Vie rurale 21 novembre 2017

Procès d’Olivier Charrière : des producteurs amers témoignent

TROIS-RIVIÈRES — Plusieurs producteurs agricoles, principalement des régions de la Mauricie et de la Capitale-Nationale, ont commencé à défiler à la barre des témoins au procès d’Olivier Charrière, qui se tient à Trois-Rivières devant un juge et douze jurés.

L’homme de 34 ans, originaire de Nicolet, est accusé d’avoir fraudé ou volé des producteurs agricoles de plusieurs régions et une institution financière pour un montant dépassant les 800 000 $, notamment à partir de son entreprise d’entreposage et de traitement des grains de Sainte-Geneviève-de-Batiscan en Mauricie, Élévateurs de la Rive-Nord.

Plusieurs chefs d’accusation parmi la cinquantaine déposés au début du processus judiciaire ont été regroupés de telle sorte que l’accusé doit répondre à neuf chefs de vol et de fraude. Les faits reprochés se sont produits de 2008 à 2009.

Charrière aurait vendu du grain qui lui avait été confié pour traitement et entreposage à ses installations sans verser le fruit de la vente aux producteurs à qui il appartenait.

« Je suis moi-même allé voir dans les silos, j’ai fait le tour, et il n’y avait plus rien », a raconté le producteur de lait et de céréales Sylvain Frigon, de la Ferme Genevoise, le premier témoin de la poursuite. M. Frigon est voisin des Élévateurs de la Rive-Nord. Après l’incendie de sa ferme, il y a entreposé 100 tonnes d’avoine, qu’il n’a jamais revues. Le manque à gagner est évalué à 17 000 $. Pour les 200 tonnes de maïs également entreposées aux Élévateurs de la Rive-Nord, il a reçu un chèque de 11 114 $. La compagnie a déclaré faillite avant que le producteur obtienne les sommes manquantes, c’est-à-dire environ 23 000 $, puisque le prix du grain atteignait alors 170 $ la tonne.

« C’est le travail d’une année qui est disparu », a pour sa part expliqué Robert Jacques, un agriculteur de 70 ans, propriétaire de la ferme éponyme à Deschambault. Lui aussi avait entreposé aux Élévateurs de la Rive-Nord environ 85 tonnes d’avoine d’une valeur approximative de 19 400 $ après traitement. Il ne les a pas revues.

Dans le cas de Michel Massicotte, qui a vendu à l’entreprise de Sainte-Geneviève-de-Batiscan 75 tonnes de maïs d’une valeur de 15 000 $, l’accusé aurait offert de le payer en crédit pour l’achat de chaux de l’entreprise Agro-100 pour laquelle il était représentant depuis quelques mois. Le PDG d’Agro-100, Stéphane Beaucage, a expliqué aux jurés que l’accusé avait alors outrepassé ses pouvoirs et a refusé d’honorer le crédit. Il a cependant offert à M. Massicotte un rabais sur l’achat de chaux l’année suivante.

Le scénario s’est répété pour François Rivard, copropriétaire de la Ferme B.F.J., de Sainte-Geneviève-de-Batiscan, qui dit avoir perdu environ 24 000 $ après avoir confié son soya aux Élévateurs de la Rive-Nord. Comme les autres producteurs avant lui, il a expliqué les informations  relatives à la quantité de grains et au prix apparaissant sur les contrats conclus avec l’entreprise.

Au printemps 2009, le producteur Sylvain Desaulniers, de Saint-Tite, est allé rencontrer l’accusé pour avoir la garantie qu’il recevrait les 14 000 $ que lui devait l’entreprise. Mais en mai de la même année, il n’a pu toucher le chèque qu’il avait reçu, puisque le compte de l’entreprise était à sec.

« C’est certain que ça nous ébranle, des choses comme ça, a expliqué Sylvain Desaulniers à La Terre. On en vient à douter de soi, à se demander comment on a pu en arriver là. Ça prend du temps à s’en remettre. » Le producteur soutient que l’affaire a causé une commotion dans le milieu et a affecté les relations entre les agriculteurs et plusieurs fournisseurs. Le procès se poursuit cette semaine.