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La fertilisation des cultures est souvent pensée en termes d’apports en azote (N), en phosphore (P) et en potassium (K). Toutefois, une bonne mise en valeur de ces éléments nécessite une vie microbienne active. Les microorganismes (MOG) sont en effet le moteur du cyclage des nutriments, particulièrement pour celui du N par lequel une proportion importante du nitrate (NO3) est produite par minéralisation du N organique (No), même sous régie d’engrais minéral.
Pour être actifs, les MOG doivent cependant avoir accès à une source d’énergie. Dans le sol, celle-ci est tirée presque exclusivement du carbone organique (Co) labile lors de son utilisation dans la respiration microbienne. Ce dernier est donc rapidement consommé, en quelques jours à quelques mois, ce qui fait en sorte que les sols n’en contiennent habituellement qu’une toute petite fraction (moins de 10 %). Pour maintenir un niveau intéressant, il faut donc s’assurer d’apports en continu.
La production d’engrais verts (EV), les rotations diversifiées, une bonne gestion des résidus et l’apport de biomasses organiques moyennement à facilement décomposables comme du compost jeune, du lisier ou des fientes de poules sont tous de bons moyens de prévenir sa déperdition.
Les rendements
Dans les dix dernières années, le lien entre le Co labile, l’apport en N du sol et les rendements a bien été démontré.
Au Michigan (Culman et coll. 2012, 2013), des études rapportent que les sols bien pourvus en Co labile peuvent produire jusqu’à quatre fois plus de nitrate et générer de meilleurs rendements en maïs-grain que ceux qui en possèdent un faible taux, pour une fertilisation azotée équivalente.
Au Québec, divers projets de l’équipe de la chercheuse Christine Landry, de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA), réalisés à la Plateforme d’innovation en agriculture biologique en Montérégie révèlent que l’apport de Co labile accroît l’efficacité des engrais de ferme. Plus ces derniers sont résistants à la décomposition, tels le fumier composté ou celui avec litière, plus le bénéfice est grand. Ainsi, au stade soies du maïs-grain, les sols ayant reçu à la fois un EV de pois incorporé en automne et du fumier de poulet à griller (FPG) tôt au printemps présentaient un potentiel de production de nitrate six fois plus grand que ceux n’ayant reçu que le FPG. L’EV n’apportant que 21 kg Ntotal/ha comparé à 201 kg Ntotal/ha pour le FPG, cette hausse ne peut s’expliquer seulement par l’effet fertilisant azoté de l’EV. Les bénéfices viendraient plutôt de la stimulation de la minéralisation des fumiers par les MOG grâce à l’énergie fournie par le Co labile de l’EV.
Le suivi
Aux États-Unis, le suivi du Co labile ne cesse de gagner en popularité. La mesure la plus répandue est celle du C actif (POXC : Permanganate oxidizable C). Des tests terrain ou en laboratoire sont maintenant offerts.
Au Québec, ceux-ci sont le plus souvent intégrés dans une analyse plus globale de santé des sols. La mesure du POXC permet de calculer le ratio Co labile/Co total de ses champs. Aux États-Unis, on devrait chercher à atteindre un ratio de 5 % ou plus, mais il n’y a pas de valeur cible pour l’instant chez nous. À ce propos, l’équipe de Christine Landry vise à déterminer des seuils propres aux conditions pédoclimatiques du Québec et des régies permettant d’optimiser cet allié de nos productions agricoles.
Quoi qu’il en soit, le suivi de ce ratio, très sensible à la régie et aux rotations, conserve toute son utilité puisqu’il permet de voir rapidement l’impact des choix appliqués sur l’entreprise et sur la santé des sols.
Christine Landry, Ph. D., agr., biologiste, chercheuse à l’IRDA en chimie, en fertilité des sols et en valorisation des biomasses
Mylène Marchand-Roy, M. Sc., professionnelle de recherche à l’IRDA
Julie Mainguy, B. Sc., professionnelle de recherche à l’IRDA