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SAINT-POLYCARPE — Depuis la mort d’Henri André, intoxiqué par les gaz d’ensilage, son frère Adrien et sa belle-sœur Suzanne portent une cause à bout de bras : celle de convaincre, voire même d’obliger les producteurs à s’équiper d’un détecteur cinq gaz.
Ils constatent que le prix de l’appareil, qui coûte de 2 500 $ à 3 000 $, est un frein important. « Les gens mettent beaucoup de sous sur certaines choses, mais là, on parle de vies », souligne Mme André.
Selon celle qui s’implique au sein de son syndicat local de l’Union des producteurs agricoles (UPA) en Montérégie, cet équipement devrait être obligatoire. Mais « le monde n’embarque pas », déplore-t-elle, indiquant ne pas non plus vouloir être « harcelante ». « On dirait que personne ne veut prendre la responsabilité de [rendre le détecteur obligatoire] », renchérit-elle.
Devoir de responsabilité
Questionné à savoir s’il faudrait obliger les agriculteurs à s’équiper d’un détecteur de gaz ou d’autre équipement de protection, le premier vice-président de l’UPA, Martin Caron, écarte cette solution. « On n’est pas très forts là-dessus », admet le producteur laitier, rappelant le devoir de responsabilité des gestionnaires d’entreprises envers eux-mêmes et leurs employés.
L’un des freins à cette obligation réside dans le fait que seulement le tiers des entreprises agricoles est couvert par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). « Ça prendrait un autre niveau de juridiction » pour imposer cette réglementation à tous les producteurs, reconnaît François Granger, l’expert en prévention de la Commission.
Pour les exploitations concernées, la CNESST rappelle que dans « les espaces clos où il peut y avoir des gaz dangereux, la ventilation et la détection des gaz sont les deux principaux moyens de prévention exigés par la réglementation ». Cela « suppose qu’on a l’équipement pour le faire », indique M. Granger.
Contre toute attente, la Commission se dit incapable de préciser les sanctions auxquelles s’exposent les entreprises fautives, ni même si des sanctions ont été imposées à des exploitations en lien avec les dangers entourant les gaz de silo, à moins d’une demande d’accès à l’information.
La souffrance des familles
« Il y en aura toujours »
« Si on nous oblige à acheter de l’équipement à 5 000 $, il n’y a personne qui va le faire », assure Mario, le frère de Christian Labonté, mort à 52 ans des suites d’une intoxication au dioxyde d’azote dans un silo en 2017. « Il y aura toujours des accidents. C’est comme pour le cellulaire au volant. Je n’arrête pas d’en voir sur la route », poursuit-il.
Lui qui a tenté en vain de secourir son frère a pris une décision radicale depuis le drame et a vendu ses 130 bovins laitiers pour se consacrer uniquement aux grandes cultures. « On n’en aura plus de gaz ici, tranche-t-il. J’ai fait une croix là-dessus. »
Entre urgence et négligence
Selon Mario Labonté, ce qui s’est produit chez son frère en 2017 et les autres victimes, « ça arrive toujours dans l’urgence ». Christian avait pénétré dans le silo, car l’ensilage s’était affaissé durant la nuit. L’extracteur ne pouvait faire le travail. « Mon frère pensait pouvoir entrer et sortir rapidement », se désole-t-il.
C’est un peu la même chose qui s’est passée chez Billy Beaudry, dont le père Alain et son employé, Anthony Lalumière, ont laissé leur vie dans la préfosse qu’ils réparaient. « Ce n’était pas de gros travaux; ça devait prendre environ cinq minutes. Les masques, on les avait déjà, mais on ne croyait pas que les gaz pouvaient s’accumuler aussi vite. Ça n’a pas été réfléchi », regrette le jeune producteur.
Faire au plus vite
La mentalité qui prévaut dans le milieu, c’est que « ce n’est pas grave tant que rien n’est arrivé », estime Marie-Josée Lamoureux, la conjointe d’Éric Belval, qui a perdu la vie en mai dernier après être tombé dans la préfosse. Le producteur aurait été intoxiqué au sulfure d’hydrogène. « Ça arrive souvent dans les moments où ils sont pressés. Ils sont tous pareils; ils veulent faire au plus vite. Ils n’ont jamais assez de 24 heures dans une journée », déplore-t-elle.
Avec la collaboration de Julie Mercier
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