Vie rurale 27 août 2019

Parler de sa détresse lui a sauvé la vie

Lorsqu’il s’est retrouvé au cœur d’un conflit familial et au bord de la faillite, le producteur de pommes de terre de Lanaudière Francis Desrochers a vu noir. Il a sonné l’alarme, juste à temps. Et surtout, il a consulté et continue de le faire, après avoir été éprouvé par le suicide de deux confrères. Aujourd’hui, il se confie à  La Terre dans l’espoir de faire tomber les tabous.

« J’y pensais [au suicide]. Je ne me sentais pas bien dans ce que je vivais. Mais avant de faire le con, je me suis dit que j’allais en parler », témoigne-t-il, 10 ans après avoir envisagé le pire.

Le fait de devoir composer avec une chicane entre sa conjointe et son père, qui était à l’époque associé dans l’entreprise familiale de Saint-Paul-de-Joliette, a contribué à son mal-être. En plus, au même moment, les finances de la ferme se portaient mal. « J’étais pris entre les deux… je ne savais plus quoi faire. J’en ai finalement parlé à ma conjointe. Ça me grugeait tout le temps », raconte-t-il avec le recul.

Sa femme Ninon a compris sa détresse et l’a incité à consulter. Elle a pris contact avec une psychologue spécialisée en milieu agricole, et au bout de quelques consultations, Francis a pris du mieux, dit-il. Il a finalement proposé d’acheter les parts de son père. La décision a été difficile et confrontante sur le coup, admet celui qui est aussi président des Producteurs de pommes de terre du Québec (PPTQ). Mais au fil du temps, les tensions familiales se sont dissipées. Son père est même venu lui prêter main-forte, lors des dernières récoltes. « On en est venus à bout et là, ça va bien maintenant », dit-il d’un ton apaisé.

Inimaginable

Francis a ressenti le besoin de retourner consulter, notamment au printemps 2018, après qu’un de ses cousins, également producteur agricole, s’eût enlevé la vie. « Durant l’hiver, un de ses entrepôts s’est écrasé. Il a fait de l’angoisse et ne s’en est pas remis », se souvient-il. Même si son cousin lui avait déjà dit que « ça allait mal », rien ne laissait présager qu’il passerait à l’acte. « Il disait : “Les gars, vous me connaissez, je ne ferai pas ça.” »

Quelques mois plus tard, en février dernier, l’inimaginable s’est produit de nouveau dans l’entourage de Francis. Son bon ami Stéphane Blouin, vice-président des PPTQ, a mis fin à ses jours. « [Deux jours avant le drame], il était là pour négocier une convention de mise en marché. Personne ne s’est rendu compte qu’il était en détresse. […] C’était quelqu’un de joyeux; il avait toujours des solutions », regrette-t-il.

Devant l’incompréhension la plus totale, le producteur estime qu’il y a encore du chemin à faire pour changer les mentalités. Le fait de consulter est encore perçu comme une faiblesse dans le milieu, déplore-t-il. « On en vit, du stress [en agriculture]. Ce n’est pas gênant de consulter. Pour moi, c’est un outil [l’aide psychologique] dont il faut se servir », fait-il valoir.

Cependant, Francis croit qu’il manque de ressources d’aide pour les agriculteurs dans certaines régions, dont la sienne. Il estime qu’il devrait y avoir au moins un travailleur de rang affecté à Lanaudière. 

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