Vie rurale 30 janvier 2017

Le suicide n’est pas une option

Quinze minutes seul dans la grange, c’est le temps dont aura eu besoin Francis pour commettre l’irréparable. Un drame qui a fait basculer la vie de Geneviève, sa conjointe, et celle des jeunes enfants du couple.

« Il nous a laissés sans repères de vie. À la place, une souffrance intense, un vide immense », décrit la mère de famille. C’était il y a deux ans, mais les dommages se font quotidiennement sentir; ils sont toujours palpables.

« Le suicide n’est pas une option », c’est le thème de la 27e Semaine nationale de prévention du suicide. Pour Geneviève, ce ne l’était pas non plus. C’est pour cette raison qu’elle a accepté de raconter son histoire.

Épuisement professionnel

Francis était propriétaire unique d’une ferme laitière dans la région de Québec. Il était d’ailleurs fier de dire qu’il faisait partie de la 10e génération à prendre la relève. Geneviève avait un emploi à l’extérieur, mais l’aidait fréquemment à réaliser les travaux agricoles. Elle sentait depuis quelques années que la ferme devenait un fardeau pour lui. « Il faut être fou pour s’occuper d’une ferme tout seul », lui répétait-il souvent.

À l’hiver 2014, un bris survient dans le silo à maïs. Francis décide d’effectuer la réparation lui-même, pour « sauver des sous ». Une erreur qui a affecté la qualité du maïs et qui a eu des répercussions, à court terme, sur la santé du troupeau et la qualité du lait. Francis était pourtant reconnu pour ses bons résultats et sa rigueur en agriculture. « Rien d’insurmontable, explique Geneviève. Qui ne commet pas d’erreur? On ne s’enlève pas la vie pour ça. Mais il ne se l’est pas pardonné. Les conséquences financières étaient tout de même importantes et il rêvait tellement d’une ferme sans dettes. » Francis avait 41 ans lorsqu’il s’est donné la mort.

Drame familial

Les travaux de Ginette Lafleur sur le suicide chez les agriculteurs l’ont amenée à lire plus de 75 rapports de décès du Bureau du coroner. « Si ces personnes, aujourd’hui décédées, pouvaient revenir voir les dégâts et les traumatismes que leur suicide a fait subir à ces familles-là… » dit Mme Lafleur. Le suicide de Francis a créé un choc dans la communauté agricole de la Côte-de-Beaupré. Deux ans plus tard, « je ne suis pas sûr que les gens en sont remis encore », confie l’ex-directeur des trois anciennes fédérations régionales de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la région de Québec, Pierre-Nicolas Girard.

Le dépistage, toujours aussi important

Les fédérations de l’UPA de plusieurs régions profiteront de la Semaine nationale de prévention du suicide pour dispenser des formations de sentinelles agricoles. Rappelons qu’au Forum sur la santé psychologique d’avril 2016, l’Union s’était fixé l’objectif d’offrir 50 cours en deux ans. Sans toutefois pouvoir fournir de chiffres précis, le coordonnateur du plan d’action à l’UPA, Pierre-Nicolas Girard, confirme que l’objectif sera dépassé d’ici la fin de 2017. « Je salue le monde agricole qui s’organise pour soutenir les agriculteurs », conclut Geneviève.

Des entreprises s’impliquent

De sa propre initiative, la coopérative Nutrinor au Lac-Saint-Jean a dispensé une formation de sentinelle agricole pour 12 de ses représentants. « Il y a beaucoup d’ouverture auprès de différents groupes, qui sont de plus en plus intéressés à ce que leurs employés participent à des formations sentinelles », explique Pierre-Nicolas Girard. L’homme mènerait actuellement des pourparlers avec Desjardins pour sensibiliser l’entreprise à la cause agricole et la convaincre de dispenser des formations à ses conseillers.

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Vous pouvez contacter l’organisme Au coeur des familles agricoles au 450 768-6995
Pour plus d’informations, visitez le site Au coeur des familles agricoles