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SAINT–HYACINTHE – Malmenés dans certains médias et visés par le projet du gouvernement du Québec de modifier la loi régissant leur profession, les agronomes vendeurs d’intrants viennent officiellement de créer une association afin de mieux défendre leurs intérêts.
C’est ainsi que l’Association québécoise des agronomes en fournitures d’intrants (AQAFI) a été formée légalement en juillet dernier. Une première réunion d’information destinée aux membres a eu lieu au début octobre. « La salle était pleine, avec une diffusion simultanée aux quatre coins de la province. On s’est fait féliciter de lancer une association. Le besoin est là. Depuis les 20 dernières années, il y a eu beaucoup de désinformation et les agronomes ont été ciblés à tort et à travers », fait valoir Mario Perron, président de la nouvelle association.
Attablé dans un restaurant de Saint-Hyacinthe, où il a convié La Terre le 7 octobre, M. Perron souligne que « le souci à l’horizon, le danger, c’est de créer deux types d’agronomes : l’un qui vend et l’autre qui conseille ». « Comment ce serait applicable sur le terrain [qu’un agronome vendeur d’intrants ne puisse plus donner de conseils] et quelles seront les conséquences sur la profession et sur l’agriculture? Est-ce qu’ils ont pensé à ces angles morts-là? » questionne-t-il.
Le spectre de départs
Le président de l’AQAFI indique que les agronomes vendeurs d’intrants, s’ils ne peuvent plus donner de conseils, n’auront plus avantage à demeurer agronomes et à payer leur cotisation à leur ordre. Il évoque également la possibilité que les compagnies décident de ne plus embaucher d’agronomes pour vendre. « Cette perte de professionnels-là, je ne pense pas que ce serait une bonne nouvelle pour le milieu agricole », analyse celui qui est directeur des ventes du secteur porcin chez Trouw Nutrition.
Marie-Andrée Noël, administratrice de l’AQAFI, ajoute qu’en Europe, la vente et le conseil ont été séparés. « Cela crée une désorganisation, menant à un recul agronomique, estime-t-elle, car le producteur, au lieu de payer le conseiller, se tourne vers son vendeur pour avoir une recommandation, qui n’est pas écrite ni structurée, du genre : «Je ne te l’ai pas dit, mais applique deux litres [de pesticides] à l’acre». Présentement, au Québec, tous les agronomes doivent suivre un code de déontologie, s’assurer de suivre 40 heures de formation tous les deux ans, tenir des registres, etc. Pourquoi vouloir séparer à tout prix la vente du conseil? » s’interroge celle qui est directrice des ventes chez Agrocentre Technova.
Rappelons que le projet de loi 41, mis au rancart par la tenue des élections provinciales, vise à modifier la Loi sur les agronomes. Les politiciens en place voulaient ainsi séparer la vente d’intrants agricoles et les services-conseils de sorte qu’un agronome ne puisse plus cumuler les deux fonctions. L’Ordre des agronomes du Québec s’était montré d’accord avec ce principe, ce qui n’est pas le cas de l’AQAFI. Toutefois, Marie-Andrée Noël insiste pour dire que son association veut travailler en collaboration, notamment, avec le gouvernement et l’Ordre, pour définir les changements et la façon de les appliquer sur le terrain.
Accueil favorable de l’Ordre
La présidente de l’Ordre des agronomes du Québec, Martine Giguère, voit d’un bon œil la création de cette nouvelle association. « Revendiquer des conditions de travail, un ordre ne peut pas faire ça. S’ils décident de se regrouper pour défendre leurs intérêts, c’est bien vu. On accueille ça favorablement », dit-elle, spécifiant qu’il existe déjà une autre association d’agronomes, soit l’Association québécoise des agronomes en zootechnie.
Principal sujet en assemblée
La possibilité de créer deux types d’agronomes s’est imposée, une fois de plus, comme le principal sujet au menu de l’assemblée générale annuelle de l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ), le 13 octobre, à Lévis.
Le sujet devient plus politique que jamais avec le retour au pouvoir de la Coalition avenir Québec, qui, potentiellement, pourrait aller de l’avant avec son projet de loi visant à modifier la Loi sur les agronomes. « Si le projet de loi passe, les agronomes ne pourront plus être des vendeurs [d’intrants, de services financiers, etc.]. La menace qui nous guette, c’est que des agronomes décident de quitter l’Ordre et de se spécialiser dans la vente. Ils ne seraient plus encadrés par l’Ordre, mais ils donneraient des conseils. Est-ce que ça permettrait de mieux protéger le public? La réponse, c’est non », affirme la présidente de l’OAQ, Martine Giguère, en entrevue avec La Terre, en marge de cette assemblée.
Une résolution a d’ailleurs été présentée pour insister sur le fait que le projet de loi 41 créerait deux types d’agronomes. La résolution demande ainsi à l’Ordre qu’il fasse pression pour que le code de déontologie des agronomes, les règlements et les politiques soient les mêmes pour tous les agronomes, peu importe leur champ d’exercices.
Mentionnons que l’Ordre s’était dit satisfait, en juin dernier, du projet de loi annoncé par Québec, qui venait moderniser la Loi sur les agronomes. Il souhaitait déjà moderniser son propre code de déontologie afin de séparer la vente du service-conseil, mais se dit en défaveur d’un règlement qui interdirait à un agronome de vendre un intrant.