Balado 14 novembre 2024

Les vers de terre, ces ados à ne pas trop déranger

Dans le cadre du balado Le son de la Terre, l’animateur Vincent Cauchy a échangé avec Hélène Beaumont, qui est agronome et professeure au programme de Gestion et technologies d’entreprise agricole au cégep de Sherbrooke. Mais c’est surtout de son expertise et de sa passion pour les vers de terre qu’il a été question lors de l’entrevue. En voici quelques extraits.

Q  Comment décririez-vous l’importance des vers de terre dans le paysage agricole?

R  Leur importance se situe beaucoup au niveau du drainage. On sait qu’ils font des galeries. Il n’y a pas une pièce de machinerie qui est capable d’accoter le travail des vers de terre. Chaque espèce a son rôle et son travail. Ils vont travailler à différentes profondeurs, différents niveaux dans le sol. Quand on a des trous dans un sol, on a de l’aération et un drainage qui est intéressant. En fait, il y a trois grandes familles de vers. Les épigés, qu’on retrouve surtout en surface, notamment dans les bouses de vaches. Il y a les endogés, qui vont se tenir dans la partie racinaire des cultures et vont voyager de façon latérale. Ils ne sortent presque jamais à la surface. Et finalement, il y a les anéciques, dont le gros Lumbricus terrestris qu’on connaît tous. C’est lui qui va faire des cabanes et qui va creuser des tunnels jusqu’à 8 ou 9 pieds dans le sol. Sur un mètre carré, si on a 25 tunnels et qu’on les rassemble, ça nous donne l’équivalent d’un beau gros drain de douche. Ça a donc un impact sur le drainage, l’infiltration d’eau, l’aération du sol. Les vers de terre font aussi du lombrimixage, ce qui veut dire qu’ils prennent la matière minérale du sol et qu’ils vont la grignoter et la broyer dans leur gésier, avec la matière organique. Ça stabilise les sols et stimule la croissance des plantes. Comme ce sont de grands transporteurs, ils vont également répartir le calcium et stabiliser le pH dans toute la profondeur de profil. En bref, ils sont très importants!

Q  Est-ce qu’il y a beaucoup d’éducation à faire auprès des producteurs agricoles?

R  En général, les vers de terre, on ne les voit pas alors on a tendance à les négliger. On sait tous combien ils sont importants, mais on ne sait pas comment ils vivent, se reproduisent, comment ils s’appellent. Il faut aussi apprendre à penser nos systèmes agricoles pour favoriser leur présence et leur reproduction. Il faut savoir comment avoir le plus grand respect pour ces espèces-là. Il y a de la sensibilisation à faire. C’est pour ça que depuis des années, je fais notamment des soirées vers et bière, où je rassemble des producteurs en soirée pour jaser de vers de terre, les sensibiliser, mais aussi pour leur permettre de les observer dans leurs champs. 

Q  Et comment on fait pour favoriser la présence de vers de terre dans les champs?

R  Je dis toujours qu’ils sont un peu comme des adolescents… Il faut leur donner un toit, leur donner à manger et ne pas trop les déranger. Il faut leur laisser des résidus de culture en surface parce que les anéciques ont vraiment besoin de ceux-ci pour fermer leurs tunnels. Il faut les nourrir, donc penser à faire des engrais verts, des cultures intercalaires, pour avoir une biomasse aérienne, mais aussi racinaire, qu’ils vont manger. Et ne pas trop les déranger, ça veut dire d’éviter de faire des travaux de sols qui sont trop intenses. On le sait que le labour est néfaste pour les populations de vers de terre. Aux cinq ou six ans, ce n’est pas si grave. Mais si on le fait chaque année, la possibilité d’avoir des vers de terre est beaucoup moindre.  

Pour en savoir plus sur le fascinant monde des vers de terre, écoutez l’ensemble de cette entrevue à laterre.ca/balado. Vous pouvez également vous rendre sur la page Facebook Vers de terre Québec pour connaître la marche à suivre afin de participer au projet d’identification des espèces piloté par Mme Beaumont.