Vie rurale 3 mars 2020

Un protocole clair en production pour détecter les gaz dangereux

TROIS-RIVIÈRES — Devant la confusion entourant les types de gaz à détecter dans les silos d’ensilage et préfosses à lisier, l’Union des producteurs agricoles (UPA) a l’intention d’accoucher au printemps d’une procédure uniformisée afin d’éviter d’autres cas d’intoxication pouvant être mortels.

Depuis plusieurs mois, le comité de liaison entre l’UPA et la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) travaille à développer un outil. En entrevue avec La Terre lors du colloque annuel des partenaires en prévention de l’UPA à Trois-Rivières le 6 février, le premier vice-président Martin Caron a affirmé avoir mis de la pression au comité pour « avoir quelque chose rapidement avec une date butoir ».

« Il faut être capable de s’entendre avec la CNESST concernant les normes et méthodologies qu’on doit mettre en application », soutient celui qui est aussi éleveur laitier. Il espère donc pouvoir faire aboutir un protocole clair et complet sur la détection des gaz dangereux d’ici le printemps puisqu’il règne selon lui une confusion, notamment du côté des détaillants, sur les différents gaz dangereux à détecter, tant dans les silos d’ensilage que les préfosses à lisier.

« À Expo-Champs cet été, j’ai rencontré du monde et cet hiver, je me suis fait parler, affirme-t-il. Il y avait comme une panique pour dire que ça prend des équipements, mais que [les détaillants] ne savent pas trop ce qu’il nous faut. » Plusieurs commerçants qui vendent des détecteurs de gaz n’ont pas de spécialistes en agriculture, observe M. Caron.

Interrogé par La Terre sur la confusion attribuée aux détaillants, le directeur d’Équipements Lambert, Jean Racine, a affirmé que le problème repose plutôt sur l’absence de directives claires de la CNESST aux agriculteurs concernant ce qu’ils doivent acheter, puisqu’aucune norme n’est établie sur le nombre de gaz à détecter.

Méconnaissance

Lors de sa conférence, le conseiller expert en prévention-inspection de la CNESST, François Granger, a questionné l’auditoire sur les principaux gaz à mesurer dans une préfosse à lisier. Plusieurs participants dans la salle n’ont pas été en mesure de donner la bonne réponse, c’est-à-dire le gaz carbonique (CO2), le sulfure d’hydrogène (H2S), le méthane (CH4) et l’ammoniac (NH3).

« On en parle beaucoup [des gaz]. On va parler des risques, mais on ne les a pas toujours identifiés, souligne-t-il. […] Avant d’acheter un détecteur, il faut savoir quels gaz on veut mesurer. C’est un appareil de précision et il faut choisir les bonnes cellules de détection en fonction du type d’élevage. »

Débat autour de l’encadrement de la vente

Lors du colloque, le producteur Marie-Antoine Roy a soulevé l’idée d’obliger les détaillants de silos d’ensilage et de préfosses à lisier à vendre automatiquement un détecteur de gaz avec chaque nouvelle transaction. Selon le premier vice-président de l’Union des producteurs agricoles, Martin Caron, cette obligation revient d’abord et avant tout au producteur – pour lui-même et ses employés – de se doter d’un équipement de protection. « Je ne veux pas qu’on se déresponsabilise comme agriculteurs », a-t-il affirmé, en entrevue à La Terre.

De la patience pour convaincre

Lors du colloque, le producteur ovin Marie-Antoine Roy a lancé un cri du cœur à ses confrères. « Comment vous convaincre de vous procurer des détecteurs de gaz? C’est la question que je me pose depuis sept ans. » Rappelons que cet agriculteur avait organisé un atelier sur l’équipement de prévention cet automne en hommage à Nicholas Lanciaux, 33 ans, devenu en juillet dernier la 10e victime des gaz en agriculture en 15 ans.

D’après François Granger, de la CNESST, il faudra encore être patient pour faire comprendre aux producteurs que la détection des gaz est « un incontournable » et que la ventilation ne suffit pas. « À force d’en parler, on sent qu’il y a un vent de changement et qu’un virage est amorcé. Mais je crois qu’on en aura encore pour quelques générations à devoir passer le message », conclut-il.