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L’association internationale de la science du sol (IUSS) a décrété 2015-2024 comme la « décennie des sols ». Cette action est une réponse directe au constat généralisé de dégradation de nos environnements de production. Ailleurs seulement? Qu’en est-il de la santé physique du sol au Québec? Et quels services les plantes fourragères peuvent-elles nous rendre dans ce contexte?
L’état de la situation que nous avons observé à l’Université Laval montre que dans les principales zones de production de grains de la Montérégie, les sols sont dégradés, la porosité d’air et la diffusion des gaz dans le sol à 15-30 cm de profond sont sous les seuils critiques pour la croissance des plantes dans 90 % des sols en monoculture de la région (voir le tableau ci-dessous). La conductivité hydraulique saturée est près de la valeur minimale et est, dans 40 % des cas, inférieure à 1 m par jour, ce qui fait en sorte que le drainage traditionnel à des espacements de 15-20 m ne permettra pas de rencontrer un abaissement de la nappe d’eau suffisamment rapide, à la suite de fortes pluies, pour éviter des effets néfastes sur la plante.
Valeurs de référence et valeurs obtenues pour la santé physique de sols de la Montérégie échantillonnés de 2019 à 2022 :
Les données obtenues suggèrent une détérioration des sols qui se serait accentuée en profondeur (30 cm et plus profond) depuis les 30 dernières années, bien qu’on rapporte des améliorations à certains endroits (principalement en région) ou une absence d’évolution, notamment dans les zones où les productions fourragères sont plus importantes. Quoiqu’il en soit, les données montrent que les valeurs actuelles atteintes ne permettent pas d’optimiser la productivité des cultures, même en production fourragère, et augmentent le risque de perte d’azote par dénitrification en production de grains.
Les travaux antérieurs (Meek et ses collaborateurs, parus en 1991 dans le Soil Science Society of America Journal) suggèrent aussi que les rotations fourragères vont voir leur productivité affectée par la circulation et le compactage, tout comme la production de grains. Il y a toutefois de l’espoir, et les plus récentes données indiquent que les rotations fourragères longues (2 ans et plus) permettent d’améliorer l’aération dans la couche de labour, mais avec des effets parfois limités à la couche de surface (selon les travaux de Reynolds et de ses collaborateurs, parus en 2014 dans le Canadian Journal of Soil Science). On doit aussi s’attendre à ce que le maïs fourrager ait un effet comparable à la production de grains sur la santé physique du sol.
Ainsi, les plus récents résultats indiquent des propriétés d’aération et de drainage des sols insuffisantes sur la majorité des sites, mais variables selon ceux-ci. La mise en place de méthodes de gestion appropriées pour une entreprise demande une évaluation du site par observation de profil en profondeur d’abord (un des éléments du nouveau plan d’accompagnement agroenvironnemental), puis avec des indicateurs appropriés associés au drainage et à la respiration du sol si un problème de manque d’aération et de compactage est soupçonné. Des solutions s’offrent alors (sous-solage, rotations longues ou courtes avec des fourragères, implantation de système agroforestier, redrainage) en fonction du diagnostic observé.
Cette chronique a été écrite à partir de la conférence de Jean Caron donnée au Colloque sur les plantes fourragères du 22 février 2024.