Page conseils 26 avril 2024

La déductibilité des intérêts

Depuis 2022, la Banque du Canada a sans cesse augmenté son taux directeur pour faire face à la crise inflationniste. Celui-ci est passé de 0,5 % en mars 2022 pour atteindre maintenant 5 %. Cette ascension vertigineuse a naturellement un effet marqué sur le coût du financement des entreprises agricoles.

En cette période de compression des bénéfices, il appert d’autant plus pertinent de se pencher sur la possibilité de déduire les intérêts du côté du revenu net fiscal des entreprises. À cet égard, les lois fiscales indiquent qu’une dépense d’intérêt peut être déductible si elle respecte les trois conditions suivantes : 

  • Elle est payée au cours de l’année ou est payable pour l’année;
  • Il y a un contrat de prêt liant le prêteur à l’emprunteur, indiquant les modalités de remboursement;
  • Le prêt doit servir à financer un bien générateur de revenus d’entreprise ou de bien. Un revenu de bien s’apparente à tout revenu passif provenant d’un investissement. 

En conséquence, il faut analyser chaque emprunt individuellement afin d’évaluer si les intérêts de celui-ci peuvent être déduits. Bien que les critères ci-dessus semblent simples, le troisième n’est pas toujours évident en pratique. En effet, il peut arriver qu’une dette soit contractée indirectement en vue de réaliser un revenu d’entreprise ou de bien. Or, les tribunaux ont plusieurs fois précisé que c’est l’usage direct des fonds empruntés qu’il faut analyser afin de déterminer si les intérêts sont déductibles. 

Bien que la notion d’utilisation directe de l’argent puisse parfois empêcher la déduction des intérêts, il est possible également de l’utiliser à son avantage. En effet, il s’agit du cœur de la stratégie de la mise à part de l’argent, qui a pour but de rendre déductible une dépense d’intérêt qui, autrement, ne le serait pas. Cette technique demande toutefois une rigueur dans la gestion des comptes de banque. 

Afin de la mettre en place, il faut dans un premier temps ouvrir un nouveau compte de banque agrémenté d’une marge de crédit. Ce nouveau compte servira uniquement à payer les dépenses d’entreprise. Les intérêts découlant de cette marge de crédit seront donc déductibles. Ensuite, les bénéfices bruts de l’entreprise pourront être utilisés pour rembourser les dettes ne donnant pas le droit à la déduction des intérêts. Prenons l’exemple suivant : 

M. X a contracté une dette de 500 000 $ pour acquérir sa maison. Dans l’exemple, M. X va payer des intérêts à 6 % sur 25 ans, soit un total de 462 000 $. L’exploitation agricole que M. X dirige a des recettes brutes de 500 000 $ par années, ainsi qu’environ 400 000 $ de dépenses d’exploitation par année. À cet égard, M. X pourrait se créer un nouveau compte de banque avec une marge de crédit. Les dépenses totalisant 400 000 $ seraient payées par cette marge de crédit. Les revenus bruts de 500 000 $ seront encaissés dans un autre compte de banque et M. X pourra utiliser ces sommes pour réduire la dette en lien avec l’achat de la résidence. 

En somme, cette stratégie, appelée la mise à part de l’argent, permettrait à M. X de réaliser une économie d’impôt sur 25 ans, totalisant environ 185 000 $, grâce à la déduction des intérêts dans le revenu imposable de son entreprise, en supposant un taux d’imposition d’environ 40 %.  

En conclusion, avec un taux directeur à 5 %, il est tout à fait approprié d’évaluer si votre situation de financement est optimisée d’un point de vue fiscal. Une rencontre avec un conseiller fiscal et/ou votre courtier hypothécaire pourrait peut-être vous faire économiser gros.


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