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Le journaliste Martin Ménard est un fervent amateur de motoneige. Toujours prêt à vivre des sensations fortes, il raconte ici sa dernière virée avec son filleul Samuel aux monts Valin, au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
La motoneige hors-piste procure des sensations fortes et permet de savourer des paysages uniques, empreints de la pureté typique des forêts du nord.
J’envoie un texto à mon filleul Samuel lui demandant s’il est partant pour un voyage de motoneige hors-piste aux monts Valin. C’est son cadeau, tout est fourni. Il me répond instantanément : « Tu niaises? Mets-en! » C’est ainsi qu’a débuté une expérience unique.
Nous partons le 21 février en après-midi, ce qui l’oblige « malheureusement » à louper ses cours du cégep, lui qui étudie en gestion et technologies d’entreprise agricole à Saint-Jean-sur-Richelieu. En route vers le Saguenay–Lac-Saint-Jean, nous empruntons l’autoroute qui traverse le parc des Laurentides. « Certaines personnes de Québec ont la trouille de passer par ici l’hiver en raison de la météo, dis-je à Samuel. Pourtant, avec de bons pneus, il n’y a vraiment pas de quoi se stresser. » Je peux à peine terminer ma phrase que je contre-braque à gauche, puis à droite; le camion est presque en portefeuille sur l’autoroute. Merde, la chaussée est glacée. Plus loin, la poudrerie nous empêche carrément de voir. Une voiture a même frappé le mur du terre-plein… Après un moment de silence, je dis à Samu qu’à bien y penser, « les gens de Québec ont peut-être raison d’éviter le parc des Laurentides l’hiver! »
Nous arrivons finalement aux monts Valin vers 21 h pour retrouver nos quatre comparses d’expédition. Petit problème : notre copain Ti-Loup a réservé le chalet comme si nous arrivions seulement… le lendemain. Nous devons nous trouver un autre endroit pour crécher! Espèce de Ti-Loup!
Se perdre dès le départ
Après une trop courte nuit en raison des bruits de ronronnement gastriques du Pit Bro-Bro, qui n’a visiblement jamais réussi à digérer ses deux poutines du McDo, on emprunte les sentiers fédérés qui nous mèneront aux secteurs hors-piste. Le soleil éclaire tous les chalets perchés dans les monts Valin; on se croirait en Suisse. Plus loin, le décor est incroyable, avec tous ces arbres chargés de neige qui scintillent au soleil. Wow!
Mon filleul est devant moi. Il s’arrête soudain. Sa visière est givrée. On corrige le tout, puis on repart droit devant. Le hic : le reste du groupe a tourné à gauche… Avec une superficie de 6 900 km2 et sans moyen de communication, on peut se chercher longtemps aux monts Valin. On finit par retrouver le groupe après 35 minutes. Ouf!
Pat Bill, la légende
Notre guide, Pat Bill, nous emmène sur un petit lac caché recouvert d’une abondante couche de neige poudreuse. Quel festin! Samu teste pour la première fois les capacités de sa motoneige de montagne, un Summit 600 cc de Ski-Doo. Un genre d’animal très maniable et fougueux. L’expression sur son visage confirme qu’il adorera ses deux jours en hors-piste!
Le guide constate du même coup que nous venons du sud et que nous ne sommes pas habitués à tant de neige… Il nous explique comment exécuter des virages avec un parfait transfert de poids. Sa démonstration nous révèle qu’il est dans un tout autre registre en matière de pilotage!
Le clairon a sonné : c’est l’heure de passer aux choses sérieuses et de grimper avec nos machines. « On va commencer par des bébés côtes », indique le guide.
C’est la première vraie expédition de motoneige de Samu, mais ce colosse de 21 ans a toujours été à l’aise avec les VTT et les machines agricoles. Il grimpe donc la première côte comme un pro. La deuxième offre cependant une inclinaison latérale qui l’oblige à déporter son poids sur le côté, tout en montant. Samu grimpe, mais je constate qu’il se met à dévier sur le côté, il lâche les gaz juste avant de basculer et… s’embourbe dans le haut de la pente! Je l’aide à pelleter autour de son bolide. C’est alors que Pat Bill surgit comme un fauve. Il nous regarde et dit :
– My god! Une pelle?
– Essaye donc de déprendre son Ski-Doo sans pelle! lui dis-je.
Pat Bill embarque sur la monture à Samu, il tord la manette des gaz et… il se cale davantage! Je ris intérieurement. Il me jette un regard du coin de l’œil, puis remet les gaz à fond, mais vraiment à fond, et sautille en même temps sur l’arrière de la motoneige. Trois secondes plus tard, elle sort du trou. Il la stationne à côté, nous donne la clé et s’en va…
Un peu plus loin, Ti-Loup a trouvé un super passage pour monter, mais s’est embourbé dans la courbe juste avant le sommet. Je me positionne pour le remorquer. Pat Bill se pointe aussitôt pour aider. « Un câble de remorquage? My god…» Il nous demande plutôt de tirer brièvement sur les skis. Un, deux, trois, il sort la motoneige avec les gaz à fond, et quelques mètres plus loin, juste avant d’arriver aux arbres qui sont devant nous, il incline le bolide, effectue un virage parfait à 180 degrés et arrose le tout d’un jet de neige incroyable. Ti-Loup est sans mots.
De son côté, notre comparse J-LO a le projet de monter une côte raide où il doit se faufiler entre deux portions encore plus abruptes. Pour l’aider, Pat Bill part lui faire « une trace » avec sa Polaris Pro RMK et sa chenille de 8 cm de profil.
Le guide termine son ascension en y mettant un peu de moutarde, plaçant sa motoneige complètement à la verticale; seul l’arrière de la chenille touche au sol. Du grand art! J-LO fait « presque » la même chose, à la différence qu’une légère hésitation le fait dévier sur le côté. Il exécute deux tonneaux vers le bas et repart comme si de rien n’était. Mon filleul me jette un regard qui veut dire : « Tu ne me verras jamais essayer cette côte-là! »
Au feu!
Plus tard, on s’amuse à monter une longue pente dont le sommet forme un plateau. Le Pit Bro-Bro est le premier à s’élancer. Il a toujours choisi les moteurs les plus puissants pour ses bolides. Et ce n’est pas pour l’apparence… vous voyez le genre! Il accélère donc à fond avec son nouveau Ski-Doo Backcountry 850 et arrive sur le haut du talus, les deux skis en l’air, pour retomber dans la poudreuse. On l’imite tous. Quelle sensation!
Parlant du Pit Bro-Bro, il décide de s’offrir une pente de côté, debout sur un seul marchepied, mais finit par s’enliser. Je vais lui prêter main-forte, mais je bascule dans le même piège; des buissons ont créé une poche d’air sous la neige. Mon Skandic se retrouve la chenille vers le haut. Et pour ceux qui l’ignorent, à 320 kilos, un Skandic, c’est lourd. Avec de la neige jusqu’au torse, la tâche de le retourner se corse… On réussit à le redresser, mais au redémarrage se dégage un étrange nuage de fumée. L’huile du moteur s’est déversée sur le pot d’échappement et chauffe. Pat Bill rapplique avec un sentiment d’urgence : « Ouvre vite ton cab et enlève l’huile, autrement tout le Ski-Doo va brûler », dit-il d’un ton solennel. Je lui réponds à la blague qu’il n’y a rien de grave; pour une fois qu’un moteur à quatre temps fume autant que ceux à deux temps comme le sien! « Je ne niaise pas, Martin : sur tous les moteurs à quatre temps que j’ai vus fumer à cause de l’huile, deux sur trois ont brûlé au complet », assure-t-il. Bonne nouvelle, ma bestiole survit à cette nouvelle cascade. Toujours vivants, nous repartons.
La pente big mama
Après ce qu’il qualifiait de « bébés pentes », Pat Bill nous amène devant le défi du jour : la big mama. Non seulement le dénivelé est intimidant, mais le facteur stress augmente en raison du tracé en diagonale qui ne laisse aucunement la possibilité d’effectuer un demi-tour lors de l’ascension. Je sais que mon moteur à quatre temps de 900 cc développe une puissance limite (en fonction du poids) pour atteindre ce sommet. Je pense à ma tendre mère, à qui j’ai toujours promis d’être prudent… J’oublie vite cette promesse : je devrai réussir à gravir cette pente ou je la déboulerai!
Pat Bill s’élance en premier et touche le sommet sans problème. Ne faisant ni une ni deux, le Pit Bro-Bro me surprend en mettant en marche son 850. Il passe près de moi lentement en disant : « Si je me pose trop de questions, je risque de choker. Aussi bien régler ça tout de suite. » Il fonce. En plein contrôle, il réalise une montée du tonnerre jusqu’au sommet. J-LO, qui possède le même genre de cheval, s’exécute aussi avec succès. Samu me regarde, l’œil interrogatif. Je lui mentionne que rien ne l’oblige à monter. « Ça me sort vraiment de ma zone de confort, mais je pense que je suis capable. J’y vais », me répond-il. Il démarre alors sa Summit et réussit à merveille à se hisser jusqu’en haut. À mon tour, maintenant. Je fais pratiquement dans mon froc simplement à regarder l’inclinaison de la pente! Je tords la manette des gaz. Mon Skandic donne tout ce qu’il a dans le ventre, mais au fur et à mesure que je monte, je perds de la vitesse. Je gruge chaque mètre de la pente pour finalement parvenir jusqu’en haut de justesse.
Ti-Loup s’exécute, mais fidèle à lui-même, il a pris trop d’élan et arrive sur le premier plateau du sommet avec trop de vitesse : la motoneige est debout, elle bascule un brin et Ti-Loup lâche les poignées. Par chance, sa monture reste en équilibre sur l’arête sommitale…
Au moment de redescendre, le guide nous recommande d’embrayer le « reculons » au cas où ça descendrait trop vite. Vrai que les freins ne servent à rien au cours de la descente, car la chenille se bourre de neige et se transforme en crazy carpet, mais embrayer le reculons me paraît un peu exagéré. Tout compte fait, ça descend effectivement beaucoup trop vite, et chacun d’entre nous utilise la marche arrière à vitesse maximum. La neige sort par l’avant de la motoneige!
Un bar dans le sentier
En revenant au bercail par le sentier Trans-Québec, quelque chose d’assez rare apparaît devant nous juste après un virage. Un orignal? Un caribou? Non, c’est un bar. Dans une yourte! L’un des seuls bars du monde plus accessible en motoneige qu’en voiture. Impossible de ne pas y entrer!
Une fois attablé avec une bonne bière froide pour me dégeler les mains, je demande à Samu ce qu’il pense de sa première journée. « La motoneige hors-piste, c’est tout un sport! Ça prend de la technique pour monter les côtes. Quand tu montes, l’adrénaline embarque et une fois que tu réussis, c’est un accomplissement, le dépassement de soi », confie Samuel, ajoutant : « Les petits sentiers en forêt, j’ai aussi adoré ça. Pour la beauté de la chose. »
Un combat à finir
Le lendemain matin, nous redémarrons nos machines en quête de nouvelles aventures, cette fois avec un autre guide. La journée est encore grisante. À un certain moment, nous longeons une forêt avec un ravin à notre droite. C’est le genre d’endroit où un seul moment d’inattention t’envoie dans le pétrin. « Si quelqu’un descend là, il ne remontera pas », avertit le guide. Nous l’écoutons religieusement… avec cette envie d’y descendre quand même!
Accompagnés du Pit Bro-Bro et de Samu, nous trouvons un passage étroit qui monte sous les arbres couchés par la neige. On grimpe le tout avec le corps dans le vide, les deux pieds sur le même marchepied. Quel sport!
Un peu plus loin, je m’amuse dans une pente, que je travaille dans tous les sens. Le groupe me distance, mais je n’ai pas le choix : j’ai un combat à finir avec cette pente! Je réussis un passage avec un virage à 90 degrés à la sortie d’un creux. Trop de sensations pour ne pas réessayer le tout. Mais hop! je vire sur le côté. Mon Skandic se transforme en sous-marin. Je sors ma pelle, la vie est belle. Le guide finit par me retrouver. Il commence à me savonner les oreilles, en me demandant pourquoi j’ai passé dans un pareil endroit, ajoutant qu’il venait juste de déprendre trois de mes copains. Je lui réponds qu’en Montérégie, nous avons 30 cm de neige, et que si je viens aux monts Valin, c’est justement pour prendre mon pied dans des secteurs de 400 cm de neige! Je lui fais remarquer que je n’ai pas besoin de son aide pour me déprendre… On se regarde dans le blanc des yeux. Évidemment, nous oublions ce léger différend et repartons à vive allure.
Comme il ne faut pas changer une recette gagnante, nous terminons cette virée en retournant au bar de la yourte. La soirée se termine tard, notamment parce que Samu prend place au micro pour le concours de karaoké…
Le retour
Le retour en Montérégie le surlendemain s’effectue avec des souvenirs plein la tête. Samu avait prévu étudier en route en vue de son examen d’agronomie; il étudie plutôt l’anatomie de la vitre d’auto sur laquelle il s’est appuyé pour dormir! Ce ne sera sûrement pas son meilleur examen, mais c’était pour une bonne cause.
La motoneige hors-piste se révèle à chaque nouvelle saison un sport des plus enivrants. Un générateur d’émotions fortes où l’entraide est de mise et où les amitiés se soudent à un autre niveau. Initier un jeune comme Samuel, c’est créer un moment unique avec lui.
3 conseils de sécurité « bébêtes » en hors-piste Attacher le cordon de sécurité à son manteau. Si la motoneige vire sur le côté et que le pilote se retrouve les jambes sous la chenille ou le visage près du pot d’échappement, il pourra se protéger en éteignant le moteur grâce au cordon de sécurité. Ce dernier évite aussi qu’une motoneige sans pilote fonce dans d’autres motoneigistes. Attacher son casque. « Ce n’est pas parce qu’un casque est serré sur ta tête qu’il va tenir en cas d’impact. Si ta motoneige frappe un obstacle, ton casque va partir en avant comme une balle s’il n’est pas attaché », avertit le guide de hors-piste Pat Bill. Respecter ses capacités. Pat Bill a remarqué qu’une des principales causes d’accident demeure la surestimation des compétences. « Il y a des gens qui vont trop vite par rapport à leur capacité de maîtriser réellement leur motoneige. D’autres se risquent dans des endroits difficiles sans avoir suffisamment de technique. Celui qui se promène à 135 % ou à 150 % de ses capacités durant toute la journée devient dangereux pour lui et pour les autres », résume-t-il. |
* L’auteur de ces lignes a entièrement payé son hébergement, ses repas et ses guides.