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Ils ont quitté leur pays; pour certains, c’était la Colombie, pour d’autres, le Mexique, parce qu’ils cherchaient à refaire leur vie dans un environnement plus stable.
Dix ans plus tard, ces nouveaux arrivés qui ont appris le français sur les bancs d’école rendent de fiers services à leurs employeurs agricoles dans une Beauce besogneuse et ouverte à l’immigration. Ils occupent des fonctions bien rémunérées sur des fermes laitières et porcines. Et les agriculteurs se félicitent d’avoir misé sur ces travailleurs venus d’ailleurs.
« Nous pouvons qualifier l’expérience de success story, affirme sans prétention la responsable du Centre d’emploi agricole (CEA) de la Beauce, Johanne Gagnon. Mais tout ne s’est pas réalisé sans efforts. Nous nous sommes mobilisés pour faire en sorte que notre programme d’intégration devienne une réussite. »
Elle n’hésite pas à parler d’un « projet de vie » pour ces hommes et ces femmes qui ont effectué le choix de « sortir de la grande ville » – que ce soit Montréal ou même Québec – pour aller travailler en région, dans un environnement inconnu.
Mais avant de se trouver un emploi, il leur a fallu suivre un cours intensif de 14 semaines pour apprendre le métier d’ouvrier agricole au Centre de formation de Saint-Anselme, où ils ont eu la chance d’être guidés par le professeur Daniel Martineau, qui a la réputation de s’engager à fond dans le programme.
« Pour plusieurs, cette intégration n’a pas été de tout repos, rappelle la responsable du CEA. On leur demandait de quitter leur famille et de venir prendre une formation, sans savoir ce qui les attendait par la suite. Ils avaient toutefois l’espoir de trouver un emploi au bout de leurs démarches. »
C’est ce qu’a fait Roberto Herleyn Blandon Aristizabal. Arrivé au Québec en février 2004 avec sa famille – il a 12 frères et sœurs! – il a suivi une formation, il y a 8 ans. Il n’est jamais rentré à la maison. Il a trouvé un emploi à la Ferme GEC, à Saint-Frédéric.
« Je m’occupe de la maternité et de la pouponnière de 2 000 porcelets, raconte le travailleur d’origine colombienne âgé de 28 ans. Je ne changerais pas de job! Ici, on s’intéresse à ce que je fais. On tient compte de mes idées. »
Il habite à Sainte-Marie de Beauce, non loin de là, avec sa conjointe, Dany Vasquez, 25 ans. Elle travaille elle aussi à la ferme porcine, propriété de la famille Lessard.
« J’ai choisi les meilleurs », dit Enrico Lessard au sujet de Roberto et Dany. Il a d’ailleurs l’intention d’embaucher d’autres « étudiants » formés au Centre de Saint-Anselme pour combler ses besoins de main-d’œuvre. « Mais ce n’est pas facile, convient-il. Il faut prendre le temps d’évaluer les candidats pour s’assurer qu’ils feront l’affaire, et qu’ils voudront rester au sein de l’entreprise. »
Des travailleurs… travaillants
François Berthiaume dirige avec sa mère Porc SB et Via Porc, dans le rang Bas-Saint-Thomas à Saint-Elzéar, non loin de Saint-Frédéric.
« Je peux vous dire que bien peu de Québécois accotent mon employé colombien », dit-il à propos de Willington Rojas, 37 ans.
Il ajoute : « Il est à la ferme dès 5 h 30 le matin et il repart à 18 h 30. Il possède une capacité de travail incroyable. Il faut lui dire de prendre des pauses. »
Willington sourit et réplique : « Dans mon pays, je tirais le lait des vaches dès 4 heures le matin! » Il dit s’être bien adapté à sa nouvelle vie, d’autant plus qu’il travaille désormais avec sa conjointe, Nini Valencia, 35 ans, qu’il a connue à Québec, il y a un an à peine. C’est lui qui a proposé à son patron de l’embaucher.
« Au début, raconte-t-il amusé, elle a trouvé ça difficile. Elle n’avait jamais travaillé dans une ferme et elle avait peur des truies. Elle s’est habituée rapidement. »
Tandis qu’il se raconte, François Berthiaume ne peut s’empêcher de parler de l’importance de pouvoir compter sur des gens prêts à s’investir pour faire avancer la cause de l’agriculture.
Il dit beaucoup de bien des travailleurs immigrants et du programme d’intégration mis en place en Beauce, terreau fertile de la petite et moyenne entreprise. Ce n’est pas Johanne Gagnon qui va le contredire. « C’est un programme qui marche dans notre région parce qu’il y a des producteurs et du monde qui s’implique et qui s’en occupe », soumet-elle.
Cette implication donne des résultats. Six producteurs ont même contribué de leurs poches pour un montant de 18 000 $, afin de permettre à des travailleurs immigrants en formation de se loger et de se nourrir.
« Ça démontre qu’il y a un besoin réel et que les agriculteurs font preuve de dynamisme », fait valoir la responsable du CEA.
Ce programme fait également appel à une ressource fondamentale : AGRIcarrières, par l’entremise de son service Agrijob Montréal, qui recrute et amène sur le terrain des candidats potentiels pour leur faire voir les opportunités.
« Nous bénéficions d’une belle association avec nos partenaires de Chaudière-Appalaches, notamment les CEA de l’UPA [Union des producteurs agricoles], tient à rappeler Robert Ouellet, coordonnateur à l’emploi agricole chez AGRIcarrières. Ça explique le succès depuis 10 ans de ce projet d’intégration. Nous avons réussi à intéresser près d’une centaine d’immigrants dans des postes d’ouvriers en production laitière et porcine. »
Il ajoute néanmoins : « Malheureusement, malgré ces succès, nous avons l’impression que les ressources publiques diminuent d’année en année. C’est dommage, puisque de nombreux producteurs ont manifesté de l’intérêt pour embaucher davantage d’immigrants. Il faudra se pencher sur ces enjeux. »
Johanne Gagnon, du Centre d’emploi de la Beauce, n’ignore pas que sans l’apport d’Emploi-Québec, le programme s’en trouverait fragilisé.
« On a besoin de toute l’aide nécessaire », conclut-elle.