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La colistine est considérée comme un antibiotique de dernier recours pour traiter certaines infections bactériennes multirésistantes chez les humains. Comme ce médicament a été utilisé un peu partout dans le monde en médecine humaine et dans des élevages, certaines bactéries porteuses de résistance ont émergé avant sa classification comme antibiotique de dernier recours.
Au Canada, la colistine ne doit pas être prescrite en médecine vétérinaire, sauf dans de rares cas et en respectant certaines précautions. Des chercheurs ont repéré la présence de gènes mcr, qui confèrent l’aptitude à résister à la colistine, dans certaines bactéries (E. coli) isolées de viande de bœuf ou de patients humains.
Or, une équipe québécoise, menant un projet en 2017 sur la possibilité de lien entre le bien-être animal et le microbiote (la flore bactérienne digestive) des porcs, a mis en évidence qu’un élevage commercial n’utilisant pas la colistine avait des porcs dont le microbiote contenait des gènes mcr-1 et mcr-2. L’étude n’indique pas si les gènes détectés étaient dans la même bactérie ou dans des espèces différentes.
Sources possibles de contamination
L’étude ne détermine pas l’origine de la contamination des animaux. Les auteurs indiquent cependant plusieurs sources potentielles d’acquisition des bactéries résistantes :
- À l’implantation du microbiote, dès la maternité.
- Par l’ingestion d’aliments contaminés.
- Par pression de sélection. Comme l’élevage porcin suivi dans le cadre de cette étude avait eu recours à d’autres antibiotiques durant la période testée, dont la chlorotétracycline (en post-sevrage), il est possible que ces médicaments aient favorisé une pression de sélection favorable aux bactéries portant les gènes mcr.
- En respirant l’air contaminé des bâtiments.
En effet, lors de travaux précédents sur l’exposition des éleveurs porcins aux contaminants aérosols, l’équipe de Caroline Duchaine a découvert que 60 % des échantillons d’air des bâtiments de porcs de finition au Canada sont positifs pour le gène mrc-1. De plus, la flore naso-pharyngée de certains travailleurs de l’industrie porcine contient ces gènes de résistance.
Au Canada, il existe un plan gouvernemental reliant la médecine humaine et la médecine vétérinaire pour la surveillance de la résistance aux antibiotiques. Il s’agit du Programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (PICRA), qui teste les profils de résistance de certaines bactéries provenant des fermes porcines, soit E. coli et Salmonella, mais pas ceux de toutes les bactéries composant le microbiote de l’animal. Cela explique pourquoi le PICRA n’a pas fait cette détection dans les cas où les gènes n’étaient pas associés à ces deux bactéries.
Au sein de l’élevage testé, 11,4 % des porcs envoyés à l’abattoir portaient l’un des gènes mcr dans leur microbiote, ce qui peut constituer une menace de transmission du gène de résistance à la colistine aux consommateurs. Le risque d’exposition paraît plus élevé pour les éleveurs et les intervenants porcins qui subissent une exposition aérosol ou qui sont en contact direct avec les selles.
Mohamed Rhouma, Université de Montréal
Philippe Fravalo, Université de Montréal
Caroline Duchaine, Université Laval
Cécile Crost, CRIPA-FRQNT, Université de Montréal