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Rivellie Tchuisseu a un parcours inspirant. Après avoir étudié dans les huit meilleures universités agricoles de l’Europe pour sa maîtrise et travaillé auprès d’organismes agroenvironnementaux à titre d’agronome pendant 10 ans au Québec, la Camerounaise d’origine a établi le constat que les femmes n’étaient pas assez représentées dans les postes décisionnels en agriculture. Elle y consacre une thèse de doctorat.
La question du travail invisible des agricultrices est importante pour l’ingénieure agronome de formation, mais ce qui fera réellement progresser le statut des femmes en agriculture, croit-elle, c’est leur implication à titre de conseillères agricoles dans les fermes et les instances décisionnelles. « Il faut qu’elles soient sur ces instances, que les agricultrices voient qu’elles ont des femmes pour les appuyer, qu’elles comprennent leur situation, qu’elles savent qu’elles sont des mères aussi prises avec le travail domestique », explique-t-elle en précisant qu’elle n’interrogera pas d’agricultrices, mais seulement des conseillères agricoles dans le cadre de sa thèse.
« Le conseil agricole, c’est toute cette structure qui gouverne l’agriculture, dit-elle. Des recherches ont démontré qu’il y a une relation de confiance établie entre un producteur et son conseiller. Mais si on n’a que des hommes conseillers agricoles, que deviennent les femmes agricultrices? » questionne-t-elle. La mère de cinq enfants tentera de comprendre les raisons de la sous-représentation féminine dans les entreprises de service-conseil au Québec, au Canada et en France, alors qu’en contrepartie, le nombre d’étudiantes dans les programmes agricoles connaît une hausse tant à l’Université Laval qu’à McGill.
Une étude menée au Manitoba en 2016 a démontré que les femmes étaient encore minoritaires dans le processus de prise de décision des instances agricoles coopératives. « Des femmes agricultrices se plaignaient que lorsqu’elles se retrouvaient aux tables de négociation [de ces coops ou dans leur ferme], on leur demandait pourquoi le boss n’était pas venu à leur place. Il y a toujours du langage sexiste et les femmes ne sont pas à l’aise avec ça. Elles sont compétentes, mais on ne leur donne pas la confiance de faire les choses », dit-elle.
Rivellie Tchuisseu attaquera ces enjeux dans sa thèse. Elle compte y parvenir en analysant l’évolution de la place des femmes dans les organismes de services-conseils et d’instances décisionnelles depuis les 20 dernières années. Ensuite, elle tentera de prouver qu’une meilleure implication des femmes serait bénéfique pour l’agriculture et l’environnement.
Les premières
Par exemple, une étude de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement en France a démontré que les conseillères de producteurs viticoles observaient une hausse de fausses couches lorsqu’elles allaient dans les champs après épandage. En en discutant avec leurs homologues masculins, ces derniers ont commencé à témoigner de malaises. « Ce sont des femmes qui ont soulevé cette problématique pour la première fois et ça a fait l’objet d’une publication scientifique en 2014, mentionne Mme Tchuisseu. Je voudrais attaquer ça dans ma thèse. […] Plusieurs études ont démontré que les femmes ont une meilleure propension lorsqu’il s’agit de problématiques environnementales, mais des chercheurs ont démontré que les femmes qui dirigent des fermes (27 % au Québec) sont plus flexibles et ouvertes à changer les choses », indique-t-elle.
Seule une équipe de chercheurs australiens s’est penchée sur la question avant elle, de manière exploratoire. La candidate au doctorat à l’Université du Québec à Montréal étudiera la question en profondeur au cours des quatre prochaines années.