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« Ça ne sent vraiment pas bon la moulée de plumes de poulet », avoue Marie-Josée Dumont, professeure au Département de génie des bioressources à l’Université McGill. C’est pourtant à partir de cette matière première que la chercheuse a travaillé pendant plusieurs mois. Sachant que les plumes de poulet sont riches en kératine – une protéine que l’on retrouve aussi dans les cheveux – et que les protéines, une fois modifiées, peuvent être un élément clé pour la fabrication de matériaux absorbants, elle a eu l’idée de valoriser cette ressource gratuite et disponible.
Actuellement, les fermiers réduisent une partie des plumes de poulet en farine pour l’ajouter à la nourriture animale et ainsi l’enrichir en protéi-nes. Le reste, soit plusieurs tonnes de plumes, prend le chemin des poubelles.
Avec l’un de ses étudiants, Marie-Josée Dumont a décidé de récupérer ces déchets pour synthétiser des gels super absorbants. Mais la kératine n’est pas facile à utiliser, car cette molécule est hydrophobe, c’est-à-dire qu’elle n’aime pas l’eau et ne s’y mélange pas. Les chercheurs ont donc dû modifier la structure de la protéine afin qu’elle puisse absorber certains fluides, comme l’eau, l’huile ou le diesel.
Ils ont ensuite concocté des gels à base de cette kératine modifiée qui, lors des tests, se sont révélés plus absorbants que ceux produits uniquement à partir de produits dérivés du pétrole. « Il faut encore travailler nos recettes, mais on pourrait envisager d’utiliser les gels à base de kératine pour retenir l’eau dans les terres agricoles ou fixer les métaux lourds retrouvés dans le sol et les courants d’eau », croit l’ingénieure.
Toujours à l’affût de ressources négligées à valoriser, la chercheuse s’est intéressée également à la zéine. Cette protéine, produite à partir du gluten de maïs, est un coproduit de la fabrication d’éthanol. Tout comme pour la kératine, la chercheuse a dû modifier la structure de la zéine – qui, elle non plus, n’aime pas l’eau – afin qu’elle puisse notamment retenir le cuivre, un métal lourd retrouvé dans la chaîne alimentaire.
« Nos premiers essais montrent que les gels à base de zéine sont aussi performants que les versions à base de pétrole, déclare-t-elle. Il serait possible de les utiliser dans les stations d’épuration des eaux usées, par exemple. »
La spécialiste en génie des bioressources croit que plusieurs protéi-nes végétales et animales ont ainsi le potentiel d’être transformées en matériaux utiles pour l’environnement ou pour l’agriculture. Selon la chercheuse, rien ne devrait se perdre, même pas ce qui semble n’être qu’un déchet sans intérêt.
Vers des gels 100 % naturels Marie-Josée Dumont espère un jour faire des gels 100 % biologiques en remplaçant, par exemple, tous les ingrédients pétroliers par de l’amidon, retrouvé en abondance dans le maïs. |
Nathalie Kinnard, Agence Science-Presse