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Implanter des haies brise-vent et des bandes fleuries pourrait avoir un impact positif sur la présence des reines bourdons dans les vergers au moment de la floraison, suggère une étude qui s’est intéressée aux façons de diminuer la mortalité hivernale de cet important groupe de pollinisateurs.
« Pour avoir des populations de bourdons plus dynamiques, les pomiculteurs auraient intérêt à installer des aménagements fleuris qui apportent de la nourriture aux reines bourdons », recommande Valérie Fournier, professeure titulaire au Centre de recherche et d’innovation sur les végétaux de l’Université Laval, qui a cosigné une étude portant sur les effets de tels aménagements sur la biodiversité et sur la rentabilité des fermes.
Chez les bourdons, seule la reine traverse l’hiver. Pendant l’automne, elle constitue ses réserves d’énergie et s’accouple avant de s’endormir avec une spermathèque en son sein. Dès le début de la floraison au printemps, elle se réveille et se met à la recherche de nourriture pour démarrer une nouvelle colonie, permettant ainsi la pollinisation des pommiers. Puisqu’une colonie peut compter quelques centaines d’individus, la mortalité des reines est lourde de conséquences pour les populations de bourdons, qui occupent un rôle de premier plan dans la pollinisation en pomiculture.
Les reines sous la loupe
L’étude, menée par la candidate au doctorat Amélie Gervais sous la supervision de Valérie Fournier, a voulu vérifier si la présence de haies brise-vent ou de bandes fleuries dans les vergers pouvait avoir une incidence positive sur la survie hivernale des reines bourdons en leur fournissant des espaces de nidification et de la nourriture.
Les populations de reines bourdons de 12 vergers de Montérégie et de l’Estrie, dont la moitié comptait des aménagements fleuris, ont été suivies de 2017 à 2019. Au printemps, une équipe passait une heure dans chaque verger pour tenter de capturer les reines sur les fleurs de pommiers. Les reines, capturées à l’aide de filets, étaient marquées d’une combinaison de couleurs unique par des crayons non toxiques, puis relâchées dans la nature afin d’être recapturées plus tard. Les coordonnées géographiques et la date exacte de chaque capture étaient notées. Le même exercice se répétait l’automne.
Un effet positif
Les observations sur le terrain ont permis de constater que le nombre de reines de certaines espèces de bourdons était significativement plus élevé dans les vergers avec un aménagement fleuri. Par ailleurs, la probabilité d’observer ces pollinisateurs tendait à diminuer de manière importante avec l’augmentation de l’usage d’intrants.
Autre constat de l’étude, les reines bourdons étaient plus présentes dans les vergers au printemps. « On a été agréablement surpris de voir autant de reines bourdons polliniser les vergers, confie Valérie Fournier. On s’attendait à voir une population plus petite. » En revanche, les reines bourdons étaient nettement moins présentes dans les vergers l’automne. De plus amples recherches seraient nécessaires pour expliquer cette différence.
Une mesure rentable?
Un second volet de l’étude, cette fois-ci réalisé par l’IRDA, s’est attardé à évaluer la rentabilité de tels aménagements fleuris pour les pomiculteurs. Les coûts des implantations varient souvent de 2 à 4 $/m2 et les coûts d’entretien se situent autour de 0,20 $/m2 par année, ce qui peut paraître assez élevé si les aménagements occupent une superficie cultivable.
En revanche, les aménagements fleuris pourraient constituer un élément marketing intéressant pour les pomiculteurs dont le modèle d’affaires est tourné vers la vente directe (autocueillette et transformation) en les aidant à attirer leur clientèle cible. « Une avenue intéressante pour éviter d’empiéter sur la superficie cultivable serait d’installer des arbustes fleuris dans des espaces marginaux ou encore de modifier la régie de fauche du terrain pour laisser fleurir les plantes sauvages comme le pissenlit ou le trèfle, ce qui fournirait de la nourriture aux bourdons tout au long de la saison. »
Champions des pommiers Bien que l’abeille domestique soit une excellente pollinisatrice, le bourdon s’avère plus efficace dans la pomiculture. « Le bourdon, qui est indigène, va sortir de son nid même à des températures fraîches ou sous une pluie fine, contrairement à l’abeille domestique qui a été introduite d’Europe, explique Valérie Fournier. Considérant que la pollinisation des pommiers se fait très tôt dans la saison et s’étire sur une courte période, le rôle du bourdon dans la culture de la pomme est primordial. » Un guide d’identification des reines bourdons qui fréquentent les vergers du sud du Québec a d’ailleurs été rédigé à la suite du projet. |