Chronique CQPF 24 juillet 2023

Les mélanges fléole-luzerne et les changements climatiques

Malgré l’incertitude qui entoure l’amplitude des changements climatiques, leur effet est indéniable, particulièrement sur les productions agricoles. Il est primordial de travailler en recherche pour prévoir leurs effets possibles sur la production et la qualité des fourrages. 

En utilisant le modèle de simulation de culture STICS, on a cherché à évaluer les conséquences possibles des changements climatiques sur les rendements et la qualité des prairies en mélange luzerne-fléole des prés. Puisqu’il est généralement suggéré d’accumuler environ 500 degrés-jour de croissance entre deux coupes, avec des changements climatiques d’intensité modérée (+460 degrés-jour), on peut s’attendre à récolter la première coupe de 6 à 9 jours plus tôt que ce qui est fait actuellement, d’ici 2050. Avec des changements d’intensité intermédiaire (+1040 degrés-jour), les récoltes seraient de 8 à 20 jours plus tôt suivant la première coupe. Il y aurait donc une coupe supplémentaire, 6 années sur 10, voire deux coupes supplémentaires, 4 années sur 10, dans des régions comme la Capitale-Nationale et l’Outaouais. Cela se traduirait par des augmentations annuelles de rendements pour ces régions respectives, de 19 à 24 % et de 10 à 11 % pour des changements climatiques d’intensité modérée et de 25 à 42 % et de 5 à 25 % pour des changements climatiques d’intensité intermédiaire. Alors que des changements climatiques d’intensité modérée n’augmenteraient pas particulièrement la fréquence des années de sécheresse, jusqu’à 50 % des années futures, avec des changements climatiques d’intensité intermédiaire, seraient touchées par des précipitations insuffisantes pour soutenir l’évapotranspiration de la fléole des prés et de la luzerne. Cette augmentation des stress serait plus marquée dans les régions plus sèches, comme en Outaouais, où les précipitations annuelles sont déjà inférieures à la moyenne provinciale. Les stress pourraient avoir un effet sur la luzerne, à cause d’une plus grande fréquence des journées au-delà de 30 °C de moyenne, mais la fléole des prés serait la principale affectée, ce qui réduirait sa proportion dans les mélanges fléole-luzerne de 3 à 7 %, en moyenne, à l’horizon 2050-2070.

Avec une légère hausse de la proportion de luzerne dans le mélange et un ajustement des dates de coupe, on pourrait s’attendre à une hausse de la teneur en protéine des fourrages. C’est toutefois une stabilité, voire une légère diminution de 1 à 2 %, qui est projetée. Cette dernière est accompagnée d’une légère hausse de la fibre au détergent neutre (NDF) de 1 à 6 %. Cela indiquerait une possible maturation plus rapide, malgré l’ajustement des périodes de coupes, liée à l’accumulation des degrés-jour, ou bien un effet de dilution causé par la hausse des rendements. Cependant, il est aussi projeté que les compositions des différents fourrages pourraient être plus homogènes au fil des ans que ce qui est fait présentement. 

Une des grandes incertitudes influençant ces résultats reste la survie à l’hiver, principalement celle de la luzerne, qui est encore difficile à prévoir. C’est aussi le cas pour la fréquence d’évènements climatiques extrêmes. C’est pourquoi les stratégies d’adaptation et d’aide à la résilience, qui sont souvent rapportées, doivent être appliquées par les producteurs pour leur permettre de garder une production de fourrages optimale.  


Cette chronique est une présentation du