locale à la prise de contrôle de la forêt par les compagnies étrangères. Plus récemment, en 1996, le gouvernement du Québec avait commandé une étude sur la « forêt habitée ». Le rapport de l’époque recommandait de céder de 10 % à 15 % des forêts publiques sous contrat d’approvisionnement et d’aménagement forestier (CAAF) à ce type d’initiatives.
L’idée de base est de redonner le contrôle de la forêt aux communautés qui y vivent déjà et qui sont à proximité. Les régions forestières seraient les mieux placées pour gérer la forêt tout en maximisant les débouchés et les impacts positifs locaux et en se gardant bien d’épuiser la ressource. Les travailleurs forestiers pourraient alors être embauchés par la communauté où ils habitent et revenir dormir à la maison tous les soirs.
Quelle superficie y réserver?
On ne sait pas si le gouvernement actuel ira aussi loin que la recommandation de 1996. Cependant, il existe déjà 22 conventions de gestion sur les lots de forêt publique intramunicipaux et il semble relativement certain que ce territoire restera aux communautés. Ces lots sont toutefois jugés insuffisants, par l’ensemble des conférenciers du 17 novembre, pour permettre un véritable développement. Les projets de forêts de proximité visent en effet à mettre en place une exploitation durable et multiressource (bois, tourisme, chasse, champignons et autres plantes forestières). Pour avoir des revenus suffisants, il faut une superficie non morcelée et qui pourra être compatible avec toutes ces activités.
Pour la première fois, le nouveau territoire des forêts de proximité pourrait toutefois venir de la forêt publique puisque celle-ci ne sera plus attribuée à 100 % aux CAAF de l’industrie.
Le nouveau régime forestier (loi 57) prévoit en effet que 25 % du volume de bois attribué actuellement aux compagnies forestières sera offert aux enchères au nouveau Bureau de la mise en marché des bois. Il y aurait donc en théorie une marge de manoeuvre à cet égard puisque la garantie d’approvisionnement aux industriels en place ne porte que sur 75 % du total.
Autre avantage de la conjoncture actuelle, l’industrie coupe 13,7 millions de mètres cubes de résineux pour une attribution de 20,5 millions. Il est donc assez évident que personne ne se bouscule pour s’accaparer du 25 % prévu pour le Bureau et que le gouvernement possède une marge de manoeuvre.
« La loi a tout mis sur la table », résume Luc Bouthillier. Il faut néanmoins tenir compte du fait que c’est ce système d’enchères qui va déterminer la redevance de l’industrie en forêt publique. Un trop petit volume rendrait sans doute cette vente non représentative de l’ensemble.
Forêt privée et forêt de proximité
La question de la mise en marché du bois des futures forêts de proximité amène aussi à se pencher sur la concurrence que pourrait représenter ce secteur avec le bois de la forêt privée. Or, les propriétaires n’ont déjà pas la vie facile.
« Il va y avoir collision », estime d’ailleurs Luc Bouthillier à propos de la « concurrence » des futures forêts de proximité pour le privé. Il fait cependant valoir qu’il y aura aussi des intérêts communs et une nécessité de se parler. Selon le professeur, une alliance entre les deux secteurs serait même envisageable même si ce n’est pas prévu dans la loi. On sait, par exemple, que certaines forêts de proximité (Estrie et Laurentides notamment) vendent leur bois par le biais des syndicats de producteurs. Les élus municipaux ou les autochtones associés aux forêts de proximité auraient tous les deux intérêt à ce que le bois se vende bien et à bon prix.
« S’il y a une possibilité de faire la vente en commun dans la loi, je serais ouvert à ça », indique Pierre-Maurice Gagnon, président de la Fédération des producteurs de bois du Québec, qui estime que la « concertation » est pratiquement obligatoire. Le danger, c’est que de petites scieries locales mettent en concurrence les deux fournisseurs. M. Gagnon entrevoit toutefois des opportunités puisque les projets de transformation des organismes qui gèrent les forêts de proximité pourraient devenir des clients ou même des partenaires des producteurs de bois en place. « On est leurs concitoyens », fait valoir le président. Cet éventuel nouveau marché, qui pourrait sans doute intégrer de nouvelles technologies prometteuses de transformation, pourrait aider à remplacer la baisse de demande importante des entreprises forestières. « S’il se rajoute d’autres joueurs dynamiques, on pourrait s’en sortir plus vite », estime Pierre-Maurice Gagnon. Ce dernier croit toutefois que le gouvernement accordera des hectares de forêts publiques « projet par projet » en fonction de leur solidité et de l’expertise disponible.
LES FORÊTS DE PROXIMITÉ ACTUELLES
Voici une liste d’organismes régionaux qui gèrent des attributions de forêt publique (CvAF et lots intramunicipaux, forêt municipale). Ces organismes ne s’identifient pas tous comme des projets de forêt de proximité. Plusieurs des MRC délèguent la responsabilité d’aménagement, des opérations et de la mise en marché à des organismes locaux comme des municipalités, des groupements forestiers, des coops ou des OSBL.
- Les Entreprises agricoles et forestières de Percé inc.
- Foresterie St-Donat
- Forêt de l’Aigle (Corporation de gestion de)
- Forêt habitée du mont Gosford
- Forêt habitée de Ragueneau
- La Forêt jardinée
- Groupement forestier de Kamouraska
- MRC Abitibi
- MRC Abitibi-Ouest (9 comités municipaux)
- MRC Antoine-Labelle
- MRC Avignon
- MRC des Basques
- MRC de Bécancour
- MRC de Charlevoix
- MRC de Charlevoix-Est
- MRC les Collines-de-l’Outaouais
- MRC de la Côte-de-Beaupré
- MRC du Domaine-du-Roy
- MRC de l’Érable
- MRC du Fjord-du-Saguenay
- MRC de la Haute-Gaspésie
- MRC Lac-St-Jean-Est
- MRC des Laurentides
- MRC de Maria-Chapdelaine
- MRC de Matane
- MRC de la Matapédia
- MRC de la Mitis
- MRC des Pays-d’en-haut
- MRC de Pontiac
- MRC de Rimouski-Neigette
- MRC de Rivière-du-Loup
- MRC Rouyn-Noranda (or Ville de Rouyn-Noranda)
- MRC Témiscamingue
- MRC de Témiscouata
- MRC de la Vallée-de-la-Gatineau
- MRC Vallée-de-l’Or
- Municipalité de Baie-James