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À force de persévérance, Claude Girard et Gisèle Larocque sont parvenus à réaliser ce que plusieurs croyaient impossible : produire commercialement des pêches au Québec.
« On est très fiers du résultat, mais cela a représenté beaucoup de temps, d’énergie et d’argent », confie Claude Girard, copropriétaire du Domaine de Dunham.
La vente en 2018 d’une première récolte de grosses pêches sucrées et juteuses à souhait représentait l’aboutissement d’une décennie d’efforts et d’essais pour ce couple de citadins qui s’est établi à la campagne au tournant du nouveau millénaire dans l’espoir de redonner vie à un vieux verger.
« Dès le début du verger, on ne voulait pas vendre 100 % de la récolte aux emballeurs. Il fallait diversifier nos revenus. On a commencé à planter des poiriers et des vignes en 2006, puis l’année suivante, on a ajouté des pruniers et quelques pêchers pour observer leur comportement », raconte Claude Girard.
En trois ans, le couple a planté 960 pêchers de variétés hâtives, moyennes et tardives en choisissant l’endroit le plus chaud du verger : un button où la température est constamment supérieure de 2 à 4 °C au reste du domaine.
Un long apprentissage
Malgré toute leur bonne volonté, les producteurs nageaient en plein inconnu, car la culture de la pêche diffère beaucoup de la pomiculture. Le premier défi a été de protéger les troncs du gel. « Contrairement au pommier, le pêcher est un arbre fragile qui ne tolère pas les blessures. Le gel risque de faire craquer l’écorce du tronc », partage Claude Girard. Pour éviter ce problème, les producteurs recouvrent le sol d’un amas de paille d’environ 30 po de diamètre et de 8 po de haut autour des arbres après avoir préalablement appliqué une généreuse dose de répulsif à mulots. Tout au long de l’hiver, de la neige est entassée sur le monticule de façon à créer une couche protectrice supplémentaire. Il a ensuite fallu trouver une taille capable de permettre la production de bourgeons fruitiers qui seraient plus tard accessibles à la cueillette tout en préservant l’équilibre de l’arbre.
Enfin, les producteurs ont dû adapter leur technique de récolte et d’entreposage. « Les fruits ne mûrissent pas tous en même temps, explique Gisèle Larocque. Les cueilleurs, munis de gants, passent tous les jours tôt le matin pour éviter que le soleil les endommage. » La pêche étant délicate, les travailleurs ont appris à utiliser leur odorat pour reconnaître les fruits mûrs plutôt que de les tâter. « C’est d’ailleurs pourquoi on ne fait pas d’autocueillette avec les pêches », ajoute-t-elle.
Les fruits sont alors enveloppés dans du papier avant d’être déposés dans les minots. « Pour arrêter le processus de mûrissement qui est très rapide, les cueilleurs font plusieurs voyages pendant le matin pour entreposer les fruits dans un frigo maintenu à 1 °C », précise Gisèle Larocque.
Le gel, les blessures et les ravageurs ont eu raison de la plupart des pêchers plantés par le couple. Des 960 arbres implantés au départ, seuls 160 ont survécu. Les producteurs ne se laissent pas démonter par cette statistique. « On a beaucoup appris de nos erreurs, assure Claude Girard. On n’avait pas de référence au Québec dans ce domaine. L’expertise ontarienne ne nous était pas utile, car les conditions climatiques sont très éloignées de notre réalité. » Fort de son expérience, le couple souhaite planter d’autres pêchers cet automne et vise à obtenir un meilleur taux de survie.
Les clients en redemandent
SI l’aventure de la pêche s’est avérée parsemée d’embûches, la réponse du public, elle, a été unanime. « Les clients n’en croient pas leurs yeux qu’on ait réussi à faire pousser des pêches. Certains en achètent deux paniers, font un bout de chemin et reviennent en acheter d’autres parce qu’ils les ont déjà toutes mangées! raconte la dame en riant. Une fois que tu as goûté une pêche qui a mûri sur l’arbre, les fruits de l’Ontario n’ont plus la même saveur. »
Maintenant que le couple a prouvé que la culture de la pêche au Québec est possible, il aimerait voir d’autres fermes fruitières emboîter le pas pour diversifier leur offre. « On souhaiterait que d’autres tentent l’expérience et fassent plaisir à leur clientèle. C’est sûr qu’ils vont réussir, croit Claude Girard. Les conditions climatiques dans le sud du Québec sont plus clémentes qu’autrefois. Maîtriser la culture de la pêche est surtout une question d’apprentissage. »