À coeur ouvert 2 avril 2024

La guéguerre entre la formation et l’expérience terrain

Stéphane me dit : « Écoute Myriam, moi j’ai pas été à l’école, j’ai tout appris sur le tas avec mon père, mais on viendra pas me dire comment faire ma job ». Alexis, sa relève, me fait un clin d’œil. Il sort d’un DEC en Gestion et technologies d’entreprises agricoles et il aimerait parfois que son père soit un peu plus à l’écoute de ce qu’il a appris dans sa formation collégiale. Si Stéphane n’est pas en désaccord avec le fait d’apprendre de nouvelles choses, il devient vite impatient quand sa relève lui demande d’apporter des modifications qu’il a lui-même déjà essayées il y a 10, 15, 20 ans. Stéphane a développé une expertise au fil des années et il aimerait que celle-ci soit davantage reconnue aux yeux de son fils. 

Un scénario similaire du côté de Gaston. L’agronome vient de passer et de lui faire certaines recommandations. Gaston est irrité; il considère que l’agronome n’a aucune expérience terrain et que « les sols, ça s’apprend pas dans les livres ». Gaston connaît chaque pouce de ses terres pour les avoir arpentées, défrichées, dérochées, semées, fauchées; il sait comment elles se drainent, il sait « comment les prendre », il considère qu’il n’a pas de leçons à recevoir d’un jeune qui n’a « jamais eu de boue sur les bottes ». Vous reconnaissez-vous dans ces dynamiques? Rassurez-vous, vous n’êtes pas les seuls!

On a parfois tendance à opposer la formation « théorique » et l’expérience terrain, alors qu’il est tout à fait possible – et souhaitable – de concilier les deux.

On aura idéalement besoin de flexibilité de part et d’autre, d’une ouverture à entendre le point de vue de l’autre et le souhait, des deux côtés, de ­s’enrichir mutuellement plutôt que « d’avoir raison ». 

Par exemple, Mario voit d’un bon œil la scolarisation de sa fille. Il se sent de plus en plus dépassé par la technologie, la robotisation, l’automatisation, et il est bien content de pouvoir se fier à sa relève. Quant à sa fille, elle bénéficie de son ­expérience à lui et leurs échanges lui permettent d’arrimer la théorie à la réalité particulière de leur ferme. 

Même son de cloche chez Sylvain, qui a toujours eu la volonté de minimiser son empreinte écologique. Il est heureux lorsque Félix, sa relève non apparentée, lui transmet les nouvelles connaissances en lien avec l’environnement; Sylvain considère cela comme un moyen de se tenir à jour et un outil pour faire des choix d’avenir stratégiques. Félix, lui, a l’impression d’avoir trouvé un mentor en Sylvain, qui le rassure et le guide dans ses premières années en agriculture.

D’un côté, la personne d’expérience a un recul, une compréhension du « terrain » qui ne peut s’apprendre qu’avec le temps. Elle a souvent bâti son entreprise elle-même et en connaît tous les recoins. De l’autre, la personne fraîchement diplômée a accès aux dernières connaissances en agriculture et peut avoir un regard neuf sur l’entreprise. 

Évidemment, des problèmes de communication peuvent survenir lors de ces échanges. Alexis, le fils de Stéphane, ne souhaite pas lui dire comment effectuer son travail; il souhaite seulement partager ses connaissances et apporter sa contribution à la ferme. Et le père n’est pas fermé à entendre son fils; seulement, il ressent aussi le besoin d’être reconnu pour ses propres compétences. 

Ce n’est pas toujours facile de parvenir à une conciliation, mais ça débute par un ton invitant à l’échange. « Hey, j’aimerais ça qu’on prenne le temps de comparer nos façons de voir les choses, qu’est-ce que t’en penses? » pourrait plus adéquatement ouvrir la discussion qu’un « Je te l’avais dit qu’il fallait faire ça comme ça! ».  


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