Vie rurale 19 septembre 2014

La famille agricole de l’année en 2005:Les Labranche-Vachon

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

Établis avec cinq vaches, dont une en cadeau de noces, et quelques porcs, sur 17 hectares de roches à Saint-Adrien-d’Irlande, près de Thetford Mines, en 1948…

Eugène Labranche et Bernadette Vachon ont relevé le défi non seulement de transmettre la passion de ce noble métier à cinq de leurs sept enfants, mais aussi des valeurs profondes.
Pas étonnant que la Fondation de la famille terrienne leur ait décerné le titre de famille agricole de l’année, le 1er décembre 2005, dans le cadre du congrès général de l’UPA, à Québec. Pas étonnant non plus qu’ils aient nolisé un autobus pour que les 57 enfants et petits-enfants du clan Labranche-Vachon puissent accompagner Bernadette pour ce grand jour ! Parions que le banquet qui aura lieu en leur honneur, le 23 avril prochain, à Saint-Adrien-d’Irlande, sera sans doute fort couru !

Incontournables !

Simples, chaleureux et accueillants, les Labranche-Vachon n’ont pas le symptôme du voisin gonflable. Ils ont préféré la qualité de vie au paraître, suivant ainsi l’exemple de leurs parents. Ils ont développé cinq exploitations agricoles familiales, diversifiées, « plus facilement transférables en cette ère d’industrialisation et malgré la menace de la mondialisation », précise Claude. Mais attention ! Ensemble, ils pèsent de plus en plus lourd dans le destin de ce village de 419 citoyens où ils sont devenus incontournables. Ils possèdent en effet 495 hectares de fonds de terre et 58 autres en location : 317 en boisés, 149 en fourrages, 67 en céréales et 20 en petits fruits. Ils sont aussi incontournables en ce qu’à l’exemple de leurs parents, on les retrouve impliqués dans toutes sortes d’organismes sociaux, syndicaux, économiques, coopératifs et religieux.

C’est en toute liberté, et souvent après avoir travaillé à l’extérieur de la ferme, qu’ils ont décidé de carburer à l’agriculture. « Ils ont essayé de travailler à la journée, mais ils sont tous revenus. On ne les a jamais forcés », signale Bernadette, une grand-mère aux yeux rieurs qui transpire la paix et la sérénité. « Nos parents ne nous ont jamais fait manquer l’école pour accomplir des travaux à la ferme. La formation était valorisée chez nous », confirme Rolande. « Cinq enfants sur sept ont fréquenté l’école privée », renchérit Bernadette. Et l’aventure agricole est loin d’être terminée ! La relève est presque assurée sur quatre exploitations.

Familiales

Prévoyant, Eugène, décédé en 2000 après une courageuse lutte contre la maladie, avait pris soin d’établir ses fils Claude et Laurent. Ce dernier a acquis la ferme paternelle, Ferme Labranche, en 1980, avec notamment 25 vaches laitières, 32 hectares en culture et 600 entailles. Cette exploitation agricole, à laquelle son épouse Yvette et son fils Steve sont associés, se distingue par ses 53 têtes pur-sang Holstein (dont 30 vaches laitières) et ses 125 hectares qui abritent quelque 9000 entailles certifiées biologiques. Laurent a fondé en 1981 la compagnie Gestion PFL, qui recueille toujours le lait de 12 producteurs.

Claude a racheté quelques années plus tard la ferme située de l’autre côté du village acquise par son père pour l’établir parce qu’il était trop jeune pour obtenir un prêt. La Ferme Claudor, dont son épouse Doris est sociétaire, possède maintenant 66 têtes Holstein et 104 hectares (dont 59 en culture). Leurs fils, Dany, mordu de production laitière, fait la traite matin et soir tandis que Francis, diplômé en machinerie agricole, effectue des travaux de déneigement et d’épandage de fumier à forfait. Claude et Laurent ont gardé la passion de leur père pour les animaux de race et aiment se taquiner au sujet de leurs « vaches étoiles ». Ils partagent leur machinerie agricole et 62 hectares.

Diplômée en administration, Rolande a tour à tour été secrétaire-trésorière, conseillère financière et, depuis 12 ans, directrice générale du Transport adapté de la région de l’Amiante. L’agriculture occupe une place de plus en plus déterminante dans sa vie depuis que son époux, Réal Gouin, est devenu propriétaire de l’érablière de son père en 1997. Il est d’ailleurs très fier de ses 14 000 entailles certifiées biologiques. L’achat de la terre voisine en 1999 permettra à leur fils, Frédéric, diplômé de l’ITA de La Pocatière, de démarrer en 2006 une entreprise bovine où il produira des animaux pur-sang.

Infirmière auxiliaire, Lucie n’en est pas moins impliquée sur la Ferme Jules Martineau, une entreprise diversifiée collée sur le village, qui compte une vingtaine de vaches laitières, 2800 érables ainsi qu’un moulin à scie. Son fils Alexandre est en charge de la ferme tandis que sa fille Geneviève, diplômée en horticulture de l’ITA de Saint-Hyacinthe, travaille entre autres aux Serres Grondin de Thetford Mines. Chantale, la plus jeune, exploite avec son conjoint, Mario Nadeau, fils d’agriculteur, la Fruitière Nadeau, à Pontbriand. On y produit des petits fruits (fraises sucrées, framboises et bleuets) sur 20 hectares dont 90 % consacrés à l’autocueillette. De nombreuses personnes viennent visiter sa fermette de petits animaux.

Seuls deux enfants ont pris leurs distances face à l’agriculture. L’aînée, Marie-Claire, qui a enseigné les arts plastiques, se démarque par la haute qualité de son artisanat ainsi que par son bénévolat dans des organismes comme le Cercle des Fermières de Black Lake, où elle réside. Victime d’allergies sur la ferme, Paul a quitté le village et est devenu ébéniste, à Victoriaville. David, son fils, opérateur de machinerie lourde, travaille sur des fermes laitières en fin de semaine… comme quoi le goût de l’agriculture ne se perd pas !

Pas si fragiles…

Pourquoi cette passion de l’agriculture ? D’emblée, tous disent que ce n’est sûrement pas pour le salaire. C’est plutôt le contact avec la nature et les animaux, le plein air, l’autonomie, le fait de bâtir et d’améliorer jour après jour sa propre entreprise et d’être son propre patron. Mais cette passion vient d’abord de leurs parents « qu’ils n’ont jamais entendus chialer parce qu’il fallait traire les vaches sept jours par semaine ». Les Labranche-Vachon sont-ils inquiets pour l’avenir en cette ère de mondialisation ? « Il n’y a plus rien de sûr, peu importe le secteur économique », avance Frédéric. Les Labranche-Vachon savent de quoi ils parlent. Ils vivent dans une région dont l’économie reposait sur l’exploitation de l’amiante et qui fait d’énormes efforts pour se reconvertir. Après dix générations en agriculture, les Labranche-Vachon illustrent que la fragilité n’est pas toujours là où l’on croit…