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Je suis préoccupée, inquiète. Voyez-vous, on peut sortir la fille du monde agricole, mais pas le monde agricole de la fille. Cela fait en sorte que même durant mon congé de maternité, j’ai eu à cœur de vouloir continuer à m’impliquer pour faire bouger les choses. De plus, j’ai maintenant une raison supplémentaire de vouloir que mon agriculture soit défendue : mon fils.
Bénéficiant du double statut de travailleuse de rang et d’observatrice comme relève, j’oscille depuis longtemps entre le sentiment d’urgence et celui d’impuissance et de désillusion face aux enjeux agricoles. Urgence de changer les choses, désillusion de voir à quel point ça bouge lentement. Ce que je trouve inquiétant, c’est que je ressens une sorte d’essoufflement du côté de la relève. J’entends des jeunes qui ont plus que le pied dans la porte, qui songent à tout quitter, parce qu’ils ne voient pas les changements, parce qu’ils n’y croient plus.
Je note également certains paradoxes. En effet, d’un côté, j’entends les intervenants agricoles dire que les agriculteurs se plaignent le ventre plein. Qu’ils ont juste à être de meilleurs gestionnaires et qu’ils ont eu des gains importants au cours des dernières années. Alors que de l’autre côté, j’entends les producteurs et les productrices me dire que cela ne va pas assez vite. Que leurs souffrances ne sont pas suffisamment entendues et que les solutions d’urgence « ne sont pas trop urgentes à mettre en place ». Je vois des jeunes de la relève aller dans des assemblées, participer aux comités, retourner déçus chez eux le soir. Soit parce qu’ils ont été informés de nouveautés dans les lois et règlements qui feront en sorte que leur quotidien sera encore plus difficile, soit parce que des personnes qui n’ont pas à vivre leur quotidien viennent leur dire comment faire leur travail, en plus de leur dire d’être patients.
Même dans les évènements, je constate que ce sont souvent uniquement les cédants qui y sont. Il faut bien que le travail de la ferme se fasse. Le problème, alors, c’est que les enjeux de tous ne sont pas représentés. Les décisions prises par les plus âgés peuvent avoir des répercussions négatives sur les plus jeunes parce que les visions sont différentes et les défis ne sont pas les mêmes.
Un producteur m’a dit : « Autrefois, même avec un salaire plus faible et les avantages de la ferme (viande, lait, assurances, etc.), on tirait notre épingle du jeu pour élever nos familles. Aujourd’hui, avec l’augmentation du coût de la vie, et le fait que les salaires ont tellement monté ailleurs, ce qu’il reste ne suffit pas pour l’attractivité du milieu agricole. Là, c’est mon père qui va aux réunions, mais quand j’y vais, j’me demande en maudit sont où les autres jeunes, pis là, j’me rappelle qu’il y en a de moins en moins! » Plusieurs jeunes déclarent ne pas vouloir des conditions de vie qu’offre la ferme familiale. Même chez les cédants, j’en entends me nommer qu’ils ne souhaitent pas que leurs enfants aiment l’agriculture pour qu’ils puissent avoir une vie, une vie de qualité. Si vous trouvez cela normal, le problème est pire que ce que je croyais.
Il y a un proverbe autochtone qui dit : « Quand l’homme aura coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors il se rendra compte que l’argent ne se mange pas. » J’ai envie de lui donner une saveur agricole. « Quand nos écoles d’agriculture se seront vidées, que nos fédérations régionales se seront essoufflées, quand les dettes se passeront de génération en génération, alors peut-être que nos dirigeants comprendront que notre autonomie alimentaire, notre richesse agricole, notre relève québécoise aura été sacrifiée. »
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Si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, contactez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
Pour l’aide d’un travailleur de rang, contactez le 450 768-6995 ou par courriel [email protected].