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Peu avant l’entrée en vigueur du projet de politique agricole pour le Québec, l’artiste peintre Marc Séguin veut montrer dans un documentaire de près de deux heures que des « aberrations en agriculture au Québec » freinent de jeunes producteurs qui souhaitent établir un modèle différent de petites fermes plus écologiques.
« Dans un monde idéal, il y aurait une influence politique. En même temps, j’ai un peu d’expérience; je ne suis pas naïf. Je ne sais pas si ça va se rendre là », explique Marc Séguin, à propos de l’influence souhaitée que son film La ferme et son État pourrait avoir.
Le documentariste et petit-fils d’agriculteur enchaîne avec deux propositions « urgentes » pour permettre l’instauration d’un plus grand nombre de petites fermes et lancer son « projet identitaire ». La première chose qu’il a en tête est l’accès au territoire sur des surfaces de faible dimension, en permettant le morcellement des terres. « Ça favoriserait le tissu social », mentionne le producteur à temps partiel.
En second lieu, il indique qu’« il faut rediriger les subventions pour soutenir cette agriculture-là », sans viser exclusivement l’agriculture biologique. « Le poulet et le porc industriels qui sont subventionnés font baisser les prix », estime Marc Séguin, en parlant de diverses formes de subventions « cachées », allouées à la construction, aux équipements, aux frais vétérinaires, au transport, aux abattoirs ou aux compagnies pharmaceutiques. Rediriger ces subventions vers les produits fermiers viendrait amoindrir l’écart de prix entre les denrées issues de l’agriculture de grande surface et celle à plus petite échelle, d’après le cinéaste. L’aide aux petites exploitations pourrait prendre la forme d’un soutien plus grand à la relève lors de l’achat de terres.
Le documentaire suggère aussi la mise en place d’abattoirs mobiles. De plus, à l’instar de l’Union paysanne et d’autres groupes interrogés dans le film, Marc Séguin revendique le droit de détenir plus de poulets ou de poules hors quota. Il donne l’exemple des 2 000 poulets permis en Alberta. « Laissons le choix aux consommateurs : du poulet sous gestion de l’offre ou hors quota. Je pense que ça serait évident », analyse Marc Séguin, qui ajoute « ne pas être contre les quotas », qui ont permis de conserver des fermes familiales.
Propositions audacieuses
Le professeur en économie agroalimentaire à l’Université Laval Patrick Mundler, aussi interviewé dans le film, affirme que l’agriculture de proximité correspond à environ 3 % de l’ensemble du secteur au Québec. « Si on se rendait à 10 %, je n’ai pas l’impression qu’on mettrait l’industrie dans la merde », soutient Marc Séguin, qui dit vouloir le maintien des deux systèmes. Il souhaite par ailleurs que les intégrateurs se convertissent à des pratiques qui donnent la possibilité d’aller chercher une plus-value.
Celui qui possède une petite ferme diversifiée avec chevaux, porcs, poulets, poules, chèvres, érablière et grand potager, se permet une autre proposition audacieuse. « On l’a fait pour l’électricité. Pourquoi ne pas nationaliser les syndicats? Il pourrait y avoir un organisme québécois indépendant qui fédérerait toutes les forces ensemble. Le ministère de l’Agriculture ne s’implique pas dans le secteur », mentionne Marc Séguin, qui admet qu’il faudrait un « État fort » pour ce faire.
La ferme et son État – le film En plus de montrer des modèles de fermes non conventionnelles établies au Danemark, en Suède et aux États-Unis, le documentaire de Marc Séguin fait parler plusieurs acteurs du secteur agricole et de la santé. On entend d’abord plusieurs jeunes de la relève qui misent sur une petite exploitation, souvent maraîchère. En outre, Benoît Girouard, de l’Union paysanne, et Marcel Groleau, de l’Union des producteurs agricoles, font état de leurs positions. Le documentaire donne aussi une large place à l’homme d’affaires André Desmarais et à Jean-Martin Fortier, de La Ferme des Quatre-Temps. Dominic Lamontagne, de l’Institut Jean-Garon, explique son projet de ferme impossible. Le cardiologue Martin Juneau met les gens en garde contre les aliments industriels ultratransformés. Deux ministres de l’agriculture sont interviewés, mais on ne voit que quelques images de Pierre Paradis. L’auteur et narrateur jugeait inutile de les entendre et a plutôt donné la parole à Jean Pronovost, qui souhaite que la politique à venir tienne compte des recommandations remises au gouvernement par le passé. La ferme et son État est sorti au cinéma le 29 septembre dans quatre villes du Québec, soit Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières. |